10.2- Départs

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Ils entrèrent alors dans une grande villa. Sigurd leur dit de faire comme s'ils étaient chez eux puis fila à l'étage afin de tenter de trouver le sommeil. Ces dernières années avaient été rudes et au bout de sept ans, il pouvait enfin dormir sur ses deux oreilles...

Une partie de sa demeure avait été aménagée pour accueillir un géant. Auris devait probablement vivre avec lui et ne séjournait pas dans l'édifice vitré à l'instar des autres dragons.

Lisa quitta la salle-de-bain aux anges. Elle avait eu droit à une vraie douche chaude. Chez les orochis, la température fut plus fraiche que tiède. Elle ne voyait aucun chauffe-eau électrique ou solaire, ce qui l'intriguait beaucoup.

- Dis-moi Spino, comment l'eau du robinet est-elle chauffée ici? Questionna-t-elle en essuyant ses cheveux avec sa serviette

- Tu as l'œil pour les détails, rétorqua Mickaël en écarquillant ses yeux bleus

- Sache que les paysans et la classe moyenne gravent des runes voire des glyphes de feu pour une durée de deux à cinq ans avant de devoir les restaurer, répondit le dragonnet, tandis que la haute société utilise des cristaux de Feu. C'est onéreux toutefois la durée est de quasiment une décennie. Cependant, la magie perdant en efficacité depuis un moment, l'eau finira par devenir de plus en plus froide et il faudra recourir à des solutions similaires à ton Domaine pour la réchauffer.

- En gros, quelque part, Fafnir possède un ballon d'eau bouillante dont les catalyseurs sont soit trois cristaux mineurs de Feu soit un cristal majeur, ajouta l'adolescent, et un cristal mineur, peu importe sa nature, c'est environ cinq Devises de Dragon hors période de soldes...

- Tu m'étonnes petit frère, répliqua Carla impressionnée, tu sembles avoir retenu l'une de tes leçons d'école.

- C'était dans l'un de mes sujets de mathématiques... On devait d'abord comparer la monnaie Raïossienne à la notre: le Joyau. Une fois le taux de change calculé, il fallait évaluer le prix d'un cristal mineur en Joyau... Evidemment, j'ai eu une mauvaise note, répondit-il avec le sourire

- Finalement tu m'exaspères, soupira la Sacriste

Après leur toilette, les Angélus et la gardienne conversèrent. Ils finirent par tomber de sommeil vers une heure du matin.

Le paladin se réveilla en sursaut, couvert de sueur. Il venait de cauchemarder. Le combat contre le Dieu Gris de l'Apocalypse l'avait profondément traumatisé. Il quitta sa chambre afin de se servir de l'eau et croisa le familier rouge et or devant une fenêtre.

- Vous ne dormez pas? Interrogea le draconique

- Nos poursuivants viennent de se poser sur Raïos. Cela me tracasse vous voyez. Nous ne pouvons plus nous permettre de rester à Hunter City. Demain, nous partirons.

- Vous avez sûrement encore un peu de temps devant vous.

- Je ne suis pas autant optimiste que vous. Si le Lung quetzal n'est pas remis de ses blessures, pourrez-vous attendre qu'il guérisse entièrement avant de le renvoyer pour l'île des Gardiens?

- Bien sûr! Vous avez ma parole.

Le polymorphe lui relata ensuite son épopée dans les Marais Intrépides, sa rencontre avec le tumultueux Nosfrat et sa confrontation avec les Célestiels. Sigurd reconnut sa valeur. Il réalisa que le protecteur était prêt à sacrifier sa vie pour la réussite de la dernière dimensionnelle. Il ouvrit un placard dont une violente magie s'échappa et sortit trois roches ovales grisâtres. Elles émettaient une lumière clignotante blanche pour l'une, rouge pour la seconde et jaune pour la dernière.

- Voici des géodes élémentaires. Elles ont été extraites au fin fond des mines d'Arios. Je n'ai pas l'intention de m'en servir alors je vous les offre. Puissent-elles vous être utiles lors de votre périple.

- Ce sont des artefacts de très grande valeur! J'en ferais bon usage, répondit le dragonnet, merci.

- Il n'y a pas de quoi.

Fafnir se retourna et fit quelques pas puis s'arrêta.

- J'ai d'abord trouvé cela étrange que vous teniez une place si importante dans votre groupe, avoua-t-il, les familiers ne sont que des animaux de compagnie au rôle souvent guerrier mais pas des guides, encore moins des leaders! Vous n'êtes pas un polymorphe ordinaire Spino.

- Ne soyez pas si louangeur à mon égard. Je me dois d'être à la hauteur de celle que je protège.

