XI- Du rattrapage sur la situation 1/2
La traversée de la ville d'Elk se fit à un rythme plus soutenu qu'à l'aller. L'installation des infirmeries côtoyait la présence du campement d'une armée de plusieurs centaines d'hommes et de femmes. Les étendards flottaient au vent au-dessus des tentes. Je reconnaissais l'emblème, il était identique à celui du Chevalier.
Ce dernier salua beaucoup de monde sur notre passage et reçu en retour des révérences et autres signes de respect. Les portes de la ville n'étaient pas encore ouvertes par les gardes. Elles s'ouvrirent à l'appel du cavalier. Nous traversâmes ainsi la ville silencieuse. La journée n'était pas commencée pour la majorité de la population, mais je sentais dans l'air une sensation nouvelle. Le silence prenait alors à mes yeux une autre nature. C'était le silence d'avant la tempête. J'ai imaginé que le Chevalier n'était pas le seul à connaître la situation, d'autres personnes devaient déjà préparer l'évacuation de la ville.
Puis nous nous trouvâmes en face des portes opposées de la ville. Elles étaient aussi fermées, mais le garde les ouvrit à notre vue. Une fois celles-ci passés, la course du cheval s'accéléra. Je vis le paysage défilé autour de moi à une vitesse folle. Et plus vite que ce que j'aurai pensé, nous étions arrivés à mon village. Le Chevalier arrêta sa monture seulement devant la maison de mes parents. Ils étaient déjà devant, ils ont dû entendre la cavalcade.
"Nous descendons ici. Me dit le Chevalier en suivant ses propres paroles. Je sautai à terre après lui. Le bonjour, le bonjour ! Je n'irai pas par quatre chemins car je n'ai pas le temps de tous les emprunter, la guerre est sur nous et je vais avoir besoin de l'ancien illustre Garde Royal.
- Entrez vite en ce cas. Fit mon père et faisant signe. Ma mère vint vers moi et demanda :
- Comment vas-tu, Arn ? Tu as l'air fatigué ? Est-ce que tu as mangé correctement au camp ? continua-t-elle en posant ses mains sur mon visage. Je ne lui connaissais pas toutes ces manières maternelles. Mais je les appréciais en cet instant. J'ai voulu répondre à ces questionnements lorsque le Chevalier, sur le pas de la porte dit :
- Arn, tu viens avec nous."
J'obéis, je n'avais que cela à faire. Je pénétrai dans la maison pour apercevoir le changement. La table qui se trouve dans l'espace juste en entrant était rasé de tout ce qui s'y trouvait habituellement. A la place une grande peau était mise. Dessus était dessiné une carte. Il y avait des cours d'eau en bleu, des forêts en vert, des montages dessinés avec des pics gris et blancs et enfin le reste de l'espace en fond avec beaucoup de noms, des traits noirs représentant probablement les frontières des Royaumes et les grandes villes symbolisées par des miniatures de quelques habitations derrière une enceinte circulaire.
Je ne connaissais pas du tout la géographie de la Terre d'È, mon premier réflexe a été de chercher le nom "Elk" sur la carte, c'était bien le seul que je connaissais. Mais malgré une fouille précautionneuse, je ne l'ai pas trouvé. Elk ne devait pas être une grande ville. Je savais déjà qu'elle n'est pas la capitale de notre Royaume, voilà pourquoi elle n'apparait peut-être pas. Avant que mes pensées sortent de cette carte, mon père et le Chevalier étaient parti dans une longue discussion que j'ai pris dans le courant :
"Je sais très bien que vous êtes désormais à la retraite. Vous n'êtes plus au courant de ce qu'il se passe dans le vaste monde depuis quinze ans... Mais, hé, je sais aussi que vous allez à Elk toutes les semaines. Je vous connais de réputation et je refuse de croire que vous ne prenez pas les derniers ragots. Non ?
- Je le faisais, c'est vrai. Mais j'ai arrêté depuis un bout de temps.
- Alors je vous résume la situation. Vous connaissez la Terre d'È pour l'avoir parcouru mille fois, votre fils non. Les Royaumes sont en guerre depuis dix ans, les querelles de territoires ne cessent jamais. Quand une se finie à droite, une autre commence à gauche. Il y a des vainqueurs comme il y a des vaincus. Notre cher Royaume a bien plus perdu que gagner ces dernières années et notre territoire se tient à bien peu de chose. Tiens, Arn, je te mets au défi de trouver où il se situe sur la carte."
Prit par surprise, je n'ai pas retenu un petit sursaut. Puis je me suis concentré sur le défi. J'ai de nouveau parcouru la carte des yeux en cherchant...
"Je dois chercher quoi. Je crois... oui, je ne sais même pas comment s'appelle notre Royaume. Je suis désolé. J'ai sorti dans un élan de lucidité en harmonie avec une honnêteté. Mais j'étais aussi très navré de mon ignorance.
- Ce matin tu as entendu parler des Royaumes d'Elec et d'Orl, trouvent les.
- Ils sont là. Orl est au sud, Elec à l'ouest. Ce qui veut dire que..."
J'avais tout de suite trouvé les deux Royaumes, ils étaient parmi les plus massifs, leurs noms étaient en gros sur la carte. Mais j'ai eu une grande hésitation parce que si le Royaume d'Orl est au sud et celui d'Elec à l'ouest, notre Royaume devrait se trouver en gros au nord-est de leurs positions respectives. Il n'y avait rien là-bas, aucun Royaume. A la place, il y avait le nom d'une chaîne de montagne, la chaîne d'Eter.
"Je ne trouve pas. Il devrait être ici, non ? Je désignais la montagne.
- A peu de chose près, oui. Notre Royaume n'apparait pas sur cette carte parce que la perspective est trop étendue. La distance d'un centimètre sur la table représente cinq jours de cheval. Notre Royaume ne fait plus cette taille. Plus exactement, le Royaume fait exactement cette taille. Le scribe qui a dessiné cette carte n'a juste plus noté notre Royaume par facilité."
J'essayais d'imaginer les distances réelles dans ma tête. Je venais de faire la ville d'Elk jusqu'à mon village en, disons grossièrement, un tiers d'une journée. Alors trois fois cette distance ferait une journée de cheval. Je multiplie cela par cinq pour arriver à la distance entre les frontières du Royaume. Une fois cette image en tête, je ne savais pas quoi en faire. Je n'avais aucune idée des distances, je n'ai pas voyagé. Mais quand mes yeux se sont posés sur les deux Royaumes d'Orl et d'Elek, le fait qu'ils doivent faire des dizaines de centimètres sur la carte, j'ai été pris d'un vertige passager.
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