Chapitre 9
Les jours, les semaines défilaient depuis l’incendie de l’école de Lizéa. Ça faisait déjà un mois qu’Océane faisait les allers-retours à l’hôpital. Elle ne passait pas une seule journée sans aller la voir. Pour ne pas fatiguer ma fille outre mesure, je ne venais qu’un jour sur deux. Entre-temps, après l’accord des autorités de police, j’avais lancé les rénovations de la salle de classe et des parties impactées par l’incendie.
Je travaillais dans mon bureau depuis le début de la matinée quand le duo d’inspecteur en charge de l’enquête de l’incendie entra dans mon bureau. Ils avaient de nouvelles informations à me donner. Je leur fis de la place sur le bureau et ils déposèrent tous les éléments qu’ils avaient. Parmi tous les documents, il y avait la photo d’un homme brun, d’une quarantaine d’années.
— Connaissez-vous cet homme ?
— J’ai l’impression de le connaitre, mais je ne sais plus d’où ?
— Cet homme s’est évadé d’une prison du royaume de Carandis et à été vu rodant autour de l’école de votre fille quelques heures avant l’incendie. Nous n’avons malheureusement pas réussi à trouver le lien qu’il pourrait avoir avec vous. Vous ne savez vraiment pas où vous auriez plus le croiser ?
— Comment s’appelle-t-il ?
— Julien …
— Oh ce n’est pas vrai ! Dites-moi que ce n’est pas vrai ?
— Que pouvez-vous nous dire sur cet homme ?
— Ma femme est en danger. Julien était son petit ami avant que je la rencontre. Il était violent avec elle. Il a appris qu’Océane et moi avions une liaison et on s’est violemment disputé. Le lendemain, ma femme est tombée dans le coma sous ses coups.
— On a le mobile et la preuve qu’il était sur les lieux avant l’incendie. Lieutenant Porte, informez le parquet qu’il nous faut un mandat d’arrestation au plus vite. Majesté, je vous promets de le remettre derrière les barreaux. Pour votre femme, avez-vous besoin d’une protection supplémentaire ?
— Merci Lieutenant. Je vais organiser sa protection avec l’armée, mais merci de proposer.
— N’hésitez surtout pas à m’appeler si vous avez besoin. Que ce soit pour une question ou même si vous avez des informations supplémentaires. S’il visait votre femme par l’intermédiaire de votre fille, il se pourrait qu’il tente d’entrer en contact avec elle.
— Je vous contacterais si c’est le cas.
Le lieutenant sortit de mon bureau et je m’affalais sur mon siège. Si Julien était vraiment le responsable, je devais prévenir ma femme. Je devais agir avant qu’il ne recommence à s’en prendre à ma famille. Avant qu’il ne s’en prenne à Océane ou qu’il recommence à attaquer mes enfants. Mais en même temps, je savais que je l’en informais, elle paniquerait. Même au sein du château, elle ne se sentirait plus en sécurité. J’envoyais un message au capitaine de la sécurité du château pour en place un nouveau protocole de sécurité. Je devais le prévoir avant le retour d’Océane, mais surtout avant de lui en parler. Cette fois-ci, je devais tout prévoir avant elle. Avant qu’elle ne panique.
— Vous avez demandé à me voir ?
Le capitaine entra dans mon bureau et s’installa sur la chaise installée à cet effet.
— La police semble avoir trouvé celui qui incendié la classe de Lizéa.
— Et vous savez qui c’est ?
— Oui. C’est l’ex-petit ami d’Océane. Il a été enfermé en Carandis pour violence conjugale. Il était violent avec Océane. Elle a passé plusieurs mois dans le coma à cause de lui.
— Souhaitez-vous que j’augmente la sécurité du palais ?
— La sécurité de ma femme avant tout, oui.
— Je vais faire ça au plus vite. Quand doit-elle rentrer ?
— Vous avez deux heures en marge de manœuvres. Si possible, j’aimerais même qu’un petit groupe la rejoigne discrètement avant qu’elle rentre. Elle est au Dojo. Mais je ne veux pas qu’elle voie les soldats supplémentaires, elle risquerait de s’inquiéter.
— Je vous informerais régulièrement de l’avance du nouveau protocole de sécurité.
— Merci.
Il me salua en sortant de mon bureau. Je pouvais enfin me reconcentrer sur mon travail. De toute façon, je ne pouvais rien faire d’autre. Dès le retour d’Océane, je m’assurais que le nouveau protocole de protection était bien en place. Celle-ci remarqua mon agitation, me questionna du regard, mais n’insista pas plus, préférant attendre que je lui en parle moi-même. Quand je fus certaine que ma femme était en sécurité, je la rejoignis à son bureau.
— Je t’écoute, commença-t-elle avant moi.
