Chapitre 4

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54ème UT, TU 35988 de l’UIG

À bord du vaisseau பாத்39선박 affrété par l’UIG

Première exploration physique du satellite சூன்04-செற்01 (Premier satellite de la quatrième planète du système))



La sensation était vraiment curieuse. La planète rouge autour de laquelle tournait ce satellite occupait quasiment tout le ciel. Brixtral avait l’impression qu’il pouvait presque en toucher les montagnes. Les conditions à la surface de ce nouveau caillou étaient relativement similaires à celles de leur première exploration en termes de gravité et de température. La taille en était toutefois double et la distance au centre de rotation diminuée de moitié, d’où cette sensation de ne pas avoir d’espace au-dessus d’eux.

Cette fois-ci, prudemment, ils étaient venus armés. Même le véhicule abritant Asobalarava et Fluuusigrati avait été modifié par les techniciens du bord et équipé d’un canon à énergie. On n’était jamais trop prudents, d’après la responsable de la mission.

Alors qu’au sol, l’équipe, composée de deux Oosats, deux Chtchinions et deux Iixtriens, avançait lentement en direction des installations repérées depuis leur vaisseau, les deux occupants du véhicule se perdaient en conjectures concernant cette fameuse race qui semblait disparue.

— Vous savez, ma chère, depuis quelque temps, je me pose des questions. Comme vous ne l’ignorez pas, nous autres Fluuusios, ne dormons pas et nous avons donc pas mal de temps pour penser, réfléchir et tourner les idées dans nos têtes, encore et encore. Je me suis donc demandé si, finalement, cette espèce, au lieu d’être belliqueuse, avait été décimée par une autre plus agressive?

— Il s’agit d’une théorie intéressante, Fluuusigrati. Ils se seraient donc juste défendus lors d’une attaque ?

— Tout cela reste de l’ordre de l’hypothèse, bien sûr, mais cette suggestion me semble plus probable que des affrontements internes au sein de la même espèce. Vous savez bien qu’une telle chose est très rare, répondit le Fluuusio, qui avait du mal à cacher son inquiétude.

Son feuillage avait viré au bleu vert, signe d’un certain désarroi.

— Effectivement, ça n’est pas arrivé dans le monde des Intels depuis très longtemps. Je ne sais pas si les cours d’histoire de l’UIG parlent de ces guerres internes à une espèce, renchérit l’Ablonienne.

— Non, je crois bien que ça doit même être plus ancien que la création de l’UIG, confirma son interlocuteur.

— Finalement, ce n’est donc peut-être pas une seule espèce que nous cherchons, mais deux, dont l’une aurait exterminé l’autre avant, peut-être, de disparaître ?

— C’est en effet ce qui me semble le plus probable, deux espèces, dont l’une particulièrement guerrière.

— Cela pourrait expliquer pourquoi nous avons trouvé des signes semblant à appartenir à deux « familles » totalement différentes quand nous avons totalement dépiauté cet objet « extra-galactique ».

— Maintenant que vous le rappelez, je me souviens de ce point particulier, oui, valida Asobalarava. Cela voudrait dire qu’ils auraient collaboré à la construction de ce « machin » et qu’ils se seraient entretués ensuite ?

— Possible, oui… Une bonne raison pour redoubler de prudence dans cette expédition, conclut le Fluuusio.

Voilà également ce qui faisait peser encore plus de responsabilités sur la tête d’Asobalarava. Initialement, elle n’était que la représentante de son espèce à la commission des Affaires Inter Galactiques, avait été nommée à la tête de cette sous-commission, chargée d’étudier l’artefact ayant percuté le vaisseau Iixtrien, puis cheffe de cette mission d’investigation de l’UIG « au-delà des mondes connus ». Beaucoup de poids reposaient sur ses nageoires, si en plus ils risquaient de rencontrer des Intels agressifs…

Elle se demanda un instant si elle avait bien fait, lors de la réunion initiale, de soulever la question de la provenance de ce « truc ». Puis, l’intérêt scientifique reprenant rapidement le dessus, elle se convainquit qu’elle avait une chance inouïe d’appartenir à l’équipe qui allait peut-être découvrir une nouvelle espèce d’Intels. Cela n’arrivait pas tous les jours au sein de l’UIG. Rien ne pouvait supplanter le plaisir de la recherche pour elle, ainsi que le potentiel prestige rejaillissant sur cette équipe après leur découverte. Encore fallait-il qu’ils trouvent autre chose que des ruines…

— Il faudrait sans doute que l’on partage nos réflexions avec nos collègues dehors, suggéra Fluuusigrati.

