Découverte

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Je finis de préparer mon sac. Le tissu, tendu et déformé, peine à contenir mes bagages. J’essaie au maximum d’économiser de la place, d’aplatir les vêtements, de remplir chaque petite cavité de vide mais pour un médiocre résultat. Avec ce qui s’est passé nous avons pris plusieurs heures de retard, il est déjà 17h. L’unité médicale a refusé de se rendre en salle de soin sous prétexte que j’étais une traitresse. J’aimerais dire que je m’en moque complètement mais c’est faux. Je me suis battue pour ces personnes. J’ai vue tomber leurs fils et leurs filles dans une marre de sang. J’ai sacrifié certaines de mes libertés et j’étais prête à me livrer à l’ennemi pour les sauver. J’ai mené une lutte acharnée pour revenir auprès des miens, à la résistance. Et je me suis rendue compte qu’en réalité je suis complètement seule. Toutes ces personnes en qui j’avais confiance, que je considérais comme mes amis, mes semblables, n’étaient autour de moi que pour le rôle de leader que je remplissais. Je leur étais très utile. Maintenant que je ne souhaite plus remplir ce rôle je ne vaux pas mieux que Doc à sa capture. Doc qui a présent sert de médiateur entre eux et moi, c’est le comble du stupide.

– Prête ?

Je n’ai jamais été aussi prête de ma vie. Au revoir douleur et oppression de la résistance. Je fais mes propres choix à présent.

Je hoche imperceptiblement la tête puis prenant une bouffé d’air :

– Allons y.

Seuls Namid, Cassie et Hélios nous regardent partir, quelques autres curieux s’attardent quelques instant avant de rentrer, effrayés par l’opinion des autres.

Nous marchons d’un bon pas, le soleil déclinant dans notre dos. D’après les plans nous ne sommes pas très loin de la première ville. Nous devrions être chez Monsieur Harnois d’ici quelques jours à peine.

J’ai pris soin de cacher mes cheveux sous un foulard et je garde constamment les yeux baissés au sol. Nous traversons la première ville en quelques heures à peine. Le décors reste semblable : Arbre décharnés et sol assoiffé. Personne ne semble nous remarquer, les gens regardent leurs pieds et les relèvent parfois pour vérifier leur destination. Ils semblent tous avoir peur, peur de se regarder. La ville semble quelque peu misérable. Devant une boulangerie une femme demande l’aumône aux passant, sans quitter la terre des yeux une seule seconde. L’ambiance est pesante et je fais signe à Doc de presser le pas. Alors que nous marchons un homme lève les yeux vers moi, son regard s’attarde quelques secondes à peine, pourtant quelque chose tremble en moi.

Les maisons, de part et d’autre des rues, sont brunes pour la plupart. Toute en hauteurs, sur deux ou trois étages. Je me demande ce qu’ils leur a prit de s’entasser de la sorte, les uns sur les autres. Dans les grandes villes les places sont chères, mais ici, ils ont largement de place tout autour d’eux pour bâtir. Un volet en bois claque sous l‘effet d’une bourrasque. Passant à toute vitesse le vent s’engouffre dans les rues soulevant la poussière sur son passage. Pas un chuchotement, pas un murmure, aussi vivante qu’une ville fantôme, ce village s’est construit sur le silence même.

Lorsque enfin nous passons la porte de la ville je laisse échapper un soupir de soulagement.

– Voilà une bien triste ville.

J’acquiesce en silence, comme devenue moi aussi contaminée par le mutisme environnant.

Le soleil se couche sur l’horizon projetant des reflets cramoisis dans le ciel. Je m’arrête, captivée par la beauté du paysage.

– Arrêtons nous pour la nuit.

Nous montons nos tente en moins de temps qu’il ne faut pour le dire. Je pars chercher du bois alors que Doc installe des pierres en cercles. Au loin la ville fantôme se dessine sous les rayons rougeoyants.

– Séléné, que vas tu faire après avoir retrouvé Ayden ?

