Chapitre 14.3 : La parade

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De la maréchaussée à la présentation de l'artillerie, le spectacle était magnifique comme à l'accoutumée. Vers la fin, le défilé mit à l'honneur les officiers d'état. La partie de la cérémonie que Grundal détestait le plus, c'est pourquoi il s'écarta de la rambarde et des spectateurs. A l'abri sous le porche, il n'avait pas à assister à la consécration de leur égo. Loin des regards, il chercha le tabac dans sa poche tout en regardant de loin Simbad et Mira discuter.

- Bonjour Grundal ! La fête est-elle à votre goût ? demanda une voix masculine et suave.

Doucement, un canon vint se poser contre le dos du nain.

Naturellement et comme si l'arme avait touché un nerf, le nain se redressa droit, laissant ses mains descendre le long de son corps. Son regard toujours tournés en direction du défilé, il n'avait aucun moyen de voir la personne qui se trouvait derrière lui. Etant impossible de prevenir Mira ou Simbad car leur attention était complètement pris par le défilé, Grundal se rendit compte qu'il était à la merci de cet étrange personnage.

- Je dois admettre qu'elle l'était jusqu'à présent, répondit-il calmement.

Grundal ne voulait montrer aucun signe de stresse, ou de peur. Ce n'était pas la chose à faire du tout.

- Oh ! Ne vous inquietez pas vous pourrez retourner à vos occupations, nous devons juste parler.

- C'est effectivement ce que votre canon me laisse penser, répondit le nain sur un ton calme identique à celui de son interlocuteur.

- Mon arme n'est rien qu'une simple sécurité, pour m'assurer que vous ne ferez pas de bétises.

- Et à qui ai-je l'honneur ?

L'individu rigola doucement.

Au même moments, des cris ainsi que des huées provinrent de l'avenue. Grundal en déduisit que le carrosse des gouverneurs venait de faire son entrée dans le défilé.

- Désolé mais je ne puis vous donner cette information, reprit-il d'un ton calme. Disons plutôt que vous avez cherché à nous contacter ces derniers jours et... Comment dire ? Vos méthodes ont eu tendance à nous irriter quelque peu.

- Je n'ai cure de vos affaires internes, vous pouvez me croire. Seulement nous n'avons pas trouver d'autres moyens pour vous rencontrer.

- Vous avez attiré notre attention désormais, c'est pourquoi nous allons mettre fin aujourd'hui à ce jeu de cache-cache monsieur Ironhead, coupa l'homme d'un ton sec. Que voulez-vous à notre organisation ?

- Je requiert humblement votre aide pour une affaire.

- Vous ne manquez pas de culot, surtout après le grabuge d'hier. Mes hommes se remettent à peine de votre altercation.

- J'ai besoin d'informations pour retrouver une personne : Aurelius Aissatou. Je sais que d'une manière ou d'une autre, il a fait appel à vos services.

- Pourquoi devrions nous vous apporter notre aide ? Qu'est ce que Big B peut gagner de cette collaboration ?

- Des republicans vous iraient ? Proposa le détective.

- Big B n'a que faire de votre or, coupa l'agresseur en appuyant plus fermement le canon de son arme contre le dos du nain.

C'est alors que Grundal eu un éclair de génie.

- Et si je vous parle... de la clé des singularités ?

Un court silence s'installa. Grundal semblait avoir mis le doigt sur un point sensible.

Tout à coup, une explosion retentit en provenance de la parade. S'ensuivit des cris d'horreurs ainsi qu'un vrombissement du sûrement aux mouvements de foule. Mira et Simbad semblaient choqués par ce qui se déroulait sous leurs yeux.

- Parce que vous allez me dire que vous l'avez en votre possession ? Demanda calmement l'individu.

Grundal ne nota aucun changement dans la voix, ni d'indice de surprise par rapport à la détonation. Il avait alors l'intime impression que sa présence en ces lieux n'était pas un hasard.

- La personne que je cherche travallait sur cet artefact, parmis les informations que j'ai pu accumuler se trouve certaines qui concernent la personne qui la détient. Acceptez de m'aider sur mon affaire, et je vous aiderai à retrouver cette clé pour vous.