— En effet, vous avez raison, mon cher, concéda Asobalarava.

S’adressant à tous les autres dans leurs coms, elle leur fit un bref résumé des discussions qui avaient eu lieu dans le véhicule.

— Donc, si je comprends bien, ça ne serait pas une, mais deux espèces d’Intels que l’on pourrait potentiellement rencontrer ? interrogea Oosvlax, l’un des Oosats.

— Ou qui auraient disparu et ne laissant d’eux que des vestiges, réagit Broxvrat.

— Voire même l’une d’entre elles disparue, l’autre existant toujours, compléta Chtchinionami.

— Bien, nous sommes donc sans doute face à deux sujets d’étude ! C’est tellement excitant ! se réjouit Oostrail.

— Nous avons bien fait de nous porter volontaires pour cette expédition. Elle marquera les temps, je pense ! se félicita Chtchinionina terriblement enthousiaste.

— En attendant, concentrons-nous plutôt sur cette visite, non ? rappela Oosvlax.

Enfin, la voix de la sagesse, se dit Brixtral. Enthousiasme ou pas, il fallait se focaliser sur l’instant présent et surtout, veiller à ce que l’expédition se passe dans les meilleures conditions de sécurité possibles. Il avait deux de ses mains posées sur ses lasers accrochés à sa ceinture et ne les lâchait pas. Il défendrait chèrement sa vie s’il le fallait, même s’il n’était qu’un juriste de l’UIG.




Ils étaient maintenant arrivés devant ce qui avait dû être une porte, cette fois-ci demeurée ouverte. Les Oosats n’auraient pas besoin de les forcer. Ils tombèrent encore sur ces foutues portions d’étages si courtes, mettant en difficulté les Iixtriens. Cette fois-ci, il y avait une sorte de barre métallique ronde le long des murs, permettant de s’y tenir en descendant. Brixtral, à son grand désarroi, se vit obligé de lâcher un des lasers pour s’y agripper de deux mains afin d’éviter les chutes. Son congénère fit de même. Ils étaient vraiment pénalisés par leurs trois jambes alors que, d’habitude, celles-ci s’avéraient un atout.

Cette question taraudait notre Iixtrien : qui avait donc bien pu concevoir cette façon aussi peu pratique de changer de niveau ? Comment une espèce intelligente avait pu en arriver là et inventer une chose pareille ? Les plans inclinés étaient tellement plus pratiques et surtout, utilisables, quel que soit le moyen de déplacement des espèces Intel. Non, il ne comprenait vraiment pas…

Ils étaient en train de progresser dans les divers bâtiments quand, une nouvelle fois, ils entendirent une communication en provenance du véhicule :

— Mes chers confrères, j’ai une nouvelle importante à vous transmettre, les informa Asobalarava. Nous venons de détecter quelque chose d’étrange. Il semble qu’il y ait des traces non-négligeables de gaz carbonique dans l’atmosphère ténue de ce caillou.

— Du gaz carbonique ? Mais comment est-ce possible ? demanda un des Chtchinions.

— Quelques traces de vapeur d’eau également, compléta Fluuusigrati.

— Du gaz carbonique et de la vapeur d’eau ? s’étonnèrent les Oosats en chœur. Il y aurait de la vie sur ce rocher ? C’est fou !

— Non, tous nos détecteurs sont formels, aucune vie ici ! affirma Chtchinionami.

— Alors comment ces gaz peuvent-ils être présents ?

— Il y a forcément une explication. Fouillons mieux les bâtiments, proposa Broxvrat.

Ils allaient encore devoir escalader ces petits planchers successifs qui montaient ou descendaient. Heureusement, l’endroit semblait totalement désert, Brixtral pouvait ne plus se préoccuper de ses armes, mais uniquement de son équilibre.

Ils fouillèrent les bâtiments de fond en comble et prirent de nombreuses notes, images et vidéos. Ils confrontèrent leurs points de vue sur place et décidèrent, une fois retournés sur le vaisseau, de faire une réunion plénière dans laquelle ils échangeraient leurs réflexions.




Quelques UT plus tard, Asobalarava, comme sa fonction l’y obligeait, ouvrit la séance :

— Mes chers collègues, il s’agit maintenant d’essayer de comprendre cet étrange phénomène observé avec la présence étonnante de ces gaz sur ce bout de rocher, dans une atmosphère pourtant ténue, alors que toute vie a disparu depuis manifestement très longtemps. Quelqu’un veut se lancer dans une tentative d’explication ?

— Je veux bien, si vous me le permettez, intervint Oosvlax.

— Je vous en prie, l’encouragea l’Ablonienne.

