Une odeur de terre humide, mêlée aux relents de cendres et de végétaux écrasés, emplissait les narines de Takuya. Il reprit conscience lentement, comme un nageur émergeant d’une eau noire, glaçante, mais familière. Son esprit, d’abord engourdi, s’ajusta à la lumière grise qui traversait le couvert nuageux.

Il était allongé, sur le côté, sa tunique collée à son dos par la sueur séchée. L’air avait changé. Il n’était plus saturé par la douleur ni brouillé par le poison. Sa respiration était stable, sa peau moins brûlante. Il cligna plusieurs fois des yeux, ses pupilles se contractant doucement face à la lumière naturelle.

À côté de lui, recroquevillé dans une position protectrice, Rek dormait. Le gobelin avait posé sa main sur le bras de Takuya, comme s’il s’était écroulé en pleine garde. Sa peau verdâtre était maculée de taches sombres, sans doute de la poussière ou des résidus d’écailles. Ses paupières tressautaient à peine, signe qu’il rêvait encore. Un instant suspendu, presque paisible.

Takuya inspira profondément.

> « CAINE, suis-je stable ? »

> [Analyse en cours...] Statut : éveil complet confirmé. Empoisonnement résorbé. Température corporelle normale. Capacité motrice restaurée à 94%.
Anomalie persistante : traces de micro-adaptation musculaire. Résultat : augmentation de la force physique.

Il redressa lentement le haut de son corps, sentant les muscles de son dos se tendre et se délier comme un ressort lentement comprimé. La douleur était là, discrète, mais tolérable. Un poids avait été retiré de sa poitrine.

Il regarda ses mains. Elles n’étaient plus tremblantes. Sa peau semblait plus ferme. Il avait l’impression d’être plus ancré, comme si son propre corps répondait enfin à sa volonté sans résistance.

> « Donne-moi mes stats. »

> Nom : Takuya Arai
Race : Humain (Dégradé)
Niveau : 5
Classe : Apprenti Analyseur
Compétence unique : Analyse Absolue – Niveau 1 [Progression 20%]
Points de vie : 36/36
Points de mana : 47/47
Endurance : 32/35
Statut : stabilisé, traces résiduelles d’activité toxique neutralisées

> Force : 9
Agilité : 9
Intelligence : 24
Perception : 19
Chance : 13
Affinité magique : Analyse / Altération

> Compétences :
– Analyse Absolue – Niveau 1
– Maîtrise de la lance – Niveau 2
– Roulade – Niveau 1 (Débutant)
– Sang-froid – Niveau 1 (Débutant)
– Résistance au poison – Niveau 1 (Débutant)
– Lien de mana (passif) – Niveau 1 (Débutant)

Takuya hocha lentement la tête. Ce qu’il avait enduré avait laissé des marques — mais aussi des progrès. Le poison, la douleur, la simulation mentale dans son inconscience... tout cela s’était cristallisé dans une montée de puissance lente, douloureuse, mais réelle.

Il porta la main à sa poitrine, là où il avait senti l’intoxication se propager. Cette sensation était devenue une frontière intérieure. Une balise. Il savait maintenant où ses limites se trouvaient… et comment les repousser.

Rek remua doucement à ses côtés. Takuya posa une main sur son épaule.

— « Réveille-toi doucement. Pas besoin de m’expliquer. »

Rek cligna des yeux et redressa la tête avec peine. Un grognement s’échappa de sa gorge alors qu’il se frottait les paupières. Il ouvrit la bouche, visiblement prêt à déballer des explications — mais Takuya le coupa d’un regard calme et d’un hochement de tête.

— « Tu as fait ce qu’il fallait. Je suis en vie. Merci. »

Le gobelin parut surpris, puis referma la bouche, hochant la tête à son tour.

Takuya se releva entièrement. Il pivota les épaules, tendit les bras, fit craquer ses genoux. La fatigue était toujours là, tapie comme une bête au fond de ses muscles, mais il la maîtrisait. Et surtout, il était prêt à bouger.

> « CAINE. Pendant que j’étais inconscient… mes simulations ont permis d’adapter certains mouvements. Penses-tu qu’un entraînement réel puisse les synchroniser ? »

> Oui. Recommandation : entraînement modéré de reproduction de gestes mentaux. Combinaison d'exercices physiques et de visualisation.

> But : transférer les gestes appris en simulation vers des réactions musculaires réflexes.