Des tirs retentirent et Grundal vit une épaisse fumée noire voler au dessus de la rambarde. Simbad, inquiet, attrapa le bras de Mira, lui annonça quelques mots puis disparu à toute hâte. La jeune fille en réaction chercha Grundal du regard. Quand elle se retourna son expression changea, ses yeux interrogateurs passèrent tour à tour de Grundal à la personne derrière lui.

Au fond de lui, il espérait qu'elle ait une vue dégagée sur son agresseur. Il attendit un peu, le temps qu'elle imprime le moindre détail, avant de lui faire un signe discret pour la rassurer.

- Cette proposition me semble équitable, maintenant une chose me chiffone : qui est la personne qui désire retrouver cette personne ?

- Je n'en ai pas la moindre idée, mentit le détective.

- Evidemment, vous ne pensez pas sincèrement me faire croire que vous travaillez pour des inconnus, ou que vous n'avez pas cherché à savoir qui était votre commanditaire.

- Mon travail nécessite la plus grande confidentialité, et il arrive que cela impacte même l'identité exacte de mon commanditaire. La tâche et la somme reçue pour l'accomplir ne m'ont pas amené à me poser plus de questions. Vous mieux que quiconque pouvez comprendre cela.

L'intonation de Grundal, ainsi que sa posture, étaient convaincante, à tel point qu'il sentit l'homme hésiter un moment.

- Passez votre main dans la poche gauche de mon manteau, déclara le nain en levant les mains.

Il attendit que l'individu en sorte la fausse clé, dérobée par Mira. Attentif à chaque bruissement, à chaque changement de posture, Grundal ne sentit aucune variation, son agresseur derrière lui restant stoïq et muet.

- Je sais, reprit Grundal, que cet artefact a été dérobé au musée, il y a quelques jours, et l'un de vos agents devait le récupérer. Prenez le en gage de garantie.

Un silence s'installa, lourd et bercé par les coups de feu en arrière plan.

- Très bien, lâcha sérieusement l'inconnu. Je transmettrai votre message à Big B. Vous jouez un jeu dangereux monsieur Ironhead, cela finira par vous tuer. Nous reviendrons vers vous quand toute cette agitation sera retombée pour vous faire part de sa réponse. J'espère pour vous que vos dires sont véridiques...

- Ils le sont vous pouvez me croire, certifia le nain.

- Nous verrons bien. Bonne journée détective.

Doucement, le canon s'échappa de son dos. Quand Grundal se décida enfin à tourner le dos, il tomba nez à nez avec le bois de la porte du palais de justice et ses statues accusatrices. Il était impossible que son agresseur se soit évaporé aussi facilement, il devait être quelque part non loin. Rapidement, il s'approcha de la rambarde afin de tenter de le retrouver. C'est sans difficultée qu'il aperçut une personne de dos s'éloignant sereinement du palais de justice, au milieu d'une cohue qui fuyait la grande avenue. Sa tenue ne dénotait absolument pas du reste de la populace et son haut de forme, ordinaire pour l'époque, n'avait rien de particulier. A l'instar de sa morphologie qui aurait pu correspondre à la plupart des ethnies de la ville.

Mais son analyse fut très vite coupé par Mira affolée.

- Grundal !

- Que se passe-t-il Mira ? Où est Simbad ? lui dit-il en lui prenant le bras.

- Le carrosse des gouverneurs, il a été attaqué par des anarchistes ! dit-elle sur un ton grave.

En rejoignant l'autre rambarde, le détective aperçu le véhicule au milieu de la rue brûlant comme du petit bois. Autour des corps calcinés jonchaient le sol et des tirs fusaient de part et d'autres de l'avenue entre les forces de l'ordre et les soldats équipés d'un coté, et les terroristes de l'autre coté. Cette scène de guerilla urbaine rappelait à Grundal le front nord qu'il avait brièvement connus pendant son service militaire.

Les anarchistes, des individus masqués et vétus de vêtements pauvres, jetaient des projectiles explosifs en terre cuite des ruelles où ils avaient été acculés. Cachés derrière des caisses, il répondait aux attaques des forces de l'ordre à l'aide de fusils précaires trouvés vraisemblablement au marché noir.

- Et Simbad ?