- Vous êtes un polymorphe formidable or je doute que d'autres aient la même liberté d'esprit que moi. Les gens seront méprisants, auront tendance à vous couper la parole et à chercher à vous remettre à votre place, vous rabaisser. Aux yeux des gens, les familiers ne sont pas leurs égaux.

- Je le sais et cela ne m'atteint pas.

- Je l'espère bien car votre route est longue et semée d'embûches. De simples à priori ne doivent pas vous troubler. Votre protégée se doit d'être entourée de personnes inébranlables qui la motivent en toutes circonstances! Restez-le...

Le lendemain matin, un vacarme assourdissant vint réveiller la petite bande ensommeillée. Le paladin descendit les marches deux à deux. Celui-ci portait un débardeur et un short, absolument pas la tenue habituelle des chasseurs draconiques. Il s'était rasé et coupé les cheveux, ce qui le rendait plus charmant.

Il ouvrit la porte et vit l'équipe de Vénus.

- Que voulez-vous les jeunes?

- Les citadins nous ont assuré que Lisa était ici, répondit la pisteuse surprise par son nouveau style

- En effet, mais, elle dort je crois.

- Non, ce n'est pas le cas, rétorqua la lycéenne somnolente

- C'est le Quetzal! S'écria Æris, on prétend des dragons qu'ils recouvrent vite leur force mais celui-là dit donc...

- Qu'est-ce qu'il a?! S'exclama-t-elle en se redressant

- Ses plaies ont déjà cicatrisé! C'est en partie grâce aux élixirs de soins néanmoins sa capacité de récupération est fulgurante. On lui a retiré ses sutures dès l'aube et maintenant il s'amuse avec les autres pensionnaires dans l'habitat montagnard.

- Tu as entendu Spino? Demanda l'élue heureuse

- Oui. Préparez-vous! rendez-vous aux portes de la métropole dans trois heures.

- J'aurais aimé guérir comme lui, rétorqua l'arbalétrier en posant son pouce sur ses bandages

- Bien, reprit Sigurd, tout est dit, enfin presque... Pour ma mission, j'ai appuyé votre candidature auprès du maître hier soir après avoir subjugué "Auric".

- On t'accompagne? Espéra Æris

- Oui gamin!

Le trio ne tint plus en place et ne put s'empêcher d'exprimer sa joie. Il allait participer à la quête de l'idole des Lord Wyvern.

Une trentaine de minutes plus tard, une fois leur toilette matinale effectuée et leur petit-déjeuner pris, Lisa et Carla partirent pour la volière. Le gardien de la Cité du Soleil était en pleine forme.

Elles parvinrent ensuite à l'entrée de la métropole, transportées par Diamant. Le lung arc-en-ciel flottait cinq mètres au-dessus d'eux. Ils croisèrent Spino et Mickaël aux côtés de Sigurd et ses nouveaux compagnons de route. Le chasseur sacré était sur Auric, son mandragore phénix tandis que Titan et ses complices prenaient place sur son Noctivenator. Lisa avança vers eux.

- Ne vous approchez pas trop, avertit le paladin, ces dragons peuvent avoir des réactions imprévisibles.

- Ne vous inquiétez pas, rassura-t-elle en levant ses mains vers les cracheurs de feu qui baissaient leur tête, prenez bien soin d'eux, poursuivit-elle en les posant sur leur museau, ils sont forts et téméraires mais trop insouciants du danger.

- Elle vous a bien cerné les jeunes, reprit Sigurd en riant à plein poumon

- Ils sont comme vous je pense. Soyez prudents, j'aimerais vous revoir entiers.

- Je n'aurais jamais imaginé que vous auriez en vous le talent de murmureur, ajouta le paladin en secouant le bras en guise d'adieu

- Bon voyage, dit la lycéenne

- Au revoir, dirent les draconiques en prenant leur envol sur leurs montures respectives

Ils s'éloignèrent alors de plus en plus. Le cheval à la robe sélénique retourna dans son œuf puis le Lung quetzal se posa. Lisa ainsi que ses acolytes le chevauchèrent. Soudain, le polymorphe fixa les cieux. Au-loin, il perçut Fafnir en train de le dévisager...

- J'ai été ravi de faire votre connaissance Shaï, dit Sigurd sans même prononcer un mot

- Le plaisir est partagé, répondit Spino en le voyant disparaître dans l'immensité du ciel

Le gardien de Tonatiuh survola Hunter City. Les membres des Lord Wyvern les acclamèrent et leur souhaitèrent bon courage en les accompagnant à dos de vouivres dans l'espace aérien de la métropole puis ils se séparèrent...

Dans le quartier des Sapins Rouges, Pauline, Maya et Méline collaient des affiches sur les réverbères, les panneaux publicitaires, les murs, les feux de signalisation... Il y avait une photo de la métisse au teint caramel avec un message: "Lisa Sunny, 18 ans, a disparu depuis le 20 Mars. Si vous l'apercevez ou si vous avez des informations, veuillez me contacter d'urgence au 0693 001 112 223 ou signalez sa présence aux forces de l'ordre. Merci"...