Ce que je vais faire ? Je n’en ai pas la moindre idée.

– Je ne parles jamais de l’avenir parce qu’il est trop incertain Doc.

– J’ai remarqué oui. Est-ce que ça te fait peur ?

– Peur ? C’est un mot bien faible pour ce que je ressens. Je suis morte d’angoisse à l’idée de vivre, à l’idée de ne jamais réussir à atteindre le bonheur.

En réalité, vivre me terrifie. Je ne vois pas d’avenir, tout semble si sombre de ce coté. Mon passé n’a jamais vraiment été gai. Pourquoi l’avenir en serait autrement ?

– Je comprends ce que tu veux dire. Mais je pense que tu en attends trop dans ce seul mot. Le bonheur se construit avec les petites choses de la vie, au quotidien. C’est savoir se satisfaire de ce que l’on a et de ce que nous sommes.

– Mais je ne veux pas me satisfaire que d’un bref contentement ! Je veux que mon corps ressente dans chaque fibre qu’il a atteint la plénitude. Je ne veux plus avoir mal au fond de moi. Je ne veux plus sentir ce vide glacé béant à l‘endroit ou devrait se trouver mon cœur.

Doc secoue la tête, navré.

– Ne plus vouloir souffrir et être heureux sont deux choses différentes Séléné.

– Mais je me dis, peut être à tors, que quand ma souffrance prendra fin, alors je serais heureuse.

– J’ai peur que ca ne soit pas le cas. Le bonheur est une chose bien plus complexe, que tu risques de ne trouver que dans le contentement de ce que tu as.

J’ai peur qu’il ai raison. Savoir que mon bonheur ne dépend que de moi me terrifie, parce que je ne me fais pas confiance, parce que je m’en sens incapable de l’atteindre.

Nous bavardons ainsi encore quelques instants avant de retourner chacun sous sa tente. Le sommeil ne tarde pas à m’emporter, apaisant et libérateur.

Lorsque je me lève, le soleil pointe le bout de son nez à l’horizon. Il fait encore très frais, c’est le moment idéal pour se mettre en marche.

Les journées sont longues et harassantes. Doc et moi ne parlons pas beaucoup en chemin, trop occupés à économiser nos forces. Je sais que nous ne sommes plus très loin, et l’angoisse vient me serrer le cœur. Nous sommes vulnérables, je suis Exclue, j’ai intérêt de faire vite.

Etrangement le décor change subitement. Le sable, la terre et la poussière laisse place aux pelouses verdoyantes, aux fleurs et aux arbres bourgeonnants. Nous restons en dehors de la ville jusqu'à la nuit tombée pour éviter tout risque inutile.

– Doc s’il te plais peux tu rester ici le temps que j’aille voir ?

Il fronce les sourcils un instant.

– Ca ne me plaît pas trop de te laisser y aller seule. Ca pourrait être dangereux, et si tu te faisais reconnaître ? Il n’y aura personne pour te défendre.

– Rassure toi je sais très bien me défendre seule. Si dans une heure et demis je ne suis toujours pas revenu alors viens à ma rencontre, mais pas avant.

– Sois prudente.

Je hoche la tête avant de partir hâtivement.

La ville est toujours la même, magnifique et resplendissante. Les grilles en fer forgées blanc encadre des jardins impeccables. Surplombant leur domaines des demeures immenses, colossales en toit d’ardoises. J’évite autant que possible de m’attarder sous la lumière des réverbères. Sous des colonnades, un chien s’agite, se redresse et abois. Je me sauve en courant, ne m’accordant aucun répit dans ma course.

Arrivée devant chez Monsieur Harnois je me stoppe d’un coup. Mon cœur semble éclater dans ma poitrine, ses battements effrénés martèlent ma poitrine. Je ne peux pas y croire, je ne peux pas intégrer ce que je vois. Toute l’aile est du manoir semble avoir été dévoré par les flammes. Un frisson remonte le long de mon dos et soudainement j’ai très froid. Grimpant sur la grille je vérifie que la rue est déserte. De peur de me faire repérer j’évite le gravier et marche pieds nus sur la pelouse humide. Passant directement coté jardin, je jette un coup d’œil rapide autour de moi : personne. Je me cache au milieu des plantes de l’étang pour attendre, attendre quoi ? Je ne saurais le dire.

