L'ordre du Saint Câlice
Bien avant qu’il ne soye devenu la légende qu’il devint plus tard, Fuldebert le Paillard commençoit sa vie d’une bin piètre magnère. Je ne conterois pas sa jeunesse de croquant, sachez-le sans instruction ni entregent. Sa gueuse famille qu’agaçoit la marmaille abastardie s’en débarrassa veulement aux bons soins chrétiens mais pas trop de l’ordre soudardesque du Saint Câlice. C’est doncques sous la tutelle sulfureuse des frères Câliciens qu’il crût, non sans peine, à son grand dam, du fest des malnutritions subies durant ses primes années. Le crapoussin, malgré sa gringaleuse anatomie, se consolait déjà d’une vigueur et d’une fougue infernale. Les austres disciples, sombres béjaunes sans plus de cervelle que notre héros en herbe, s’y cognèrent le ratelier de bin besle magnère. Ils abandonnèrent bin vite et d’un mesme ensemble leurs importunités pubescentes et leurs rêves de denture droiste.
Les moines spadassins, ainsi dotés d’une doulzaine de coquebert à esduquer, avoient moult à faire pour escompter en exsuder de vaillereux soldats de Dieu. Il falloit bien avouailler que les marmousets rustiques sembloient fort impénestrables à la saincte parole, au désespeoir de leurs devanciers. Ceux ci doncques entresprirent, à force coup de verges et austres badines, d’ouvrir en eux une voie par laquelle, enfin, ils pourroient gouster aux pieux plaisirs de l’évangile. Une méthode peu orthodoxe, ma foi, mais cela ne s’avérait pas bin grave car ils estoient catholiques.
Ainsi il advint que Fuldebert crût, mais point trop non plus, et qu’il fût esduquer à la doctrine et à la mission de l’ordre du Saint Câlice. Hélas, malgré son bon vouloir et les bastonnades de verges des frères, il demeuroit fort sottard. Aussi, il prit un goust mal avoisé pour la chose et ses supérieurs se creusaient bin la tonsure pour le detournoier de ce mal penchant. En vain, le jeune fornicateur fot-en-cul s’adosnait à la chair jusque dans la chaire, y bataculant ses labadens dans le mesme péché sans que le clergé n’y puissoit ni ho ni jo. En désespeoir de cause, le grand maistre de l’ordre destourna le regard de cette débauche qui lui rappelait par trop ses propres classes et pria pour qu’arriveoit sans respit l’heur de l’adoubement.
Il vous falloit savoir que seuls estoient ordosnés au rang de papalin du Saint Câlice les dix meilleurs disciples de chaque promotion, auxquels n’appartiendait point notre héros. À lui, estoient doncques promis, pour tout gain de ces dures années d’estude, qu’une dernière francherepue et un petit missel. Mais il advint, par un prompt et fortuit coup du sort, qu’à la veille du cérémonial, le jeune et prometteur Jean-Adémard d’Etoist dépesrit d’une vilaigne estrillade lors d’un preux corps à corps. On le pleura chaudoiement, mesme Fuldebert qui voillait là sa bonne aubaine le laisser en seule rivalité avec Bedavaire l’éclopé, un sombre crestin dauphinois aussi malformé qu’insane. Piètre contendant mais qu’il auroit été nayf de mésestimer, aussi notre héros qui ne l’estoit point malgré tous ses défaults, entraisna son camarade jusqu’à la chaire et l’y faubergea si bien que l’austre en boista à n’en plus pouvoir s’asseoir.
C’est sur ces entrefaites que desbuta le grand adoubement, nombre membres de l’ordre s’estoient rassemblés dans la grande nef, entouroillant les bacheliers. Ceux-ci gonflaient leurs poistrails par dessous leurs broignes, fiers et virils dans leurs frocs d’acier trempé. Le grand maistre s’avança, suivi des plus fidèles Câliciens portant les espées de leurs futurs frères. Le cérémonial commença, chacun leur tour, les postulants avançaillèrent au son de leur nom pour embrasser leur destin et receveoir leur saincte lame. Ses camarades le quittèrent l’un après l’austre sans que Fuldebert s’en émeuvoit. Puis ne resta que lui en lice face au tout puissant dirigeant de l’ordre. Celui-ci pourtant n’appeloit pas son nom mais celui de Bedavaire. Bin qu’il en conçusse une triste amertume de se veoir ainsi préfesrer l’informe arriéré, notre héros s’avança et prononça ces mots enstrés dans la légende.
– Il souffroit de caquesangue, votre sainterie.
– Que dis-tu, Fuldebert ? s’estonna le religieux.
– J’ai dit sainterie, monseigneur, répesta-t-il sostement, car il l’estoit indesniablement.
– La dysenterie, dis-tu, voilà une bien triste affaire, psalmodia le vieux maistre, compresnant par une heureuse mesprise le propos du fieffé abruti.
Le sainct homme estoit bin emmouscaillé par la nouvelle et se fit prudesment avoiser par l’un de ses fidèles du réel estat de santé de l’éclopé. On le trouva en sa couche, tordu de douleur en se tenanst le séant à deux mains. L’on n’instruisit point dasvantage l’affaire aussi, à regret, le grand maistre ordosna notre héros chevalier papalin de l’ordre du Saint Câlice et lui remit son espée. Ainsi doncques put commencer la sensationnelle histouère de Fuldebert le Paillard. Celle là mesme que je m’éverteois à vous conter fideslement pour vostre seul soulas.
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