4. Jennifer Alwyn Wells

6 minutes de lecture

Je suis désemparée.

Mais surtout, désespérée.

Le ciel vient de me tomber sur la tête. Voilà qu'en à peine une heure, toutes mes chances ont été anéanties. Comment travailler et monter un bon dossier avec cette... cette fille à côté ? Et en plus, son comportement est complètement incohérent et blessant. Je ne lui avais rien dit. Je ne lui ai rien fait de mal. Et pourtant, elle refuse de me donner le chemin des douches, part en me claquant la porte et me montre clairement que je la saoule!

J'ai des larmes pleins les yeux. Je n'y arriverai jamais. Pas avec Alisha. Le pire, dans tout ça, c'est sûrement sa capacité à faire ressortir mes pires démons. J'ai passé 4 ans de ma vie à me reconstruire, à apprendre à devenir une nouvelle personne, à ne plus répondre et à éviter les ennuis. Et voilà que cette punk débarque et que mes accès de violence recommencent. Je dois refouler mon ancien caractère, on me l'a bien fait comprendre. Mais surtout, il m'a assez fait payer pour que, moi-même, je ne veuille plus jamais redevenir comme avant.

Je la hais, c'est plus fort que moi. C'est une badgirl, et elle le montre clairement. J'ai l'impression de me voir... avant. Alors en même temps je la plains, et en même temps, j'ai envie de la frapper pour qu'elle se rende compte de la chance qu'elle a de ne pas avoir fini comme moi.

Peletonnée sous ma couette, dans le lit que je venais de faire, j'abandonne tous mes projets de visite du campus. Les cours commencent dans trois jours, j'ai encore largement le temps, entre demain et après-demain. Pour le moment, je veux juste me reposer. Je sombre dans le sommeil rapidement. Mes larmes ont séché sur mes joues avant que je ne songe à les essuyer.

4 ANS PLUS TÔT

Vêtue d'un short ras et d'un T-shirt court qui découvre mon ventre bronzé, je m'avance dans la rue en sautillant. Je sens tous les regards rivés sur moi, et je sais que c'est aussi à cause des épais cheveux roux qui dégringolent librement dans mon dos. J'ai à peine 15 ans, mais avec un peu de maquillage et une tenue provoquante, je fais plus que mon âge, surtout juchée sur mes talons hauts qui me font prendre quelques centimètres. Naturellement, je ne suis pas petite, mais avec ces chaussures, je dois bien mesure dans les 1,75 mètres.

A 8 heures du soir, les rues de Bordeaux sont encore remplies et l'air résonne des bruits de klaxons, même si éloigné du centre-ville.

Mes parents possèdent un petit appartement dans la banlieue de la ville, mais le quartier n'est pas mal fréquenté. Je suis scolarisée au lycée de secteur, qui rassemble quelques racailles, mais plus généralement des gens comme moi et ma famille. Cependant, nous avons beau n'être qu'en novembre, j'ai déjà eu le temps de rencontrer mes nouveaux amis : mon univers frôle peut-être le leur, mais je me suis aperçue qu'en vérité, je n'en savais rien. Je n'imaginais même pas l'adrénaline délicieuse des fêtes, de l'alcool... Il a fallu qu'une fille, Sahel, qui semblait s'être pris d'amitié pour moi, me traîne de force pour que j'en comprenne enfin tout l'intérêt. Et maintenant, je ne peux plus m'en passer. En l'espace de quelques semaines, j'ai intégré la caste des racailles, ceux que, précisément quelques mois auparavant, je craignais et j'évitais comme la peste. J'étais naïve à l'époque, mais maintenant, je vis ma vie... sans demander l'avis de mes parents.

Evidemment, s'ils apprenaient que, chaque week-end, je ne vais pas chez des amis respectables mais me saouler, parfois même dans des boîtes de nuits, j'ai bien peur qu'ils n'aient une attaque cardiaque. Heureusement, tellement confiants dans leur éducation et dans la bonne réputation du lycée, ils n'ont même pas cherché à vérifier mes dires. Et lorsque leurs questions demandent trop de détails, me font prendre trop de risques, je trouve toujours moyen de détourner la conversation. Une fois, j'ai même fait semblant de faire tomber une tasse sans faire exprès, voyant leur insistance. Ils ont immédiatement recentré leur attention sur le verre brisé et mes excuses fournies. Je souris. Ce soir, j'ai moins menti que d'habitude : c'est bien à une fête d'anniversaire que je vais, seulement en un peu plus... excitant.