C’est alors que je le vis. Le nouveau garde du corps de la maison de Monsieur Harnois. Il n’est ni aussi beau, ni aussi souple qu’Ayden. Mais il est incroyablement plus grand que lui. Je me fais aussi petite que possible, courbant le dos jusqu'à disparaître complètement au milieu de roseaux. Je retiens mon souffle jusqu'à ce que je voie le colosse retourner à l’intérieur. Je me redresse prudemment, regardant tout autour de moi. Peut être Ayden a t’il déjà emmené les Exclus loin d’ici. Je dois en avoir le cœur net. Saisissant une poignée de gravillons je les jettes un par un dans la fenêtre d’Emma. Nos relations ont été assez tendues lorsque nous vivions sous le même toit, mais elle est la seule à disposer d’une fenêtre coté jardin. Alors je n’ai guère le choix. Un caillou, deux cailloux, trois, quatre, cinq. Je dois me rendre à l’évidence, les Exclus ne sont plus là. Alors que je frais demis tour, déçue de ne pas trouver ce que je cherchais, une avalanche de petits cailloux me tombe dessus.

– Aïe !

J’entends au dessus de ma tête un pouffement de rire.

– Emma ?

– Non c’est Ange !

Je me sens sourire. Ange, le petit garçon au masque. Une adorable petite tête brune, toujours gentil et espiègle.

– Ne ferme pas la fenêtre je vais monter par la glycine !

Dans la nuit je ne distingue pas son petit visage, mais je devine son hochement de tête. J’accroche les épaisses racines à pleines mains, arrachant de temps à autre des grappes de fleurs parme. Alors que je monte une voix de stentor me fait sursauter.

– Hé il y a quelqu’un ? Montrez vous ? C’est une propriété privée !

Je ne bouge plus, m’aplatissant contre le mur de pierre. Pourvue qu’il ne lève pas la tête ! Je remercie la pénombre de me maintenir à l‘abri de son regard.

Il fait le tour de la marre, cherche à l’endroit ou je me cachais quelques instants plus tôt avant de se résigner.

Je continue mon ascension vers la fenêtre ouverte. Une fois sur le rebord je sens de petites mains m’attirer à l’intérieur. J’embrasse Ange sur le front et le serre dans mes bras. Il pourrait être mon petit frère.

– Ange s’il te plaît va me chercher Maya.

Je distingue à peine son regard dans l’obscurité. Mais je sens tout de suite que quelque chose ne va pas.

– Maya n’est plus là, des hommes en blanc l’on emmenés.

Je frissonne. Les hommes en blancs viennent forcement des instituts. Pourquoi sont t’il venue chercher Maya ?

– Qui d’autres ont t’il emmenés aussi ?

– Personne, juste Maya.

Je hoche la tête, pensive.

– Va voir Emma et dis lui que je l’attends ici d’accord ?

Il file doucement vers la porte avant de disparaître dans le couloir. Le concert des craquements du parquet sous ses pieds. J’entends des chuchotis se raprocher.

– Séléné, c’est bien toi ? Que fais tu ici ?

Je vois clairement l’incrédulité sur le visage sans nez d’Emma.

– Je suis venue chercher Ayden.

A ce nom ces traits se durcissent et sa fine bouche se pince en un rictus de dégout. Tout cela est plus qu’étrange.

– Emma qu’est ce qui ne va pas…?

– Pas ici, vient dans ma chambre. Ange, recouche toi mon chéri.

Obéissant, il s’en retourne dans son petit lit sans pour autant nous quitter des yeux.

Nous asseyant toutes deux sur le lit défait, Emma pousse un profond soupir.