— L’armée civil à trouver celui qui a incendié la classe de Lizéa.
— Notre fille était bien la cible, c’est ça ?
— Oui. Mais c’était pour t’atteindre.
— Qui est-ce ?
J’hésitais un instant, ne sachant pas comment ma femme allait réagir. J’attrapais ses mains entre les miennes pour la rassurer, mais surtout pour me rassurer moi-même. Si je voulais réussir à lui en parler, je ne devais pas réfléchir outre mesure.
— C’est Julien. Il s’est évadé de prison et des témoins l’ont vu roder autour de l’école. J’ai fait augmenter le nombre de gardes pour assurer ta protection.
Océane avait le regard perdu dans le vide, elle ne réagissait pas. Il lui fallait le temps d’assimiler la nouvelle. Je lui expliquais alors tout ce que nous avions mis en place pour assurer sa sécurité, mais aussi celle de Lizéa.
— Je dois le retrouver, je dois aller lui parler.
— Il en est hors de question ! Je refuse que tu reprennes contacte avec lui, Océ.
— Je dois le faire, Elena. Je dois…
— Il pourrait te tuer ! Je suis certaine que c’est ce qu’il a en tête.
— Il s’est attaqué à Lizéa pour me faire sortir, pour attirer mon attention. Il a réussi et je vais le retrouver.
— Océ, non !
Elle se leva subitement, prête à en découdre. Dans les couloirs, j’avais beau essayer de l’en empêcher, de l’arrêter, rien n’y faisait, elle ne m’écoutait plus.
— Océ ! Bon sang ! Ne rentre pas dans son jeu. Il va te tuer.
— J’irais quoi qu’il arrive, Elena. Ma décision est prise. Et si j’en suis obligée, je le tuerais moi-même.
— Fais attention, s’il te plait. Les enfants ont encore besoin de toi. J’ai besoin de toi.
— Je te le promets.
— Tu te mets en danger pour rien, Océane. L’armée est là pour intervenir, pas toi.
— Pardonne-moi Elena. Mais je dois intervenir moi-même cette fois-ci. Julien est mon combat. Non celui de l’armée ou le tien. Je dois régler cette situation seule, une bonne fois pour toutes. Je t’aime, mon amour, je te promets de ne pas me mettre en danger outre mesure, mais laisse-moi quand même faire.
— D’accord, je ne vais pas te retenir. Mais fais attention et tiens-moi régulièrement au courant.
— Je te le promets.
Elle m’embrassa et je la laissais s’éloigner. Même si j’avais peur, je devais lui faire confiance. Coinçant mes doigts dans les paumes de mes mains pour les empêcher de trembler, je la regardais partir, immobile. Dès qu’elle quitta mon champ de vision, je me dépêchais de retrouver Emma. Elle était dans son bureau en compagnie de Bianca et Liliane.
— Que puis-je pour toi, Elena ? m’interrogea-t-elle dés mon arrivée.
— Je m’inquiète pour Océane.
— Tu préfères que les filles nous laissent ?
— Non c’est bon. L’incendiaire de l’école de Lizéa, c’est Julien.
— Il n’est pas en prison ?
— Il s’est évadé. Et Océane et partie le retrouver.
— Et tu la laisser faire ? Elena, tu ne peux pas…
— Je ne pouvais rien faire, Emma ! m’énervais-je. J’ai essayé de l’en empêcher. J’ai tout essayé.
— Calme-toi, respire calmement.
Emma fit le tour du bureau et me prit dans ses bras.
— Océane sais se défendre, il ne lui arrivera rien, tenta-t-elle de me rassurer.
— Elle m’avait dit la même chose la dernière fois. Julien est dangereux. Elle a passé plusieurs mois dans le coma à cause de lui.
— Fait lui confiance, ça va bien ce passer.
— Réagit Elena. Ne laisse pas Océane partir seule.
Malgré mon traitement, Elle était revenue. Même si je savais qu’elle n’était pas réelle, je savais qu’elle avait raison. J’avais confiance en ma femme, pas en son ancien petit ami. Elle m’avait déjà promis une fois qu’il ne lui arriverait rien et elle avait passé plusieurs mois dans le coma. Je devais y aller.
— Tu as raison. Je vais attendre. Elle sait ce qu’elle fait, mentis-je.
— Tu as besoin de quelque chose ?
— Non, merci.
— Il va te falloir une arme, pour te protéger.
Le plus rapidement, mais discrètement possible, je me changeais. J’allais devoir sortir sans qu’Emma ne s’en aperçoive. Je fis ensuite un tour à l’armurerie.
— Majesté ? s’inquiéta le soldat en poste. Qu’est-ce que…
— Ma femme est en danger. Donnez-moi une arme.
— Je peux vous proposer un pistolet à impulsion magnétique…
— Une arme mortelle.
