2.3.4

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Cette défaite cuisante le marqua profondément, mais ce fut la revanche perdue cinq ans plus tard qui mortifia à jamais son amour-propre. Il se la vit offrir à l’âge de seize ans, ce fameux jour où il obtint son indépendance et cessa d’être Liam Wintersley pour devenir Theo Hattier, le jour tant attendu de sa consécration. Il se trouvait dans le cabinet du juge Bedford, un ami du professeur Horowicz, avec le magistrat, Jo lui-même, le juge Sullivan et le duc. Les accords rédigés attendaient sur le bureau d’être entérinés par les deux partis présents. Ces actes allaient le libérer de ses obligations d’héritier et de la tutelle de son géniteur. Il pourrait enfin, après des années de tyrannie paternelle, rejeter son patrimoine et sa filiation, mépriser tout ce dont cet homme prétendait le gratifier. Vraiment, le triomphe aurait été total… si seulement ce combat n’avait pas eu lieu, mais voilà, le duc de Twynham, malin et provocateur, savait que son fils à la fierté meurtrie brûlait d’envie de prendre sa revanche. Alors, pour cette ultime rencontre avant des adieux définitifs, il lui proposa un rematch que ce freluquet ne pouvait refuser.

« Tu peux renier ton héritage, tu n’en reste pas moins à mes yeux un petit garçon ingrat et capricieux ! »

L’arrogante bravade excita aussitôt les ardeurs belliqueuses de l’adolescent. Malgré les objections des tiers présents, il était résolu à vaincre son père pour de bon. Impossible d’empêcher ce duel qui devait cristalliser avant la séparation ultime ce conflit viscéral qui opposait père et fils depuis l’origine. Le duc ajouta avant de débuter :

« Bien, puisque tu ne veux plus être considéré comme un enfant, je suppose que tu n’as plus besoin de trois rounds d’avance, n’est-ce pas ?

— Bien sûr que non. »

Ce malheureux orgueil scella irrémédiablement sa perte. Que dire ? Ce n’était plus un enfant, alors le duc visa directement la tête. Theo s’aplatit au sol, à nouveau KO, et pour longtemps cette fois : il perdit connaissance. Lorsqu’il revint à lui, son père était déjà parti, et son moment de gloire aussi. Le duc avait signé son exhérédation, ainsi que son émancipation le temps de son inconscience. Il était pourtant à deux doigts de voir de ses propres yeux son géniteur obligé de consentir un accord à son corps défendant, mais non ! Il s’était évanoui, et tous ses rêves jubilatoires avec lui. Alors qu’il croyait triompher de la tutelle paternelle, il se réveillait plus frustré que jamais. Cet échec lui resta en travers de la gorge, et sans espoir de revanche cette fois. L’accord signé, ils n’étaient plus père et fils, mais étrangers. Theo ne trouva jamais la libération escomptée, son esprit obsédé par son procréateur lui était enchaîné. Peu de temps après cet événement, il rencontra les frères Wiggins. Pete lui enseigna la boxe, et l’adolescent s’acharna à défaut sur les sacs de frappe ne pouvant plus atteindre le duc de Twynham en personne. Dans le sous-sol du Lion Arms, il se bornait à réinventer sans cesse tous les mouvements qu’il aurait dû faire pour gagner.

Encore aujourd’hui, la rage de la défaite hantait ses poings à chaque fois qu’ils frappaient. Il se rappelait ces yeux rogues qui le toisaient avant le début du combat. Pas une seule fois son père n’avait douté de sa victoire. Theo enchaina un double jab. Ça le frustrait… Alice était avec Dickie Dick. Il asséna un puissant lead. Ça aussi, ça le frustrait…

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