> Méthode proposée : visualisation active – exécution lente – correction par feedback.

— « Très bien. Il est temps d’aligner l’esprit et le corps. »

Il se tourna vers Rek, qui s’était relevé à son tour, l’air toujours un peu fatigué. Le jeune gobelin le fixait avec une curiosité intense. Il n’avait pas tout compris, sans doute, mais il sentait que quelque chose avait changé chez son compagnon.

Et c’était vrai.

Takuya n’était plus le même. Il n’était plus un scientifique perdu dans un monde sauvage. Il n’était plus un homme qui subissait. Il devenait un homme qui choisissait. Qui préparait. Qui anticipait.

Le chasseur prenait forme.

Il regarda l’horizon. Une fine pulsation de lumière, régulière, presque imperceptible, persistait au loin. Plus forte que la veille. La tour n’était plus un mirage, ni un objectif abstrait. Elle était là. Présente. Elle l’appelait.

Et cette fois, il serait prêt à lui répondre.

---

Le soleil, à peine visible à travers les brumes grisâtres, projetait une lumière filtrée sur les étendues rocheuses qui entouraient leur position. La pulsation de la tour semblait émettre un écho silencieux, comme un battement distant mais régulier. Takuya marchait devant, concentré. Ses pas étaient précis, mesurés, comme s’il répétait mentalement un schéma de déplacement.

Derrière lui, Rek avançait avec un enthousiasme mal dissimulé, une lueur nouvelle dans le regard. Il semblait ne plus vouloir simplement marcher — il testait. Son bras se levait par intermittence, lançant un petit galet ou une brindille dans un tronc, une fissure, un creux. Chacun de ses lancers était calculé, ajusté, comparé.

Takuya finit par s’arrêter. Il se retourna lentement.

— « Tu testes ta nouvelle compétence ? »

Rek redressa fièrement la tête et hocha énergiquement.

> « Oui ! Précis ! Plus qu’avant ! Ça… glisse mieux dans le bras. »

Takuya esquissa un sourire. Ce genre d’expression trahissait la perception physique que Rek avait de sa propre évolution. Comme si ses muscles comprenaient mieux ce qu’il voulait faire.

> « CAINE. Évaluation de la trajectoire du dernier lancer de Rek. »

> Analyse en cours...
Lancer de pierre – distance : 9,3 mètres. Précision : 87%. Courbe contrôlée. Tension du bras gauche : 6% supérieure à l’idéal.

— « Pas mal, mais tu peux optimiser ta détente, » dit Takuya en s’approchant. Il plaça ses doigts sur le coude de Rek, corrigeant légèrement l’angle. « Essaie en inclinant un peu plus le bras vers l’intérieur. Moins de tension inutile. »

Rek acquiesça, se concentra, et lança une autre pierre. Elle fila dans l’air, légèrement vrillée, et frappa un buisson à plusieurs mètres avec un petit poc net.

> Précision : 93%. Trajectoire stabilisée.

— « Bien. Continue. Tu vas bientôt pouvoir frapper une cible en mouvement. »

Rek bondit de joie, saisissant une autre pierre, cherchant instinctivement une cible nouvelle. Il ne se contentait plus d’exister dans le monde. Il y interagissait avec une conscience plus aiguisée. Le lien avec Takuya, renforcé par l’entraînement, la survie, le combat et la confiance, était plus fluide.

Takuya, de son côté, observait plus que les lancers. Il analysait aussi les mouvements, la respiration, la concentration. C’était un moyen de tester leurs rythmes respectifs. Il avait l’intuition que dans les défis à venir, la synchronisation entre lui et Rek serait aussi importante que leurs compétences individuelles.

Il décrocha sa propre lance. Elle était toujours grossière, faite à partir du fragment métallique récupéré lors de son premier combat et d’un manche en bois renforcé par des fibres tressées. Mais entre ses mains, elle devenait une extension de sa volonté.

Il se plaça en position d’entraînement.

> « CAINE, mode correction actif. Je vais reproduire l’enchaînement simulation sept. »

> Chargement... prêt. Commence quand tu veux.

Il ferma les yeux, visualisant les mouvements : pas circulaire, attaque d’estoc, déviation, contre-attaque basse, recul. Il inspira, et exécuta.

Le sol crissa sous ses appuis, la lance fendit l’air, et son corps tourna avec fluidité. Pas parfaite — mais proche. Très proche.