— Voilà, avec mon camarade Chtchinionami, nous nous sommes penchés sur la conception des installations en ruines que nous avons visitées tous ensemble. Nous en sommes arrivés à la conclusion qu’il s’agit sans doute de vestiges d’une installation chimique. Qu’y faisaient-ils ? Que produisaient-ils ici, nous n’en avons pas la moindre idée…. Peut-être que Broxvrat, avec ses connaissances particulières en chimie, pourrait nous éclairer ?

Brixtral, une fois de plus, restait muet, emmagasinant toutes les informations qu’il pouvait capter. C’était fascinant pour lui de voir la science en marche, d’observer leurs raisonnements, leurs tâtonnements, jusqu’au moment où, il l’espérait, la vérité jaillirait de tous ces brillants esprits Intels réunis. Si seulement, il pouvait faire partie de cet ensemble, pas seulement comme le « Secrétaire ». Il se prit à rêver et se recula dans son siège, s’apprêtant à écouter avec attention son collègue Iixtrien.

— Alors, nous avons émis plusieurs hypothèses avec mon confrère Oostrail. Si vous le voulez bien, je vais vous les énoncer, puis vous expliquer pourquoi, nous les avons éliminées, l’une après l’autre.

— Je vous en prie, Broxvrat, ne nous faites pas languir, lança Asobalarava.

— Pour commencer, nous avons supposé la présence d’une vie très simple, comme des bactéries ou des spores…

— Rappelons-nous quand même que nous sommes là, à la base, pour identifier l’espèce qui a construit cet artefact, entré en collision avec le காலை25에요, intervint le Fluuusio. Il me semble hautement improbable que des spores ou bactéries soient concernées…

La sagesse même, ce Fluuusigrati, songea Brixtral.

— Nous le savons, réagit Oostrail. Nous avions bien cette idée à l’esprit dans notre analyse, n’ayez crainte. Cependant, nous devions vous présenter toutes nos conjectures. Celle-ci constitue la première qui nous est venue, mais également la première qui a été éliminée.

— Poursuivez, les encouragea l’Ablonienne en s’agitant dans sa cuve, impatiente d’en savoir plus.

— Oui, oui, allez-y chers collègues, et excusez mon interruption, surenchérit le Fluuusio, le feuillage bleuissant de confusion.

Oostrail fit s’afficher sur l’écran 3D de la salle de réunion, situé au milieu de la pièce, les différentes hypothèses qu’il comptait détailler. Son collègue Broxvrat reprit la parole :

— Je vous disais donc, nous avons émis une première idée concernant une vie embryonnaire, constituée de spores ou de bactéries.

— Nous l’avons écartée rapidement, compléta Oostrail, puisqu’aucune spore ou bactérie n’aurait pu construire cette sorte d’objet volant que nous avons découvert par hasard.

— Ensuite, une seconde hypothèse nous est venue, consistant en une sorte de vie végétale qui rejetterait du gaz carbonique et de la vapeur d’eau.

Brixtral était admiratif de la coordination entre l’Oosat et son confrère Iixtrien. Ils se complétaient parfaitement. Voilà une démonstration de la merveilleuse harmonie régnant au sein de l’UIG.

— D’abord, nous n’avons observé aucune trace de la moindre vie chlorophyllienne sur ce caillou et, de plus, à part nos amis Fluuusios, aucune espèce de cette nature spécifique ne peut être Intel.

— Permettez, intervint une nouvelle fois Fluuusigrati. Je ne suis pas d’accord avec la façon dont vous avez écarté si rapidement cette possibilité.

— Vous avez raison, convint Oostrail, nous avons écarté cette hypothèse parce que même votre espèce n’a pas eu besoin de technologie pour avoir un si haut niveau d’intelligence et donc, pour nous, il était fort peu vraisemblable que ce soit une espèce végétale qui nous ait envoyé cet artefact.

— Cela me va mieux, mais qui sait si une vie végétale dans un autre environnement n’aurait pas pu….

— Personne ne sait en effet, Fluuusigrati, le coupa Asobalarava, mais laissez nos amis terminer. De plus, il n’y a pas la moindre trace de vie tout court, quelle qu’elle soit, ici.

Elle était impatiente de voir exposer toutes les supputations du duo afin de se faire sa propre opinion, et les interruptions du Fluuusio commençaient à l’agacer.

