II- Du moment où reparut la magie

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 Je suis arrivé comme une ombre jusqu’au moulin seigneurial. Derrière lui se trouvait l'entrepôt de Kern. Tandis que je marchais à découvert puisque je ne voyais personne autour de moi, le bruit de combat montait à mes oreilles.

J’ignorais où se trouvaient tous les habitants du village, les femmes et les enfants surtout, parce que je n'ai vu aucun corps inanimé sur ma route et je n'ai pas entendu le moindre son d'agonie avec l'avancée des bandits. Mais ce qui est sûr c'est qu’une animation inhabituelle se jouait devant l’entrepôt.

D'un pas plus rapide je suis allé sur place. Il y avait quelques hommes du village que je reconnaissais. Ils n'étaient pas mes amis parce que je ne les croisais qu'à d'irrégulières occasions, mais je les reconnaissais. C'étaient en réalité les seules personnes que j'avais vu de ma vie. Je ne suis jamais sorti de mon village. Ils étaient costauds pour la plupart. Certains étaient fermiers depuis leur naissance, le travail de la terre ou de l'élevage sculpte un corps qui a peu à envier. Mais la fourche ou la faux à la main n'ont jamais servies d'arme. Ils faisaient pâle figure face aux visages balafrés et aux corps militaires des brutes de la bande à Raymond.

Mon père était le seul d'entre les villageois à tenir une posture fière. Il était devant ses camarades et appelait les bandits. Le bruit des combats que j'avais entendu était le fait de quelques intrépides pillards qui s'étaient avancés face à mon père. Mal leurs a pris puisqu'ils se retrouvaient à présent la tête dans la boue, assommés par deux poings durs comme le roc.

Mais un géant faisait face à mon père.


 « Raymond n'a rien à faire à Kern ! Qu'il reparte avec son engeance vers d'autres terres !

- Je n'ai d'ordres à recevoir de personne. Je vais où cela me plaît et je prends ce qui me semble bon.

- Tu n'auras rien ici ! Criait ainsi un des paysans armés d'une fourche.

- Moi ? Très bien, je promets que je ne prendrais rien. Mais... mais j'ai des bouches à nourrir, voyez-vous. Ma famille à des besoins que je dois sustenter.

- C'est le lot de tout le monde. Nous travaillons durs pour faire vivre nos familles. Dit mon père avec une pointe de mélancolie.

- Oh ! Je travaille moi aussi ! Mon travail c'est la guerre. Aujourd'hui mon travail est de prendre vos récoltes.

- Cela n'arrivera jamais ! » Après quoi mon père se mit en position. Après avoir contourné discrètement les bandits, j’arrivais sur ses mots à sa hauteur.

Les autres paysans criaient "Jamais !" en écho.

Raymond donnait le signe de la charge à ses hommes. Mon père me regarda une fois, il me sourit. Il y avait une lueur dans ses yeux que je n'avais jamais vu. Son visage n’était habituellement pas très expressif. Sa carrière militaire avait endurci son esprit qui a dû voir son lot d’images peu enviables à garder en mémoire. Peut-être que le bandit Raymond n’était qu’un hargneux bandit de plus sur la liste déjà bien longue de tous ceux qu’il a affronté ? Mon père ne m'a jamais vraiment accordé beaucoup d'attention depuis que je suis né. Il m'apprit au fil du temps la routine de la ferme et c'est tout. De la même façon, je l'ai peu vu ou entendu parler avec ma mère d'autre chose que de la vie au village et dans la ville de Elk. Pourtant ma mère semblait s'en contenter et être comblé. Elle m'éduqua le reste de ce que je devais savoir de la vie en redoublant d'amour. La lueur des yeux de mon père avait ainsi une teinte étrange. Son large sourire couronnait cela.

L'idée me vînt mais je ne saurais dire pourquoi qu'il se sentait revivre. Comme si le combat lui revînt dans le sang. Mais dès qu'il se recentra vers les adversaires du jour alors que la mêlée commençait, il se retrouva nez à nez avec Raymond. Celui-ci le dépassait d'une tête et d'une bonne largeur. Celui-ci respirait surtout une confiance à toute épreuve. Face à mon père qui ne tenait qu'un manche de bois comme arme, la masse d'arme de Raymond lui donnait une supériorité ultime. Un coup suffit ainsi pour défaire mon père qui s'écroulait sous les pieds des bandits. Ils prenaient l'avantage dans le sang et la peur des paysans.

De mon côté je dressais mon arme sans savoir comment m'en servir. Instinctivement j'avais le coup pour parer les attaques. C'est assez simple, il suffit de deviner la course de l'arme adverse et de mettre sa lame en protection. Je gagnais ainsi du temps sur mon trépas. Mais mon adversaire a commencé à perdre patience et ses coups n'étaient plus du tout cohérent. La rage le faisait être vif, rapide et brutal. Mes parades subissaient et pliaient petit à petit. J'ai alors pensé à faire une esquive. Le prochain coup que je verrai venir, je le laisserai passer et me balancerai d'un côté pour qu'il file dans le vide. J'aurai l'espace pour glisser mon épée vers le corps du pillard en face de moi.

Mais tandis que le coup venait vers moi, mon corps ne répondait plus. Des mains de toutes part m'enserrait et m'immobilisait. Le coup d'estoc de mon adversaire m’atteignit en plein ventre. J'ai encaissé le coup d'un cri de douleur, j’ai lâché mon arme pour venir appuyer sur ma plaie lorsque la lame en sorties. Lorsque mes yeux se posèrent sur ma blessure, je pris terriblement peur et je me suis effondré à genoux. Mais je ne pouvais pas. Les hommes de Raymond m'encerclaient et continuaient à me tenir.

J’ai relevé les yeux. J’imagine qu’à ce moment précis, mon visage est d’une pâleur extrême. Raymond était en face de moi et il me regardait.


« Tu t'es défendu ? Je n'aime pas quand les paysans se défendent. Il laissa un temps de silence qui me permit de comprendre qu'il n'y avait pas un bruit autour de moi. Je ne tue pas par plaisir ces gens. D'ailleurs peu d'entre les tiens sont morts aujourd'hui. Il laissa encore un temps de silence. J'ai essayé de l'écouter et de comprendre ce qu'il racontaot. Mais la douleur était grande et elle arrivait à un pic effrayant. Mais tu t'es défendu ? Avec une vraie épée ? Comme celle des soldats royaux ? Ce n'est pas bien ça. Un nouveau silence. Je commençais à voir trouble, le monde s'obscurcit à mes yeux. Et quand Raymond reprit la parole je ne saisissais plus ce qu'il disait. La loi interdit l'usage des armes par les paysans, il va falloir te faire payer ! »

Mais à l’instant où j’aurais dû tourner de l’œil dans une dernière obscurité, j’ai commencé à voir une petite lumière bleue s'élever par en bas. Mon ultime curiosité me fit tomber les yeux à terre pour me rendre compte que cette lumière venait de ma plaie !

Cette lueur grandit en même temps que les couleurs revenaient à mon regard. Une énergie nouvelle me fit même reprendre pleinement possession de mon corps.

« Qu'est-ce que c'est ?! » cria alors Raymond en s'approchant de moi à grands pas.

Mais il est trop tard pour lui. Ses hommes m'ont relâché en prenant peur de ce qui était apparu sur mon corps. Quand j'ai retrouvé ma liberté et avec cette nouvelle énergie, j'ai juste eu à penser à reprendre mon épée en main que celle-ci est apparue en ma possession. J'ai ensuite pensé attaquer Raymond avec la rage d'un fils défendant son père et je l'ai fait.

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