Chapitre 16
Cette nuit, j’avais mal dormi. Lizéa n’avait pas cessé de remuer dans tous le sens et de me donner des coups de pied. Je pris une rapide douche avant de la réveiller pour le petit déjeuner. Encore à moitié endormi, je la portais jusqu’à la salle commune. Ma mère m’observa faire en silence. Je posais ma fille sur sa chaise, elle posa ses bras contre la table et sa tête dans ses bras. Je lui préparais son bol de chocolat chaud, ses céréales et un morceau de gâteau au chocolat.
— Liz, bois ça avec tes médicaments, lui tendit un verre de jus d’orange.
— J’ai pas envie, râla-t-elle.
— On le fait ensemble ? Je prends les miens et tu prends les tiens ?
— Bon, d’accord, bouda-t-elle.
Je m’assurais qu’elle les avait correctement prises avant d’aller préparer mes tartines et mon propre chocolat chaud. Je récupérais une fiche avec toutes les activités disponibles à la communauté et inscris ma fille à ceux qui pouvait l’intéresse et qu’elle pouvait faire malgré son dos.
— Maman, on fait quoi aujourd’hui ?
— Toi, puzzle. Moi, je vais travailler.
— Tu travailles tout le temps.
— Oh toi, tu es de mauvaise humeur. Tu veux un câlin ?
Sans hésiter, elle se blottit dans mes bras et son pouce se retrouva dans sa bouche. Je terminais mon petit déjeuner comme ça, puis, après l’avoir habillée, je la confiais à la responsable des puzzles. Je récupérais ensuite ce que j’avais besoin pour travailler et m’installais dans la salle commune. C’était un pur hasard, mais ma mère se retrouva plus ou moins en face de moi. J’allumais mon ordinateur, branchais mes écouteurs et ma musique sur mon téléphone. Pendant une heure, je triais mes mails, avant de commencer à travailler sur ce nouveau dossier d’aide sociale. Je du rapidement couper ma musique pour appeler Juliette.
— Déjà ? rigola-t-elle. Je m’attendais au moins à ce que tu prennes un jour de congé.
— Les Eryenniens n’attendent pas. Dis-moi, j’ai pris avec moi le dossier sur l’aide informatique des établissements scolaires. Tu peux me dire quoi là-dessus ?
— Hormis que le matériel qu’ils ont à disposition est catastrophique ?
— Je ne suis pas idiote, si le Conseil envisage cet aide c’est pour une bonne raison. Ils ont quoi actuellement ?
— En ville, ça peut aller, mais les ordinateurs sont bien trop vieux pour permettre aux étudiantes de travailler correctement.
— Et en campagne ?
— Vois avec les représentants des campagnes, mais il me semble qu’ils n’ont rien du tout.
— J’ai une idée. Tu pourrais me faire une recherche sur les types d’ordinateurs individuels qu’ils pourraient avoir dès le lycée ?
— Ce ne serait pas mieux de financer les établissements scolaires pour qu’ils puissent acheter l’équipement nécessaire ? Les jeunes n’ont pas tous les moyens de s’acheter un ordinateur.
— Tu as raison, c’est mieux. Je vais travailler sur ce budget alors. Merci.
— Il n’y a pas de quoi. D’ailleurs, pas de problème avec le tien, tant que j’y suis ? Je peux le contrôler à distance si tu as besoin alors n’hésite pas.
— Pour l’instant tout va bien. Merci Juliette.
— Avec plaisir.
Après avoir raccroché, je sortis les documents dont j’avais besoin pour établir un budget à allouer à chaque établissement scolaire pour l’achat de matériels informatiques destinés aux lycéens. Vers dix heures, mon téléphone sonna, c’était l’un de mes conseillers. La réunion avait dû se terminer tôt. Et je savais qu’il ne serait pas le dernier à m’appeler.
— Que puis-je pour vous, Monsieur Altof ?
— Comme vous n’étiez pas là à la réunion, ce matin, je vous fais part de mon idée. Le Reinaume de Carrandis récupère beaucoup trop de nos ressources maritimes. Je propose de diminuer les marchandises envoyées.
— Avez-vous étudié les ratios de productions consommés par les Eryenniens ? Ce qui n’est pas exporté est jeté.
— Je les ai étudiés, mais…
— Je suppose que mon épouse vous a déjà dit non ?
— En effet. C’est pourquoi…
— Ma réponse est non, Monsieur Altof. La production exportée a été minutieusement négociée avec la Reine Stéphania. Je ne vais pas revenir là-dessus.
— Vous ne comprenez pas, Votre Majesté ! Ce sont nos ressources, vous ne pouvez pas les envoyer ailleurs.
— C’est vous qui ne comprenez pas. Il est hors de question que je modifie quoi que ce soit au traité d’exportation. Le débat est clos.
Je raccrochais sans lui laisser le temps de finir. En face de moi, ma mère m’observait. Je savais ses yeux braqués sur moi, mais faits comme si elle n’était pas là. De toute façon, j’étais bien trop occupée pour me préoccuper d’elle, mais je voulais surtout qu’elle voie la femme que j’étais devenue. Peu de temps après, mon téléphone sonna à nouveau. Cette fois, c’était Bianca.
— Excuse-moi de te déranger. C’est à propos de Liliane.
— Je t’écoute.
— Je la trouve fatiguée en ce moment. Elle fait beaucoup d’erreurs minimes, mais qui ne devrait pas arriver. Elle est là depuis un moment déjà.
— Tu ne peux lui donner des jours de congés ?
— Elle n’en a plus.
— Qu’en pense Emma ?
— C’est elle qui m’a dit de voir avec toi.
— La garce, rigolais-je. Vous avez beaucoup de travail ?