— Je poursuis donc ? demanda Broxvrat

Sur un signe de nageoire de la cheffe de l’expédition, il reprit la parole :

— Bon, je vais aller un peu plus vite. Après avoir éliminé toutes sortes de théories plus ou moins farfelues, nous nous sommes penchés, avec mon collègue Oosat, sur la technologie de l’installation que nous avons visitée et notamment sur les types de métaux présents. Même si tout était en piteux état, corrodé, à moitié pillé sans doute, et recouvert de cette poussière de ce mélange d’oxyde de fer et de carbone…

— Nous avons émis à nouveau plusieurs hypothèses, essaya de compléter Oostrail.

Ils auraient pu poursuivre leur numéro de duettistes s’ils n’avaient pas été interrompus par Asobalarava :

— S’il vous plait, venez-en au fait et à vos conclusions. Je suppose qu’elles sont étayées ?

— Oui, elles le sont, acquiesça Broxvrat.

— Vous êtes arrivés à une certitude, tous les deux ?

— Absolument, confirma Oostrail.

— Et bien, c’est cette conclusion que nous souhaitons toutes et tous entendre !

— Bien, nous avons déduit que cette installation, au vu du type de métaux utilisés comme catalyseurs, était une installation de transformation du gaz méthane en hydrogène.

Les questions se mirent à fuser de tous côtés

— Du méthane ? Où pouvaient-ils donc en trouver ? demanda Chtchinionina.

— Nous n’en avons aucune idée, fit Oostrail

— Et que faisaient-ils de cet hydrogène produit ? interrogea l’Ablonienne.

— Nous avons identifié plusieurs possibilités : un combustible, pour des réactions de combustion, ou l’alimentation d’une pile à combustible, voire encore, après une étape de classement isotopique et en isolant le deutérium, ils pouvaient l’utiliser pour de la fusion nucléaire.

— Le gaz carbonique et la vapeur d’eau étaient des résidus de cette réaction… supposa le second Chtchinion.

— Exactement, conclut Broxvrat, ce qui explique leur présence. Nous supposons que, dans l’environnement de ce caillou, ils ne se sont pas préoccupés des rejets de cette réaction. Ils ont dû penser que tout finirait par se disperser.

— Pourquoi venir ici produire de l’hydrogène ? s’étonna Oosvlax.

— Nous ne savons pas vraiment, mais sans doute que la réaction chimique est plus simple ou plus complète en gravité quasi nulle, répondit son congénère. Par ailleurs, sur ce caillou, ils n’avaient pas vraiment à se préoccuper de l’impact sur l’environnement des rejets de cette usine.

Il s’ensuivit une sorte de brouhaha dans lequel chacun essayait de formuler des hypothèses, des théories, parfois fumeuses, sur cette fameuse espèce. Brixtral était épaté par les compétences de ces scientifiques qui avaient pu, en observant quelques débris d’installation, en raconter l’histoire, tout du moins la fonction initiale.

Au bout d’un certain temps, le Fluuusio, qui était resté silencieux, prit la parole pour essayer de ramener un peu de calme.

— Mes chers confrères, je vous en prie, essayons de ne pas nous disperser.

— Vous avez raison, Fluuusigrati. Merci pour votre intervention, le félicita Asobalarava.

Le silence se fit. Tout le monde attendait la synthèse que l’Ablonienne ne manquerait pas de prononcer dans quelques instants.

— Je résume le bilan de cette seconde exploration, celle du satellite சூன்04-செற்01. Nous avons observé des restes d’une installation qui avait dû manifestement servir à la production d’hydrogène. Cet élément pouvait être par la suite utilisé soit pour de la combustion, soit des piles à combustible, soit encore des réacteurs à fusion. Nous avons donc affaire à une espèce manifestement intelligente et très développée du point de vue technologique. Pourquoi n’est-elle plus présente ici ? Pourquoi n’a-t-elle pas détecté nos vaisseaux alors qu’elle a su envoyer cet objet ? Autant de questions auxquelles nous allons essayer de répondre durant la suite de nos investigations. Chers confrères, je vous remercie pour cette réunion particulièrement fructueuse.




Exténué par cette période riche en découvertes et en discussions animées, cette fois-ci, Brixtral rêva d’une gigantesque usine chimique et se voyait, petit atome d’hydrogène, avec un jumeau, tous deux, liés à un atome d’oxygène pour former une molécule d’eau. Dans son rêve, il était ensuite projeté violemment contre une molécule de méthane de laquelle s’arrachait un autre atome d’hydrogène avec qui il se liait pour former du di-hydrogène. Leur duo était ensuite brûlé pour qu’il redevienne à son état initial, partie prenante d’une molécule d’eau. Et ainsi de suite à l’infini.

Ce n’était vraiment pas drôle la vie d’un atome d’hydrogène. La chimie n’avait jamais été son fort, mais encore moins dans ses songes, à l’état d’un atome d’hydrogène.

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