— Je suis navré. Je refuse.
— C’est un ordre soldat. Et mes ordres passent outre ceux de vos supérieurs.
À contrecœur, il entra dans l’armurerie et revint avec une arme à feu, un pistolet datant de la Résistance à la dictature de ma mère. Il m’expliqua rapidement comment m’en servir. J’interpellais ensuite un nouveau soldat pour qu’il m’emmène en ville, le plus vite possible. Sur la place principale, je retrouvais Océane en pleine discussion avec un homme, Julien. Je regardais rapidement autour, il n’y avait aucun soldat, personne pour la protéger. Elle avait déjoué la protection que je lui avais mise en place. Mais en même temps, elle avait choisi un lieu stratégique de rencontre. Sur cette place du centre-ville, il y avait beaucoup de passage. Plus j’approchais, plus je les entendais discuter, sans comprendre. Autour de moi, des Eryenniens se rassemblaient petit à petit. Ils m’avaient reconnu et ça se voyait que ma femme et Julien se disputait. Les ignorants, je me rapprochais toujours plus, la main sur le pistolet. D’un coup, Julien s’énerva. Il attrapa un couteau qu’il avait caché derrière sa veste et le plaqua contre la gorge d’Océane. Je réagis aussitôt en pointant mon pistolet sur lui. Tous les villageois reculèrent alors.
— Si tu la touches, je te tue, le menaçais-je.
— Oh ! Bonjour, Votre Majesté. Je ne m’attendais pas à votre venue.
— Elena, soupira ma femme.
— Tu n’as pas réussi à tuer ta mère et tu veux me tuer moi ? rigola-t-il en me regardant. Comme j’ai peur.
— Ne me pousse pas à bout, Julien.
— Je suis sûr que tu ne sais même pas t’en servir.
— Ne m’oblige pas à te le montrer.
— Elena, ne fais pas ça, tenta ma femme.
— Si tu me tues, reprit-il, tu seras coupable de meurtre. Que tu sois Impératrice n’y change rien.
— La légitime défense, tu connais ? Je sais exactement quoi faire pour n’être accusée de rien.
— Je suis prête à parier que ta mère pensait, elle aussi, de cette façon.
— Elena, arrête. Laisse-moi faire.
— Vous faites pitié, toutes les deux.
Julien s’apprêta à poignarder ma femme. À l’unisson, je lui tirais dessus et Océane tenta de le désarmer. Il réussit tous de même à la blesser à l’épaule. Julien s’écroula, ma femme s’éloigna et me retira immédiatement l’arme des mains. Elle me parlait, je ne l’écoutais pas. J’avais touché Julien à l’épaule aussi et le regardais se vider de son sang.
— Elena ! Réagis bon sang ! s’énerva Océane.
— Tu es blessée. Laisse…
— Qu’est-ce que tu n’as pas compris dans ce que je t’ai dit ? J’allais m’en occuper seule.
— Seule ? Rappelle-moi ce qu’il s’est passé la dernière fois que tu as voulu le gérer seule ! m’énervais-je à mon tour. Il allait te tuer !
— Je gérais la situation.
— Tu ne gérais rien du tout !
— Et toi tu n’aurais jamais dû venir, encore moins armée. Quel est le soldat qui t’a autorisé à la prendre ?
— J’ai fait ce que j’avais à faire pour te protéger.
— Réponds-moi ! Tu es malade, Elena ! Tu as tué un homme, de sang-froid.
— Je l’ai tué pour te protéger. C’était lui ou toi.
— Tu deviens comme ta mère, Elena. Je ne te laisserais pas devenir comme elle.
— Je ne suis pas comme ma mère ! hurlais-je.
— Pardonne-moi mon amour. Mais je fais ça pour ton bien. Vous, interpella-t-elle le soldat qui m’avait amené. Reprenez cette arme et ramenez du renfort. Il doit bien y avoir quelques soldats en ville.
— À vos ordres, Votre Majesté.
— Qu’est-ce que tu comptes faire ?
— Tant que je ne serais pas certaine que tu es totalement maître de toi-même, je t’arrêterais.
Elle s’approcha et attrapa ma main. Elle tenta de me serrer dans ses bras, mais je l’en empêchais. Elle n’avait pas le droit de me reprocher de lui avoir sauvé la vie. Je me débattais, mais elle était bien plus forte que moi. Avec toutes les techniques de karaté et de self-défense qu’elle connaissait, elle réussit à m’immobiliser, au sol. Je comprendrais son envie de me protéger de moi-même, elle me l’avait promis. Mais en cet instant, tout ce que je voyais et ressentais, c’était sa colère. Parce que je venais de tuer Julien, parce que j’avais laissé ma maladie prendre le dessus sur qui j’étais vraiment.
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