> Note globale : 81%. Amélioration par rapport à la dernière exécution : +17%. Axe de rotation du bassin légèrement instable.

Takuya recommença. Trois fois. Cinq fois. À chaque boucle, CAINE annotait. Corrigeait. Comparait. Et à chaque passage, son corps s’alignait un peu plus sur les mouvements idéaux qu’il avait maîtrisés dans son esprit.

Rek, entre deux lancers, s’arrêta pour l’observer.

> « Tu danses ? »

Takuya se figea, surpris, puis éclata d’un petit rire bref.

— « Non, je m’entraîne. Mais peut-être que pour toi, la guerre ressemble à une danse. » Il s’essuya le front. « Et si on dansait ensemble ? »

Rek fronça les sourcils, puis sourit, comprenant l’invitation. Il ramassa deux pierres de tailles différentes, se positionna à quelques pas de Takuya.

— « Toi frappe, moi vise. »

— « On va travailler le rythme. Suis mes mouvements et lance quand tu sens l’ouverture. »

Ils commencèrent à se déplacer ensemble, Takuya simulant des mouvements de combat, esquives et coups, pendant que Rek l’accompagnait à distance, lançant ses projectiles dans des cibles imaginaires désignées par les gestes de Takuya.

C’était maladroit, au début. Puis ça devint presque fluide.

Takuya frappait, Rek lançait. Takuya esquivait, Rek anticipait. CAINE enregistrait chaque interaction, analysait les latences, les synergies, les angles morts.

> Synchronisation du groupe : 64% – en amélioration. Suggestion : entraînement continu sur 3 jours pour adaptation instinctive.

La sueur coulait sur leurs tempes, mais aucun des deux ne ralentissait. Le monde autour d’eux n’était plus qu’un champ de mouvements, de trajectoires, de zones d’impact.

Quand enfin ils s’arrêtèrent, à bout de souffle, le ciel s’était légèrement éclairci.

Takuya posa un genou au sol, haletant. Rek s’effondra dans l’herbe sèche, bras écartés, un sourire ravi aux lèvres.

> « Tu frappes vite. Moi lancer mieux. »

Takuya sourit à son tour.

— « Et ça, ce n’est que le début. »

---

La pente s’inclinait doucement, couverte de racines noueuses, de pierres humides et de brumes rampantes. Takuya avançait en silence, ses pas absorbés par la mousse. À ses côtés, Rek marchait, plus lentement qu’à l’accoutumée, comme si l’air s’était épaissi à mesure qu’ils s’approchaient de leur destination.

Puis, sans avertissement, le paysage s’ouvrit.

Devant eux, au-delà d’une ligne de roches brisées et d’arbustes calcinés, elle se dressait.

La Tour.

Immobile. Majestueuse. Imposante.

Elle ne ressemblait pas à une construction ordinaire. Ce n’était pas un monument d’architecture, ni un vestige de civilisation. C’était un colosse de pierre vivante, tissé dans des motifs géométriques étranges, presque organiques. Aucune fenêtre. Aucune ouverture visible. Juste des couches successives de matière sombre, semblant absorber la lumière.

Son sommet était invisible, noyé dans une brume compacte et surnaturelle. À la base, un large cercle de terre morte s’étendait sur plusieurs dizaines de mètres, comme si la tour avait vidé l’énergie vitale de son environnement immédiat.

Takuya s’immobilisa. Rek fit de même, sa bouche entrouverte.

— « Elle est… énorme, » souffla Takuya.

> « C’est… vivant ? » demanda Rek à mi-voix.

Takuya secoua lentement la tête.

— « Non. Mais ça a été… conçu. » Il plissa les yeux. « Ce n’est pas naturel. Et pourtant… ce n’est pas mécanique non plus. »

> « CAINE. Analyse de la structure. »

> Analyse partielle : structure non biologique. Aucune signature vitale détectée. Matière inconnue. Formes fractales répétées. Résidus énergétiques multiples. Densité magique fluctuante.

> Conclusion : entité inerte – mais active.

Takuya fronça les sourcils. Une contradiction. Pas vivante, mais pas morte. Pas mécanique, mais pas magique. Un paradoxe architectural.

Il fit quelques pas vers elle, contournant des fragments de pierre noire disposés comme les restes d’un rempart pulvérisé. À mesure qu’il avançait, il sentait une pression croissante dans sa poitrine. Comme si l’air lui-même devenait plus lourd, plus dense.

