Nicolas se dépêcha de rejoindre le grand porche pour s'abriter un peu du froid qui venait d'envahir la place. Il souffla sur ses mains pour les réchauffer un peu et apaiser les engelures qui apparaissaient progressivement sur ses bouts de doigts. Il les remua un peu avant de les placer sur la porte en bois. Il inspira profondément et poussa très fort dans l'espoir de la faire bouger, mais l'énorme hayon demeura immobile. Il essaya à plusieurs reprises, en vain.

Epuisé par toutes ses péripéties, il se laissa glisser contre le bois usé avant de se heurter à quelque chose de froid. Il se redressa d'un bond et se retourna pour voir ce qui lui avait écorché le dos. Une serrure toute rouillée. Il la parcourut de ses doigts endoloris, en dessina les contours avant de glisser la main dans sa poche et de la refermer sur la clé. Malgré toutes ses aventures, celle-ci n'avait pas quitté sa poche. Dans éclair de génie, il la sortit et l'inséra. La clé grinça, résista un peu avant de tourner. Au bout de deux tours, un cliquetis résonna dans le silence : la porte s'ouvrit en grinçant et en raclant contre le sol élimé de la bibliothèque. Lorsqu'il trouva que l'espace était suffisant pour y entrer, Nicolas arrêta de pousser et s'engouffra dans les lieux. Il referma la porte pour éviter de laisser entrer les créatures à sa poursuite, même si leurs cris s'étaient tus depuis qu'il avait franchi la berge.

Un sentiment de sécurité se dégageait de cet immeuble aux allures d'un temps passé, vestige d'une glorieuse histoire. Partout des étagères remplies de livres tous plus vieux les uns que les autres. Des échelles étaient suspendues aux barres de métal rouillés et attendaient qu'on y monte pour rechercher le livre qui nous intéressait, découvrir une autre littérature, aiguiser son sens de la curiositén ou encore développer son intellect.

Nicolas soupira d'aise. Les nombreux vitraux polychrome laissaient filtrer la lumière sélénite, apportant au lieu son lot de mystères. La douce lumière émise réchauffait le coeur du jeune homme, encore sous le choc de ses péripéties précédentes. Un calme olympien régnait dans les allées.

Nicolas se surprit à parcourir les vitraux. Ceux-ci racontaient une histoire. Sur la première scène, l'on voyait un jeune couple arriver dans la maison, puis se faire surprendre par la pluie et au bout, une ombre refermait le portail. Il possédait une énorme faux. Nicolas se frotta les yeux, c'était comme si sa propre histoire lui était contée. Il continua à parcourir les vitraux et comprit que c'était véritablement l'histoire de sa journée. Les scènes s'arrêtaient à son arrivée dans la bibliothèque. Il se tenait au milieu de l'allée central en tenant un livre. Le livre de l'automne. Alors les prédictions de la Mort étaient vraies.

Intrigué et certain qu'il tenait là la solution de l'énigme, il se mit en quête du livre. Il le trouva dans la dernière allée, celle traitant de l'ésotérisme et des créatures fantastiques, il l'ouvrit, le parcourut jusqu'à tomber sur des symboles, symboles qu'il avait vu dans le vieux journal crypté. Il fouilla ses poches, le retrouva. Abîmé par ses différentes chutes, le journal, encore plus élimé que lorsqu'il l'avait trouvé, dégouttait. Une eau assombrie par l'encre diluée s'écoulait lentement. Il le secoua pour le sécher un peu, gagna une table située dans un des alcôves de la bibliothèque, s'installa à une chaise. Puis, il étala les livres devant lui. Il les observa un moment avant de comprendre qu'il s'agissait d'un rituel... rituel qu'il allait devoir réaliser s'il voulait être libéré...

Nicolas se sentit prêt à accomplir le sort, mais il n'eut pas l'intelligence de lire les conséquences de cet acte...