Je traverse au passage piéton sans attendre le feu vert, forçant un conducteur à s'arrêter. Il doit avoir environ mon âge et j'entends la musique s'échapper de sa fenêtre ouverte. Du métal. Je vois aussi ses yeux s'attarder sur moi et sur ma peau nue. Bien sûr, cette attention me ravit secrètement, c'est exactement la raison pour laquelle je suis ainsi découverte. Mais en même temps, je n'ai pas l'habitude de me laisser marcher sur les pieds, et je ne veux pas qu'on me prenne pour ce que je ne suis pas : une fille de joie, une prostituée, une fille facile... peu importe les mots qu'on utilise.

Je le fusille de mes prunelles dorées, rejète ma chevelure volumineuse en arrière d'un mouvement de tête et continue ma route. Quelques centaines de mètres plus tard, j'arrive enfin devant le portail de la propriété. Les propriétaires ont l'air friqués : lorsqu'on m'ouvre, je découvre une piscine à l'eau cristalline et une grande pelouse bien entretenue. Un peu plus loin, une maison en pierre crépie de deux étages m'attend. De la musique et des lumières colorées s'en échappent déjà : la fête n'a pas attendu mon arrivée pour commencer! Je m'arrête dans un coin le temps de sortir un miroir de ma poche : heureusement, mon mascara n'a pas coulé à cause de la sueur. Rouge à lèvres à la main, je m'enduis soigneusement les lèvres devant la petite glace, puis la referme dans un geste sec et rabats une partie de mes mèches de devant sur le côté droit. Même si je ne suis pas une planche à pain, je n'ai pas beaucoup de formes, étant fine et élancée de nature. Mes lèvres sont discrètes, mes yeux dignes d'un dessin de manga. Mais par contre, je suis bien consciente de l'effet de mes cheveux et je les mets en valeur à la moindre occasion. Ils détonnent et brillent, attrapant le moindre reflet.

Satisfaite de mon apparence, je range mon tube de gloss, mon miroir, et m'avance dans la lumière. Les bracelets dorés à mes poignets tintent. En montant les premières marches du perron, je remarque immédiatement que certains sont déjà bourrés. Il n'est que 20h30 pourtant, et la fête va sûrement durer jusqu'à une heure du matin. Même si nous sommes en France, ici, les fêtes se font à l'américaine et personne n'en sort sobre. Comme je m'y attendais, je n'échappe pas aux regards intéressés et aux clins d'oeils complices. Je ne réponds à personne et monte directement au second étage, me dirigeant vers la source de la musique assourdissante. Le bruit me mène vers une pièce tout au fond où sont réunies quatre personnes, assises en cercle. Deux bouteilles passent de mains en mains et de la fumée m'indique que plusieurs cigarettes sont allumées. Je crie un "Heyyyyy" retentissant pour annoncer mon arrivée. Une petite brune aux cheveux raides coupés en carré plongeant se lève en tanguant légèrement et s'avance vers moi, bras ouverts, un grand sourire aux lèvres.

- Jen! m'apostrophe-t-elle.

Je la serre dans mes bras tout en lui répondant.

- Salut, Sahel. Combien de verres ?

- Déjà trois... ou quatre je crois. Mais je te jure que c'était de l'alcool doux.

Je lui tape dans le dos, lui assure que je la crois, sans pouvoir m'empêcher de sourire pour autant. Sahel ne connaît pas l'alcool doux...

Je fais le tour du cercle pendant que mon amie se rassoit, tapant dans les mains et échangeant quelques mots. Je me suis rapidement intégrée au petit groupe de Sahel, même si elle seule est dans mon lycée. Maintenant, je fais partie intégrante de la bande. Je m'assois entre cette-dernière et Bellamy, un blong ravissant au sourire charmeur. Il découvre d'ailleurs ses dents de travers dans un sourire. Ca fait longtemps que je le soupçonne d'avoir flashé sur moi... comme tous les mecs de notre groupe, de toute manière.

- Salut, Bell.

- Jen, me salue-t-il en retour.

Rien qu'à son ton, je peux deviner qu'il est au moins aussi bourré que Sahel. Mon amie me tend d'ailleurs une des deux bouteilles pendant qu'Amman propose un jeu, centré sur l'alcool, comme d'habitude.

Un peu à l'écart, Morgan regarde pensivement le ciel. Elle est un peu comme le leader du groupe, avec sa chevelure blonde, presque blanche, et sa beauté dévastatrice. Ses courbes et ses formes généreuses mettent la plupart des hommes à ses pieds dès le premier regard. Même si elle ne participe pas trop, souvent en retrait, personne ne la contredit jamais et j'ai moi aussi appris à la respecter.

Je porte le goulot de la bouteille à mes lèvres et laisse la sensation délicieuse de l'alcool me réchauffer la gorge, le ventre, me faire tourner la tête...

La fête peut commencer.

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