XV- Du premier éclat 1/2
Sous l'averse qui ne s'arrêtait pas et les quelques éclairs qui illuminaient sporadiquement les ténèbres, nous avons marché vers Elk. Nous étions tous trempé, tous grelotant, certain le caché par fierté. La route nous parut longue et l'arrivée pas à la hauteur de nos espérances. Du moins dans un premier temps.
Elk nous est apparu derrière une petite colline. La pluie était toujours présente et la lumière du jour déclinant n'était plus visible depuis longtemps, l'orage noir ne voulait pas disparaitre. Elk dans tout cela était une source de lumière, des lueurs paraissaient ici et là au-dessus des murs et on pouvait voir l'agitation frénétique sur les murs. S'il y en avait sur les murs, il devait en avoir partout dans les rues. Mais cette activité n'était pas habituelle. Très vite nos regards se sont posés sur notre droite, au sud. L'autre armée d'invasion, celle d'Arl, était déjà là. Elle avait monté son camp immense au sud et tenait le siège. Nous pouvions voir de notre position loin au-delà que les bucherons s'affairaient à couper du bois pour la construction d'arme de siège. Le siège ne serait pas long, les envahisseurs ne voulaient pas perdre du temps à Elk, leur cible était bien évidemment la capitale.
De ses rapides réflexions, je donnais l'ordre à mes recrues de ne pas vouloir allumer de torche. En même temps sous ce temps, il aurait été compliqué de le faire. Puis nous avons accéléré le pas vers les portes est de la ville.
La ville était close et la garde n'était pas à l'extérieur. Une lueur me faisait espérer la présence de quelqu'un sur le mur, alors j'ai appelé : "Il y a quelqu'un ! Nous venons de Kern, ouvrez-nous !". Je me suis répété deux fois, en essayant de crier mais pas trop fort. Personne ne me répondit. Devant cette situation coincée, j'entendis derrière moi des interrogations paniquées : "Qu'est-ce qu'on fait ?", "Ils vont nous prendre pour les ennemis, on va se faire tirer dessus".
Soudains les portes s'ouvrirent. Lentement d'abord puis en accélérant le mouvement petit à petit. Je n'attendis pas que mes recrues sortent de leurs stupeurs toutes seules, j'enclenchais le mouvement. Personne ne vint nous accueillir aux portes, nous entrions discrètement et prudemment. Puis lorsque tout le monde était rentré, les portes se fermèrent en faisant le moins de bruit possible. Oui, c'était moi qui avais fait cela. Avant qu'une recrue ne pose la question, je leur ordonnais de se taire et de me suivre.
J'ignorais totalement où je devais aller. Je ne connaissais pas la ville après tout. Mais j'avais en souvenir, lors des deux passages avec le Chevalier que si nous allions droit devant nous, au bout de quelques minutes nous tomberions sur une place. J'espérais qu'il y aurait du monde là-bas et surtout des soldats.
Mon instinct était bon, au bout de 500 mètres nous arrivions sur une place. Malgré le sombre lancinant de l'orage, la place était vivante à souhait. Enfin, l'activité n'était pas rêvée puisqu'elle consistait d'abord en des femmes, des hommes et des enfants courant dans tous les sens paniqués de trouver un endroit à l'abris et des soldats ou autres milices civiles tentant de garder le calme.
Il y avait devant nous l'un des soldats qui semblaient donner des ordres. Je me suis approché de lui en demandant à ce mes recrues restent un peu à l'écart. J'attendis qu'il donne son dernier ordre à un jeune soldat qui semblait nager dans sa tenue de cuir, sa veste et son pantalon avaient une taille de trop, j'observais aussi son visage, blanc de peur. Puis il partit en courant.
"Qu'est-qu'il me veut le bleu, là ?! commença le soldat. Il me regardait intensément, je n'avais pas compris d'un coup qu'il parlait à moi.
- Hei. Qu. Ah ! C'est à moi que vous parlez ?
- J'ai pas le temps ! Parlez !
- Hm. Oui ! Bonjour !
- Non !
-D'ac... Je suis Arn, apprenti Chevalier de Rollon !
- Ça m'intéresse ?
- Oui ! J'ai avec moi vingt recrues prêtes à aider !
- Allez dans la taverne là-bas, vous verrez le commandant.
- Merc.
- Déguerpissez, j'ai pas le temps !!"
Complétement retourné par la vitesse de l'échange, je me suis retourné pour ne plus regarder le soldat mais je me suis donné une seconde pour reprendre complétement le contrôle.
Après quoi je suis retourné auprès de mon groupe de recrue et nous nous sommes dirigés vers ladite taverne. Celle-ci donnait directement sur la place, je me suis dit qu'elle devait être bien placé dans la ville, en temps normal. En temps de guerre aussi, puisque le commandant semblait y tenir son quartier général. La place devait se situer proche du centre de la ville, c'est la raison que je trouvais pour expliquer la situation.
Là-dessus nous entrions dans la taverne. Quelqu'un sorti rapidement au même instant, il me bouscula, se reprit et sans nous regarder il partit en courant. Nous, nous reprenions notre mouvement.
L'intérieur de la taverne était aussi sombre que dehors, nous n'avions alors pas à habituer nos yeux à un changement drastique. Il y avait du monde tout autour de nous, cela expliquait potentiellement le manque de lumière. Je me frayais un passage entre les hommes et les femmes soldates présentes tout en essayant d'aller toujours tout droit devant moi. Il y avait un brouhaha de discussion tout autour à tel point que rien n'était audible. Je n'arrivais même pas à m'entendre dire "Pardon", "Excusez-moi" aux personnes que je poussais.
Au bout d'un moment interminable où je n'espérais plus que ma fin, je poussais les deux dernières épaules pour déboucher dans un espace vide. Alors le silence se fit dans la salle et beaucoup de regards se posa sur moi. Puis chacune de mes recrues qui arrivaient derrière moi. J'avançais de quelques pas vers la table devant moi. Il était là, le commandant, assis à une table rustique de taverne, une bougie sur sa droite pour apporter la lumière sur des cartes, des plans et d'autres papiers rédigés, il avait la tête dessus, le regard sombre, fermé. Le commandant était un géant, la largeur de ses épaules devait faire ma taille les bras tendus et je n'arrivais pas à imaginer son buste, que je pouvais voir, passer l'encadrement de la porte de la taverne.
Puis il releva la tête et ses yeux se posèrent sur les miens. Son regard me pénétra d'une colère profonde. Puis il se passa l'inverse de ce que j'avais imaginé sur le coup. Son visage se fendit d'un sourire et en se levant le commandant demanda tout fort :
"Ce gringalet-là, c'est le fameux vingtième d'la bande ?! Et il partit dans un rire immense et toutes les personnes l'imitèrent. Qu'est-ce que tu viens faire ici, mon petit ?"
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