III- De l'après
"Permettez-moi, mon Roi, d'avoir un doute dans le retour de l'Ordre commun sur le chaos si vous projetez d'exclure ce qui vous semble ne pas convenir à cet Ordre. D'autant plus que, où irions-nous ? Demain un nouvel Empire naîtra et il régnera sur toute la Terre d'È. Où irons les proscrits ? Mais bref, ce n'est pas là où je voulais en venir. Je voulais en venir à tout ce que, vous, vous pouvez offrir au descendant de l'Elu. Nous ne sommes que des enfants, des femmes et des hommes, si les autres ont projeté de faire venir l'Enfer sur la Terre d'È c'est parce qu'ils ne savaient pas où vivre sur cette Terre. Demandez-vous où vous souhaitez vivre et demandez-leur où ils souhaitent vivre, je prends le pari que les réponses seront les mêmes. Personne ne souhaite le désordre, le chaos, la haine et le désamour en quotidien. Ce goût-là, s'il est assumé, n'est qu'une façade pour cacher un souhait que l'on n'ose pas montrer. La guerre n'est qu'un projet temporaire pour renverser l'ordre en place dans lequel on n'a pas réussi à entrer. On espère qu'en contrôlant le désordre depuis le début, on le contraindra à abattre seulement ce que l'on cherche à abattre et qu'ensuite on pourra chasse ce désordre. Un plan qui s'avère vain face à une puissance débordant la nôtre, comme ils en ont été victime. De nouveau je me tourne pour montrer les capuchons immobiles. Et je laisse deux secondes de silence. Je voulais simplement vous demander, mon Roi, de ne pas juger trop vite, d'estimer l'Ordre nouveau que vous voulez fonder et de ne pas commencer sur des bases qui ramèneront un jour ou l'autre le désordre."
Voilà à peu près ce que j'ai dit. Dans un élan une inspiration me prit et c'était presque à contre cœur que je rendis la parole au Roi. Il fit un signe et je repris place sur le banc. Il échangea un regard avec le juge de l'accusation, puis un avec le Chevalier Rollon. Après quoi il se leva et dit qu'il rendra justice dans trois jours, le matin du couronnement impérial.
Contrairement aux membres de ma famille qui restèrent sévèrement entravés, je pu errer librement dans le palais. En me levant du banc, je me suis tenté un regard vers le Chevalier Rollon. J'avais espéré voir une sympathie comme je l'ai toujours vu, au contraire de cela, il avait le regard fermé et observaient les robes bleues sortir de la salle accompagnée de gardes. Je projetai un autre regard vers Finn, je pu lire la même expression chez lui.
Je me sentais de nouveau abandonné. Je venais d'accomplir il y a peu ce qu'ils attendaient de moi, je venais là, de faire quelque chose contre leur volonté. La destinée des descendants de l'Elu ne se jouerait pas comme ils l'avaient espéré.
Seul dans mon monde, je suis reparti dans les couloirs du palais en direction de la chambre que j'occupais. J'y suis resté un certain temps seul, sans rien faire. Je tentais de me rappeler mes paroles et de me souvenir de ma voix projetée contre les murs et les fenêtres de la salle de justice. Croyais-je en toutes ces paroles ? Croyais-je en ce futur à venir ? en la justice pour les membres de ma famille que je n'ai pas connu, qui ne m'ont pas connu, qui m'ont traité de traitre ? Pourquoi avais-je pris la parole ?
Je me demandais aussi sérieusement si j'allais avoir le même jugement qu'eux. Admettons que les robes bleues soient, la pensée m'a traversé l'esprit une seconde, mis à mort. Le serais-je aussi, alors que j'ai sauvé la Terre d'È ? S'ils sont proscrits de la Terre d'È et envoyés errer dans les steppes de l'Ouest, le serais-je aussi ? En bref, des questions infinies sur mon avenir.
Cette vision de mon avenir me fit repenser aux paroles de mon faux-père avant la bataille de la Vallée Profane. Celui-ci m'a dit que j'irais loin. Qu'après avoir sauvé la Terre d'È, j'aurais une existence normale et que l'intelligence naturelle que j'ai me poussera à aller loin.
Cette pensée me donna d'autres réflexion. Outre de ne plus être si sûr dans la beauté et la longévité de mon avenir, je me suis de nouveau mis à réfléchir sur la nature de mon pouvoir. L'intelligence, la sagesse des paroles, mon intégrité à sauver les innocents et bannir les Bêtes de l'Enfer, cela me vient-il de mon pouvoir ? ou bien cela fait partie de moi ? Je dois en fait savoir si mon pouvoir est inné. S'il l'est, pourquoi s'est-il manifesté qu’il y a quatre semaines ? S'il ne l'est pas, va-t-il disparaitre ?
La question est aussi de savoir pourquoi dans tous les membres de ma famille c'est moi qui ai sauvé le monde ? Pourquoi ma mère m'a confié à ma tante, pourquoi elle est partie à Potier, pourquoi le Roi l'a fait protéger ?... et les questions s'enchaînaient en moi sans que je n'arrive à y voir la fin. Face à cela la colère reparaissait, ma vision se faisait plus rouge, comme si je m'entourais d'un feu brûlant tout autour le corps. Pourquoi j'avais l'impression d'être à côté de ma vie et de la vérité ?!
J'étais assis sur mon lit à fulminer seul lorsque quelqu'un toqua à la porte. Tout s'évapora en moi et autour de moi et j'autorisais à entrer.
L'ancien Garde Royal qui joua le rôle de père entra. Il tenait dans ses mains un livre décoré d'une reliure.
"Je t'apporte de la lecture. Je pense que cela te plaira. Il dit en commençant.
- Qu'est-ce c'est ?
- Le premier volume des histoires de la Terre d'È."
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