— Pas tant que ça.
— Si vous pouvez vous passer d’elle, accordez-lui deux jours de repos supplémentaires après son week-end.
— Merci Elena.
— D’ailleurs, dis à Emma qu’elle n’oublie pas de se reposer et d’aller voir sa mère. Tu lui envoies Jeanne ou Juliette sinon.
— C’est noté.
Je fis une pause à midi, où ma fille préféra manger avec ces nouveaux amis qu’avec moi. Je reçus plusieurs appels toute l’après-midi, toujours sous le regard scrutateur de ma mère. Cette fois-ci, je soupirais en apercevant le nom de mon fils sur mon téléphone. Travaillant en même temps sur de la comptabilité, je le mis en haut-parleur.
— Je te manque déjà ? Tu es en haut-parleur, d’ailleurs, commençais-je.
— Ah ah très drôle. J’ai besoin d’argent.
— Pour quoi faire ?
— Mais vas-y ! Pourquoi je dois tout te dire ? râla-t-il.
— Parce que tu n’es pas majeur et que je ne suis pas ta banque, Benjamin.
— Bon, d’accord. J’aimerais inviter Elise au restaurant.
— Quoi ? J’ai bien entendu là ? Tu veux inviter ta sœur au restaurant ? Depuis quand ? Pourquoi ?
— T’es relou, maman. J’ai pas envie de tout te dire.
— Ne m’oblige pas à te tirer les verres du nez.
— C’est pas cool. Mon meilleur ami à des vues sur Elise. Je veux les aider à se rapprocher.
— Ta sœur se fait draguer et je ne suis pas au courant ? Plus rien ne va dans cette famille.
— Alo, maman, concentre-toi, s’agaça-t-il.
— Comment il s’appelle ?
—Ethan. Elise va me tuer.
— Non, mon chéri, elle va seulement te frapper.
— Je te déteste !
— Mais moi aussi je t’aime.
— Bon, c’est oui ou non ?
— Ton compte est vide ?
— Non, mais…
— Je te fais un virement dans la journée. Mais tu me ramènes la facture.
— Merci maman. Tu es la meilleure.
— C’est que quand ça t’arrange, ça. S’il se passe quoi que ce soit avec ta sœur, c’est toi que je tiendrais pour responsable.
— Non, mais ça va ? Je ne vais pas leur tenir la chandelle aussi.
— Ben, ne m’oblige pas à reparler de…
— J’ai compris, il ne se passera rien. Je me porte garant de lui.
— Je te fais confiance. Je t’aime, mon grand.
— Salut maman.
Il raccrocha sans mon répondre à mon « je t’aime ». J’avais l’habitude avec lui et c’en était devenu un jeu. Même s’il ne me répondait pas, je savais que ça lui faisait plaisir quand je le lui disais. Je me reconcentrais sur mon travail et aperçu furtivement un sourire sur le visage de ma mère. Au moins, je lui faisais bonne impression.
— MA.MAN !
Lizéa hurla dans toute la salle, attirant tous les regards. Elle arrivait en courant. J’attrapais une boulette de papier et la lui lançais dessus. Elle l’esquiva facilement et explosa de rire.
— Pff, t’es trop nulle.
— Je peux recommencer si ce n’est que ça.
Elle me tira la langue, je me levais et l’attrapais pour la chatouiller.
— Arrête maman ! Arrête, rigola-t-elle.
— Comment c’est passé ta journée, mon bébé ? la questionnais-je en me rasseyant, ma fille sur les genoux.
— Je suis pas un bébé ! bouda-t-elle.
— Pardon mon lapin. Alors, tu as fait quoi ?
— Ils ont plein de puzzles que j’ai jamais faits ! Oh et j’ai vu une piscine. On pourra y aller ? Hein, on pourra y aller ?
— Doucement, chérie. Je vais me renseigner pour la piscine.
— Trop cool.
Ma fille bâilla et voulut se blottir dans mes bras quand mon téléphone sonna. Cette fois-ci, c’était Elise. L’Ianna fut plus rapide que moi et répondit à ma place.
— Elise ! s’exclama-t-elle. Oui, maman est avec moi. Non ! C’est ma maman ! T’es méchante !
Je récupérais mon téléphone alors que Lizéa boudait, les bras croisés sur sa poitrine.
— Je t’écoute ma grande.
— Je voulais juste prendre de tes nouvelles.
— Je vais bien, je t’assure. Ta sœur est occupée toute la journée avec d’autres enfants alors je peux travailler tranquillement.
— Tu prends tes médicaments correctement ?
— Elise, soupirais-je. Je suis adulte, je sais ce que je fais.
— Tu es malade, maman. Je ne peux pas m’empêcher de m’inquiéter pour toi.
— J’apprécie, chérie, mais je vais bien. Concentre-toi plutôt sur tes examens. Ils ont lieu quand ?
— En fin de semaine. Je suis plutôt confiante. Tu as pu parler à grand-mère ?
— Pas encore, je prends mon temps.
— Fais attention. De toute façon, je te rejoins dès que j’ai passé tous les exams.
— Et après ton rendez-vous avec ton prétendant, enchaînais-je.
— Non, mais j’y crois pas ! Ben à tout balancer ? Je vais le tuer.
— Laisse ton frère tranquille, chérie. Tu devrais même le remercier.
— Tu as raison, il nous invite un dans un super restaurant. Je dois te laisser, mon groupe vient d’arriver. Je t’aime.
— Je t’aime aussi, amusez-vous bien.
Je raccrochais et Lizéa en profita pour reprendre toute mon attention. Elle aimait son frère et sa sœur, mais elle aimait surtout quand on s’occupait exclusivement d’elle. Elle aurait fait une fille unique, parfaite.
Annotations