Les voisins s'étaient réunis deux fois afin de procéder à une battue. Dans la zone pavillonnaire, personne ne perdait espoir et tout le monde témoignait son soutien à la famille Sunny. A l'échelle de Falaise-Sur-Mer, c'était une autre histoire...

La majorité pensait au pire. La petite était soit prisonnière d'un pervers fou dans un sous-sol, soit déjà morte et au fin fond d'un ravin!

Pauline avait des cernes et le visage épuisé. Elle avait pris un coup de vieux. La souriante quinquagénaire rousse était méconnaissable. Ses cheveux habituellement peignés et attachés en une queue de cheval étaient libres et en bataille. Son époux l'attendait devant le portail, assis au milieu de l'allée de gravier blanc. Lui, d'ordinaire élégant, habillé en costard-cravate ou en chemise, revêtait un simple t-shirt gris et un jogging. Le jardin avait été laissé à l'abandon. Des mauvaises herbes commençaient à pousser entre les pas japonais.

Le couple avait tout perdu. Leur univers s'était effondré.

Noah se releva dès qu'il aperçut sa femme. Il la serra dans ses bras puis ils rentrèrent dans leur demeure. Ils approchèrent de leur réfrigérateur puis fixèrent une feuille vierge, blanche et grise, écornée, retenue par un aimant sur la porte.

Celle-ci, vieille de dix-huit ans, leur fut remise par les parents biologiques de l'élue lors de leur rencontre. Aucun texte ne s'y était inscrit pourtant ils sentaient qu'un jour, quelque chose apparaîtrait et que la vérité leur serait enfin dévoilée.

- Te souviens-tu de la fois où tu as tenté de lui retirer son pendentif chéri? Questionna la mère adoptive de la lycéenne

- Il s'est mis à briller et Lisa est devenue folle de rage. Je n'ai plus réessayé.

- Il s'illuminait souvent avant ses quatre ans. Quand elle a arrêté de parler de son ami imaginaire, les phénomènes étranges ont cessé.

- Et tu as patienté deux ans pour t'assurer que tout soit normal puis tu l'as inscrite à l'école.

- Elle me manque terriblement! Reprit-elle en serrant sa veste au niveau de son cœur

- A moi aussi chérie. Je regrette de ne pas avoir passé suffisamment de temps avec vous deux. Depuis le début, je me doutais qu'un évènement comme celui-ci arriverait. Lisa n'a jamais été comme nous. Elle ne s'est jamais cassé un os. La chute de la fenêtre de sa chambre à ses douze ans aurait dû lui briser les bras mais elle n'avait rien, même pas une égratignure. A-t-elle déjà été malade?

- Certaines personnes ne tombent pas malade. Elle est peut-être comme eux. Son système immunitaire est meilleur que le nôtre.

- Tu te souviens de la fois où je lui ai demandé d'enlever son collier à la plage sous prétexte qu'elle pouvait le perdre en nageant? Interrogea-t-il pensif

- Oui... Elle l'a ôté et tu l'as jeté à la mer. Elle a boudé jusqu'au dîner. Le lendemain, il était inexplicablement autour de son cou.

- Quelque chose d'irréel a toujours émané de notre fille et on ne voulait pas l'admettre. Elle est sans doute retournée d'où elle vient, supposa-t-il totalement abattu

- Que... qu'est-ce qu'on...

Il y eut un court silence puis elle le rompit en soupirant.

- Nous devons cesser de la rechercher ici et attendre un signe de sa part. Au fond de moi, je sens qu'elle va bien, poursuivit-il en essayant de se convaincre

- Isïs et Amasis nous ont dit de veiller sur elle parce qu'elle courait un grave danger. Si elle est là-bas, je n'ose imaginer ce qu'il pourrait lui arriver.

- Je suis étonné que tu aies retenu leurs noms chérie! On s'est occupé d'elle du mieux qu'on le pouvait. Elle était notre petit miracle. Elle reviendra. C'est ici chez elle, c'est ici qu'elle a grandi.

- Tout ceci était trop beau pour être vrai. Elle a disparu aussi soudainement qu'elle était apparue dans nos vies.

Pauline baissa la tête. Quelques larmes perlèrent sur son visage. Noah les essuya avec son index et serra sa femme dans ses bras. Il n'allait plus se réfugier dans son travail pour fuir la réalité. Cette fois-ci, il allait y faire face. Il fixa la page vierge puis le mot "espoir" s'y inscrivit un bref instant avant de s'estomper. Il sourit et resserra son étreinte.

La rousse se laissa aller et continua de pleurer. Elle savait que dans cette épreuve, son époux était prêt à l'épauler.

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