XXV- Du troisième éclat
Il ne se passa pas grand-chose pendant le reste du jour. Le campement fut monté d'une manière automatique, chacun a fait ce qu'il avait à faire. Malgré tout, nous avons instauré un tour de garde, puisque, avec les histoires d'Orgs en vadrouille, il fallait une sécurité. J'ai pris le dernier tour de garde, celui qui se passe juste aux premières lueurs du jour. Et je peux dire qu'il ne s'est strictement rien passé. Le ronflement de Harlan, je crois, sous sa tente fut la seule attraction.
Par contre, la journée commença dans une ambiance particulière. Avant de mener le groupe, mon père tînt à nous dire quelque chose.
"Gardez en tête que nous entrons en terrain de guerre. Pire que la guerre entre Êtres Humains que nous avons tous vécus, c'est la guerre contre l'Enfer... Le Ciel et la Terre savent seuls ce que nous allons voir et vivre... Ne cédez pas à la panique. Nous avons notre botte secrète, n'est-ce pas ? Fit-il de manière rhétorique avant de continuer. En avant ! L'Equilibre doit être rétablit !"
En silence nous le suivions tous sur la route. La journée de voyage fut... comment dire ça ? merveilleuse ?... Quelque chose comme ça mais pas avec des fées et lutins, non, avec des rêves et des cauchemars devenus réalité.
Passé un petit bois, la route pénétrait sur une vaste plaine où les montagnes de l'Est, qu'on commençait à apercevoir déjà depuis Olvi, s'imposaient à nous. La plaine semblait aller ainsi jusqu'à leurs pieds. Et à leurs pieds... des nuages noirs s'élevaient à perte de vue au nord comme au sud. Un nuage remontait les montagnes en suivant un cours particulier. "La Vallée Profane" je susurrais pour moi. Je ne devais pas être le seul à le faire.
L'avenir était devant nous, songeais-je. En souriant à ces mots qui pouvaient prendre un drôle de sens, j'ai bien évidemment repensé à tout ce qui m'était arrivé depuis... depuis ma naissance. Je n'ai pas souvenir d'elle, était-ce à la ville d'Œ ou dans ses ruines ? et du destin qui semblait m'être lié depuis lors. De ma petite enfance dans le village de Kern faite de pas grand-chose, des travaux à la ferme jour après jours pour nourrir ma famille, d'autres familles en approvisionnant les marchés. De ces derniers jours depuis l'attaque des brigands, de la guerre et de la bataille de Elk... puis de la traversé du Royaume de Arl jusqu'à présent. J'ai lâché un soupir à ces pensées. Et encore, je n'avais pas encore ressassé le destin de l'élu qu'on m'a affublé avec les pouvoirs infinis que je pouvais bien avoir ! En repensant à cela, j'ai soupiré une deuxième fois.
Mon troisième soupire vînt en admirant une fois encore, puisqu'il est incontournable devant nous, le nuage noir vers lequel nous nous dirigeons. Il est symbole de la tâche qui m'attends.
"Eh bien ! Me fait sortir la voix de Finn, à ma droite. Ne t'en fais pas, nous sommes encore bien loin de la fin de la route.
- On aperçoit à quelques kilomètres les premières tentes.
- Je ne parlais pas de cette route !
- Ah oui, celle de la vie ? Je fis pour me reprendre.
- Si l'on veut. Répondit Finn en souriant. Ne t'en fais pas, nous n'irons pas au combat aujourd'hui. Il faut que l'on rencontre les Chevaliers de tous ces Royaumes. Arl, Bergam, Acar, Antib... je ne serais pas étonné de voir aussi le Chevalier Elec, en fait, malgré la longue route. Ni celui de Dann. Tu en penses quoi Nonn ?
- Je ne m'emballerai pas tant. Si nous n'avons pas entendu parler de cela à Poiter, je crains qu'Elec non plus. Mais bon sang, je donnerai cher pour revoir Elec, le vrai Chevalier !
- Poiter ? Je demandais, étonné du nom.
- La capitale du Royaume de Rollon. Ce qui est assez cocasse c'est que Poiter se situe dans la Vallée d'Eter, la ville des légendes. Mais la Nouvelle Eter est le nom de la capitale de notre Royaume à nous, Nonn et moi. La ville de cette Eter se situe au nord-ouest.
- Je vois." Ces indications me distrayaient un peu tandis que nos chevaux nous approchaient du campement militaire gigantesque.
"Nonn, dit tout à coup le Chevalier Rollon, viens avec moi en avant, nous allons prendre un peu d'avance. Je suis inquiet sur l'état d'Arl.
- Avec joie, moi aussi."
Et les deux Chevaliers partirent au galop devant nous. Nous les vimes de loin s'arrêter devant la garde du campement puis pénétrer rapidement dans le camp. Longtemps après eux nous nous présentions à notre tour à la garde.
"Eirik, Capitaine de la Garde Royale du Royaume de Rollon, Finn, Harlan et Arn de ce même Royaume. Présenta mon père
- Vous êtes avec les Chevaliers Rollon et Nonn ?
- Oui.
- Entrez, le Chevalier Arl vous attends dans sa tente. Allez tout droit puis à gauche devant la tente de la cantine. Vous apercevrez la grande tente bleue des Chevaliers."
Cela avait le mérite d'être rapide et clair. Aussi nous fîmes comme indiqué. Et des minutes plus tard, après avoir confiés les chevaux à la personne de l'écurie, nous nous trouvions devant l'entrée de ladite tente.
Et déjà dehors on pouvait entendre des voix discuter vivement :
"Ne me prends pas pour un con, Arl ! Crois au moins à l'une de mes histoires, l'une ou l'autre, choisis ! Crois-tu vraiment que je vais les inventer juste pour te faire perdre ton temps ?! Disait le Chevalier Rollon.
- D'accord, d'accord !... Très bien... alors je choisis... reprenait une voix, jouant sur la lenteur de sa parole. Je pouvais imaginer qu'il faisait cela pour embêter son interlocuteur qui, lui, était trop excité pour être patient. Non à ton histoire de diablotin se prenant pour moi ?... Je te croyais plus subtil pour évincer tes concurrents... Je veux bien croire en ton histoire d'élu, allez ! Pourquoi pas ! Qu'avons à perdre à envoyer un enfant mourir face aux Orures ? "
C'est exactement sur ces paroles que nous pénétrions, mon père, Finn, Harlan et moi, dans la tente.
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