Le guide de voyage parfait

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Edmonde Duranseau, célèbre voyageuse, attendait patiemment que son éditeur termine la lecture du guide très attendu autant par les libraires que par les routards, tous craignant, sans l'avouer, que la brave dame passe l’arme à gauche avant d’achever l’ouvrage. Joss, surpris quand elle posa les trois feuillets manuscrits devant lui, le fut encore plus en parcourant le texte.

"Sachez que vous serez confronté systématiquement au problème de la valise trop lourde.
Au départ, l’opération consistant à permuter les éléments est aisée, ayant tout sous la main. L’option "s'il manque une chose, je l'achèterai sur place" parait sympathique, mais s'avérera démoniaque. Au retour, c’est vingt-cinq fois la défaire et la refaire pour trouver l’indispensable qui sera éliminé.
Un des bibelots souvenirs achetés pour chaque membre de la famille et chaque ami (moment angoissant du "qui ai-je oublié" ) ?
Le pull parfait dont vous avez enfin fait l’acquisition après une recherche infructueuse de trois ans ?
La paire de chaussures qui va tellement bien pour les randonnées, avec laquelle vous avez déjà vécu tant d'aventures que ce serait un crime de l’abandonner (même élimée ça et là à cause des "cinq kilomètres à pied ça use, ça use…") ?
Le journal de voyage que vous avez constellé méticuleusement, durant des jours, d'anecdotes remarquables, de croquis pris sur le vif, d'emplacements de photos que vous ajouterez quand vous aurez obtenu les tirages papier, du ticket d’entrée au musée des traditions locales, du dernier billet du pays non dépensé ?
Les cartes postales que vous avez écrites avec amour et que vous songez à poster de chez vous puisque, certainement, vous reverrez tout le monde avant leur arrivée et qu’au final vous distribuerez directement (pas malin d'acheter les timbres à l'étranger, inutile de payer une nouvelle taxe pour le voisin qui a arrosé les plantes en votre absence) ?
Bref, une valise trop lourde c’est une veste pleine de poches achetée à la va-vite (avec le billet délicatement décollé dont il ne restera que le minuscule coin gauche dans votre carnet, à l'inverse le marchand aura droit à une miette de votre feuille). Veste remplie à la va-vite (équilibrez la charge sous peine de concurrencer la tour de Pise), obésité instantanée recouverte par le pull parfait qui ne le sera plus, suite à l’étirement subi pour couvrir l'ensemble (visuellement, vous avez le choix entre le Bibendum Michelin et le bonhomme chamallow de Ghostbuster).
Conclusion, partir et revenir sont deux épopées qui rivaliseront avec votre séjour (cf votre journal de voyage)."

Joss lève un regard ahuri et lâche un « C’est tout ? »
Edmonde répond, imperturbable, « Un ouvrage plus volumineux appartiendrait à la catégorie "indispensable à éliminer", or je tiens à continuer à voyager quand mes jambes ne me porteront plus ».

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