Rek haletait doucement derrière lui.

> « Je… sens quelque chose. Dans les os. »

— « Oui. Moi aussi. C’est subtil… mais présent. »

Ils atteignirent un large cercle tracé au sol, comme un seuil gravé dans la pierre. Aucun portail, aucune serrure. Juste une surface parfaitement lisse, comme polie par des siècles d’attente.

Et là, devant l’entrée supposée, une stèle.

Haute d’un mètre cinquante, large et angulaire, elle portait une inscription gravée en profondeur, faite d’un alphabet inconnu. Des caractères torsadés, presque mouvants, comme s’ils hésitaient entre deux formes.

Takuya s’en approcha. La stèle vibrait doucement, à peine perceptible.

> « CAINE. Traduction ? »

> Langue inconnue. Tentative d’analyse... Enregistrement des motifs. Base de comparaison : en cours de constitution.
Estimation : traduction partielle disponible dans deux heures. Traduction complète indéterminée.

Takuya leva une main, effleurant la surface de la stèle.

Elle était froide. Mais pas comme de la pierre. Plutôt comme un métal vivant, respirant sous sa carapace.

Rek resta en retrait, son regard fixé sur le sommet invisible de la tour.

> « Tu crois… que c’est là qu’ils vivent ? Ceux qui contrôlent ça ? »

Takuya garda le silence. Il ne savait pas. Mais une chose était certaine : ce lieu n’était pas un simple édifice. C’était un carrefour. Un test. Peut-être même une sentence.

Il s’éloigna de la stèle et s’assit au bord du cercle, posant sa lance contre sa cuisse.

— « Nous allons attendre. J’ai besoin de ces mots. »

Rek s’installa à côté de lui, son regard toujours tourné vers le haut.

Le vent soufflait doucement, charriant une odeur métallique.

Et la tour, elle, restait silencieuse.

Mais Takuya sentait son appel.

Et il savait que l’épreuve ne faisait que commencer.

---

Le vent avait tourné.

Takuya était toujours assis, immobile, face à la stèle. Ses yeux, calmes mais alertes, détaillaient les gravures, encore et encore. Les symboles semblaient changer à chaque regard, comme s’ils reflétaient les pensées de ceux qui les observaient. C’était probablement une illusion... mais dans ce monde, l’illusion elle-même avait parfois un pouvoir tangible.

Rek, plus loin, triturait nerveusement un caillou entre ses doigts. L’attente lui pesait. Il n’aimait pas l’immobilité. Elle lui rappelait l’avant. L’obscurité. Les jours de peur et de fuite. Mais il respectait le silence de Takuya. Il savait que son ami lisait le monde d’une autre manière.

> « CAINE. Mise à jour du décryptage ? »

> Avancement : 41%.
Données linguistiques croisées avec les fragments collectés dans les zones précédentes.
Structure syntaxique identifiée. Phonétique en cours de reconstruction.

Takuya hocha lentement la tête. Chaque pourcentage représentait une ouverture. Un pas vers la compréhension.

Il se pencha légèrement, approchant de la stèle, examinant une série de symboles répétés trois fois sur la partie inférieure.

— « Ceux-là… ce sont des mots-clés. Des balises. »

> Hypothèse confirmée. Analyse contextuelle : ces symboles semblent liés aux notions suivantes : passage – sacrifice – épreuve.

— « Évidemment... »

Il soupira. Rien dans ce monde ne se donnait sans coût. Même l’accès à la tour nécessitait un prix. Et il ignorait encore sa nature.

Le temps s’étira.

Rek s’était assis contre une roche plate, le regard perdu dans les spirales lointaines qui entouraient la base de la tour. Ses yeux fixaient l’horizon, mais ses pensées étaient ailleurs. Peut-être se demandait-il ce qu’ils trouveraient à l’intérieur. Ou s’ils y survivraient.

> « Tu comprends ce que cette pierre dit ? » demanda-t-il finalement.

Takuya tourna la tête vers lui, puis reporta son attention sur la stèle.

— « Pas encore. Mais ça vient. CAINE progresse. »

> Mise à jour : 78% de déchiffrement atteint. Traduction partielle disponible.
Souhaites-tu l'afficher ?

