III- Des paroles cachant le destin 2/2
« C'est à moi ! Je ne pouvais plus nier le fait alors je l'ai dit.
- Très bien mon petit homme. Sortit le chevalier. Il jeta un regard raide vers ses hommes puis revînt vers moi. Je vais d'abord retourner au château de Langlot pour y mettre les prisonniers et débuter leur procès. Je reviendrai ensuite pour toi. Il me mit une pression en posant ses yeux dans les miens. Il m'a été difficile de les soutenir, j'ai rapidement baissé la tête. Je t'interdis donc de quitter ce village avant mon retour. »
Les mots étaient durs. J'ai pris peur pour la suite et mon avenir et je commençais à me sentir enfermer. Mais en même temps... sortir du village ? Je ne l'ai jamais fait jusque-là, en quoi cette interdiction pouvait me peser ?! Non sans un petit élan d'espoir, j'ai relevé la tête tout en disant.
« Très bien, sir.
- Voilà qui est bien parlé, petit. Alors à dans six jours ! »
Et le cavalier repartit vers son cheval, grimpa dessus et commença à guider sa troupe fin prête, elle-aussi, à partir.
La suite est encore plus difficile à me revenir. Pour le reste de la journée je me souviens de mon père qui, pour me rassurer, m’a dit qu'il y a une chance que le chevalier ne revienne pas.
Mais bon, si je suis ici maintenant c'est que le chevalier est revenu et il est revenu à l'heure convenue, enfin presque.
J'ai aussi récolté quelques félicitations des villageois ainsi qu'un nombre infini d'interrogations de leurs parts : « Qu'est-ce qu'il va t'arriver ? » ; « Qui était ce chevalier ? » ; « D'où sort cette épée ? ». Mon père répondit à ma place à la plupart d'entre elles pour me laisser rentrer à la maison avec ma mère. Il nous a dit qu’il se débrouillerait pour rentrer, qu’il avait des choses à voir avec les fermiers.
Sur le chemin ma mère m'a posé des questions sur ma blessure, si elle était rétablie ou pas et qu'elle était cette lueur bleue. Ma mère a vue toute la scène, ma blessure comme la lumière bleue. La réponse néanmoins était toujours l’ignorance : « Je ne sais pas ». Arrivé à la maison j'ai retiré ma chemise. Ma mère et moi pouvions alors observer ce qui m'était arrivé. La plaie si j'en avais le souvenir très proche et le témoignage de ma chemise trouée à son niveau avait complétement disparue ! Il n'y avait aucune trace, aucune marque, pas une cicatrice. Et la lueur bleue avait disparue aussi.
Je rapportais aussi à ma mère l’énigme sur cette énergie qui inondait mon corps. Bien que je puisse avoir toutes les raisons du monde d'être fatigué ou lassé puisque les derniers événements ont été violents pour mon corps et mon esprit, je ne ressentais aucune fatigue. Quant à mon moral, tout allait bien aussi. Rien ne m'inquiétait à avoir une conséquence sur ma forme.
Les yeux de ma mère en revanche s'assombrissaient sous son front trop pensif. Elle prit d'un coup une grande respiration et s'assit à l'unique table de notre maison. Elle m'invita à me mettre en face d'elle. Je m’exécutai puis elle me raconta une étrange histoire. Au fil de celle-ci j'ai maintes fois eu envie de l'interrompre d'une question ou deux. Mais ma stupéfaction était totale, les questions attendront.
« Je crains, Arn, que tu ne sois lié à une légende de notre pays. Il y a très longtemps, très très longtemps. Bien avant que le Royaume de Rollon n'existe, bien avant les autres royaumes aussi. Les hommes et les femmes de la Terre d'È croyaient tous en l'existence de Gardiens de l'Equilibre. Des êtres immortels vivant dans le ciel au-dessus de nous. Ces Gardiens de l'Equilibre avaient le pouvoir de voir l'avenir et il arrivait qu'ils viennent sur la terre guider les Hommes pour leur éviter un malheur. Ces Gardiens avaient des pouvoirs magiques mais ne s'en servaient jamais pour faire le mal ou le bien, ils servaient l'Equilibre du monde.
Entre toutes les péripéties de la vie des êtres vivants de notre Terre, il y a un épisode où les Gardiens de l'Equilibre firent de nombreuses apparitions. C'était le temps de l'Elu. L'Elu était un homme, un homme comme toi ou ton père à la seule différence qu'il venait d'un monde étranger. Il a été amené par les Gardiens de l'Equilibre pour sauver l'harmonie chez les Hommes et l'harmonie dans leurs relations avec les autres espèces intelligentes de la Terre d'È. Il y avait autrefois des Nains, des Elfes et des Orcs. Aujourd'hui il n'y en a plus.
L'Elu avait reçu des Gardiens de l'Equilibre leur pouvoir. Il pouvait ainsi faire exactement tout ce qu'il voulait. Il devait juste se concentrer et demander quelque chose en son for intérieur pour que cela se réalise. Imagine par exemple que tu veuilles à cet instant manger une galette de fromage, que tu la visualises sur la table ici, il te suffit d'y croire vraiment pour qu'elle apparaisse. L'Elu, contrairement aux Gardiens, n'était pas conscient à son arrivée de l'Equilibre qu'il devait rétablir, alors l'utilisation qu'il fit de son pouvoir était sans limite. Néanmoins il prit conscience de sa mission et l'accomplis.
Puis un jour, lorsque tout allait bien sur la Terre d'È et que l'Elu avait subvenu une fois de plus aux besoins d'un nécessiteux, après qu'il ai fondé une ville aux milles splendeurs où vivaient en harmonie les quatre espèces civilisées, l'Elu disparu. Plus encore que l'Elu, les Gardiens de l'Equilibre ne reparurent jamais sur la Terre.
Je te raconte cela, mon enfant, parce que les Gardiens de l'Equilibre ne sont peut-être pas morts, on les dit être immortels. Ils n'avaient peut-être plus aucune raison de venir nous guider vers l'Equilibre momentanément perdu. Aussi, les Gardiens ne reviennent-ils plus sur Terre parce qu'ils délèguent leurs missions à des hommes, des femmes, des enfants, qu'ils choisissent parmi nous. Ils confient à ces nouveaux élus leur pouvoir parce qu'ils font confiance dans la pureté de leurs cœurs. Pense un instant à un des pouvoirs que les Gardiens ont... l'immortalité, le fait que rien ni même le temps, ne peut les tuer. La blessure que tu as reçu de la part de Raymond qui s'est estompée, l'énergie sans limite que tu ressens... c'est peut-être cela. »
Ma mère finit de parler sur ces mots. Mon père entra dans la maison au même instant. La journée touchait à sa fin. Je commençais à avoir faim.
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