– Ayden… Il n’est plus l’homme que j’ai connu. Apres s’être enfuis sans raisons ni explications, il est revenue il a quelques temps de ça, furieux et amer. C’était un homme changé.

Je suis meurtrie. La colère d’Hayden envers moi, envers ce que j’ai fais…je ne sais pas si il parviendra à me pardonner un jour.

– Il tenait des propos troublants et incohérent. Il nous a dis qu’il détestait les Exclus. Que si lui n’avait pas le droit au bonheur, alors personne n’y aurait le droit. Et il a dénoncé Harmony et Maya.

Je porte une main à ma bouche. Elle ment. Jamais Ayden n’aurait fait une chose pareille. Je sais que le major d’homme et lui ne se sont jamais entendue mais ne serais ce que pour Maya il ne l‘aurait jamais fait.

– C’est faux !

Emma secoue la tête tristement.

– Je te jure que je te dis la vérité Séléné. Ayden est devenu fou de douleur lorsqu’il t’a perdue. Je crois que quelque chose s’est brisée en lui. Il s’est rempli de haine pour le monde entier.

– Comment va Harmony ? Ange m’a dit que des gardiens étaient venus la chercher.

– Ca a été un crève cœur. Il a tout fait pour les en empêcher. Ils s‘est battue à bras le corps avec eux. Mais ils l’on emportés. Destitué de ses fonctions, privé de sa bien aimé, il a donc mis le feu à l’aile Est du château par vengeance. Il ne voulait tuer personne, cette aile était censée être vide. Pourtant une servante y était alors qu’elle ne devait se trouver là. Elle a péri dans l’incendie. Harmony est en prison en attendant son jugement.

Nous savons toutes les deux ce qui attend une personne accusée de meurtre. Les jurés ne seront pas cléments envers lui sachant qu’il a eu une liaison avec une Exclue. Il n’échappera pas à la peine capitale.

Alors qu’Emma me raconte l’incendie, j’imagine sans efforts le bâtiment rempli de flammes avides de cendres. Léchant tout ce qui s’y trouve pour ne plus rien laisser que des poutres noirs et calcinées. J’entends les hurlements de terreurs, le concert des sirènes de pompier et les visages déformés par la peur. J’ai de la peine, beaucoup de peine pour le pauvre Harmony. Lui qui ne perdait jamais le contrôle, lui qui était toujours si mesuré. Et Maya, perdue quelque part dans un institut, revenu au point de départ d’être un cobaye. Elle doit être terrifiée et dire qu’elle ne sais rien de ce qui attend son bien aimé. J’espère qu’elle continuera de l’ignorer.

Je me retrouve là, assise sur le lit d’Emma, sans savoir que faire. L’homme que j’aime aurait t’il changé ? Je ne peux pas croire qu’une telle chose soit arrivée. Je dois à tout prix le retrouver, qu’il m’explique, il doit forcement y avoir une raison à tout ça.

– Emma, sais tu ou il parti ?

Elle secoue la tête négativement.

– Mais il a dit qu’il allait bientôt entrer à la Sphère. Que les menaces de guerres seront bientôt écrasées, et que l’époque de la liberté seraient bientôt révolue.

En moi quelque chose frémis. Et si Ayden était un traitre ? Si il disait ou se trouvait le Clan ? Il condamnerait tout ceux qui s’y trouveraient. Jamais je n’aurais pu imaginer une chose pareille mais rien n’est plus sur maintenant. Je dois retourner aux grottes absolument, protéger Hélios, ma seule famille.

– Je reviendrais vous chercher Emma tu as ma parole.

– Ne prends pas cette peine, nous sommes en sécurité ici. Termine ce que tu as commencé avec la rébellion. Nous avons tous foi en toi et en ce que tu peux faire.

Si seulement elle savait que je n’ai plus de lien avec tout cela. Je me sens a nouveau coupable. Les choses changent, Ayden a disparu, accusé de trahison, Harmony emprisonné et Maya internée.

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