- Il a pris peur pour la gouverneure, aussi il est parti pour l'aider ! Je lui ai dit qu'il était blessé et qu'il ne devait pas y aller mais il ne m'a pas écouté !

- Quelle tête de mule celui-là ! lâcha-t-il.

En se penchant sur la rambarde, il chercha le professeur du regard. C'est à cinquante mètres qu'il le vit adossé à un muret, sous le feu des anarchistes.

- On ne peut pas le laisser là Mira ! Viens, il faut qu'on le sorte de là ! dit Grundal en descendant les marches.

Il défit la sangle de son holster, puis en sortit son arme. Un large pistolet à répétition, très différent des revolvers de l'armée et décoré d'ébène et de petites fresques chromées : la fierté du clan IronHead.

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-S-

Cela faisait quelques minutes que Simbad s'était protégé derrière un petit muret, attendant sa chance de s'approcher du carosse en feu. Mais deux hommes, réfugiés dans une petite ruelle avoisinante, l'avait en ligne de mire.

Il avait pensé à utiliser son pouvoir pour franchir la distance qui le séparait de sa bien-aimée, mais il était trop faible pour espérer lancer le moindre projectile de métal. Seul l'éventualité de sortir furtivement sa tête lui semblait une bonne idée pour évaluer la situation. Cependant, à peine sa tête depassa du muret qu'un un tir rasant vint lui rappeler la présence des deux anarchistes.

Son coeur battait à vive allure et sa respiration était haletante. Choqué, la balle n'était pas passé bien loin. Il n'avait aucune envie de se retrouver à nouveau sous le feu des projectiles, mais il ne pouvait pas laisser Kyoshi là-bas.

- Allez à trois... un, deux... fit-il en fermant les yeux.

Prenant son courage à deux mains et priant tous les dieux qui pouvaient exister en ce monde, il se redressa puis sortit de sa cachette. Mais l'attendait un des anarchistes le fusil déjà en joue. Il ferma les yeux puis mit les mains face à lui pour se protéger.

Une détonation éclata, mais ses oreilles l'avait perçut dans son dos. Quand il réouvrit les yeux, l'individu qui le menaçait, gisait maintenant au sol les mains plaqués contre sa gorge. Ses jambes cédèrent sous son poids.

Sonné par la chance qu'il avait eu, il ne remarqua pas Grundal qui venait de la plaquer contre le muret.

- Tu as perdu l'esprit Simbad !? Tu allais te faire descendre ! cria le nain en le plaquant violemment les épaules contre la pierre.

Simbad ressentit vivement la douleur de sa blessure comme une piqure de rappel des évènements de la veille.

- Kyoshi... Elle... Balbutia-t-il le regard perdu sur le canon fumant dans les mains du détective.

- Elle ne souhaiterait pas que tu ailles te faire tuer comme un demeuré ! Coupa le nain en tenant fermement le visage du professeur pour qu'il le regarde dans les yeux.

Un autre tir fusa dans leur direction. Mira qui s'était posté plus loin, lança une autre sommation.

- Regarde toi bon sang ! Fit le nain sèchement en tapant dans l'épaule meurtrie de Simbad pour lui rappeler son combat de la veille. Tu n'es pas en état de faire quoi que ce soit ! Les gardes sénatoriaux vont s'occuper d'elle !

- Vous me promettez que tout ira bien pour elle ? Déclara Simbad l'esprit encore embrumé.

Une nouvelle salve de tir retentit dans l'avenue, suivit du bruit retentissant de l'arme de Mira.

- Grundal ! Ils sont en train de reculer c'est le moment ou jamais, cria-t-elle en désignant la ruelle derrière eux. Il faut qu'on y aille, maintenant !

- Très bien, on décampe... déclara le nain en attrapant le professeur.

Simbad sentit son corps transporté loin des combats. Par moment, il jettait un regard en direction des tirs, espérant y apercevoir Kyoshi au milieu des décombres. Mais l'absence de la moindre trace familière ne faisait qu'accroitre petit à petit sa culpabilité. Il fuyait les lieux sans avoir tenté quoi que ce soit.

Ils quittèrent le quartier, s'éloignant à chaque pas des sons inquiétants de guerilla urbaines, des flammèches et cotillons fumants qui flottaient dans le ciel, mais également l'odeur acre de fumée, de poudre et de souffre.

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