— « Oui. Envoie. »

Une interface translucide apparut devant ses yeux. Les lignes de texte traduites se superposaient aux symboles d’origine. Takuya les lut à voix basse, presque en murmurant.

> “Celui qui désire franchir le seuil doit accepter d’être jugé.”
“Celui qui entre ne ressortira jamais inchangé.”
“Ceux qui fuient seront oubliés. Ceux qui affrontent seront façonnés.”

Il resta silencieux un moment.

Puis lut une dernière ligne :

> “La Tour ne donne rien. Elle réclame tout. Et parfois, elle offre.”

Il recula d’un pas.

Rek s’approcha lentement.

> « C’est mauvais ? » demanda-t-il, inquiet.

Takuya sourit faiblement.

— « Non. C’est honnête. »

Il montra la stèle.

— « La tour pose ses règles. Elle ne promet rien. Elle teste. Elle observe. Et si tu survis… elle te change. »

Rek hocha lentement la tête. Il ne comprenait peut-être pas tout. Mais il en saisissait l’essence.

> « Moi… je veux changer. Si c’est ce qu’il faut. »

Takuya posa une main sur l’épaule du gobelin.

— « Moi aussi. »

Le vent s’intensifia légèrement, soulevant quelques particules de poussière.

Et dans ce moment suspendu, devant cette stèle millénaire, les deux êtres — un humain d’un autre monde et un gobelin rejeté — firent un pas de plus vers leur transformation.

Un pas vers l’inconnu.

Vers l’épreuve.

Vers la Tour.

---

Le silence s’était épaissi. La stèle ne vibrait plus. Ses gravures semblaient désormais figées, comme si le message avait été transmis et qu’il n’avait plus rien à offrir.

Takuya était retourné s’asseoir, jambes croisées, face à la tour.

Rek était en arrière-plan, occupé à aiguiser ses petites lames improvisées sur un rocher plat. Il jetait parfois des coups d’œil à son compagnon, mais ne disait rien. Il avait appris que dans ces moments, Takuya pensait. Et quand Takuya pensait, il valait mieux ne pas interrompre.

Dans sa tête, Takuya faisait défiler une chronologie.

Son arrivée.
Le froid.
La première créature.
Le poison.
La rencontre avec Rek.
La fuite.
La capture.
Les mois passés au village gobelin.
Les combats.
Les leçons.
Les pertes.
Zark.
Et maintenant… la tour.

Tout semblait si lointain, et pourtant si proche. Comme si chaque souvenir s’était gravé en lui au fer rouge.

> « CAINE. Depuis combien de temps suis-je ici ? »

> Temps estimé depuis le transfert dimensionnel : 151 jours.

Takuya hocha lentement la tête.

— « Cinq mois... »

Cinq mois. Cinq mois de lutte, de doutes, d’apprentissage. Cinq mois à reconstruire un esprit brisé dans un corps faible. Cinq mois pour devenir autre chose.

Il observa sa main. Elle n’était plus celle du scientifique surmené. Elle était calleuse, ferme, et marquée par l’usage d’outils, d’armes improvisées, de plantes inconnues. Une main façonnée par la survie.

Mais il savait que sa transformation allait au-delà du physique.

> « Je suis mort une fois. Et j’ai recommencé. »

Il ferma les yeux, repensant aux simulations mentales. Aux mouvements intégrés dans son subconscient. Aux combats reproduits dans un monde intérieur bâti par CAINE. Tout cela l’avait préparé — mais c’était ici, maintenant, que la vraie transition devait s’opérer.

> « CAINE. Protocole de synchronisation mentale-réflexe, tu peux l’ajuster à mon niveau actuel ? »

> Affirmatif. Niveau de synchronisation actuel : 62%. Objectif réalisable : 85% avant activation de la Tour.
Cycle d’entraînement recommandé : 6 jours intensifs.
Dérivation optionnelle : incorporation de Rek comme partenaire actif.

— « Intéressant. Je suppose qu’on va s’y mettre dès demain. »

Il se releva lentement, épousseta sa tunique et s’étira. Ses articulations craquèrent. Son corps ne criait plus. Il écoutait.

Il rejoignit Rek, toujours assis près de son rocher.

— « Tu sais... on a changé. »

Rek leva les yeux.

— « Oui. Plus rapide. Plus fort. »

Takuya sourit.

— « Pas juste ça. On pense différemment. On ressent les choses autrement. »

Rek haussa les épaules, puis dé