Chapitre 14
8 décembre 2016, dix mois se sont écoulés depuis son arrivée à la cité.
Ce jour-là est la fête des Dionysies rurales (du 8 au 14) et le mois de Poséidon, un jour important pour les Sirénéens comme toutes les fêtes grecques.
Cette fête consiste à ce que les garçons se lancent des défis physiques pour montrer leur valeur avec des concours d'adresse, de force et de boisson ; tout ceci se passe dans les bois afin qu'il n'y ait pas de blesser parmi le peuple et d'éviter de voir les ivrognes titubants, chantants ou lançant des plaisanteries épicées ou mêmes obscénités aux personnes croisant leur route.
Tous les jeunes des villages y participaient, un grand terrain prévu à cet effet avait été construit et autour de ce terrain libre, ils installaient leurs tentes le temps des festivités. Iriséa âgée à présent de seize ans, elle avait appris par une servante ce qu'ils faisaient pendant cette fête. Le frère de la servante y participait ainsi que celui de lord Éphinès, lord Ménésthios. Le jeune fils de Serena, Ménélas et trois autres, Pénéléos, Arcésilas et Clonios participèrent aux concours d'adresse ; Ménélas le gagna en étant plus malin qu'eux. Lord Ram, Ménésthios et d'autres participants nommés Léitos, Prothoénor, Ascalaphe et Ialmène étaient aux concours de force ; lord Ram, arriva premier et Ménésthios second. Son frère lui avait beaucoup appris. Quant aux concours de boisson lord Hélénos et lord Diorès étaient obligés d'être présents, pour eux le vin était comme le lait pour un nourrisson ; Schédios, Épistrophos et Amphimaque essayèrent de les battre, mais ils ne tinrent pas l'alcool comme eux habitué qu'ils étaient aux tavernes.
Puis, les jours et les mois s'écoulaient et Iriséa n'espérait plus pouvoir rentrer. Malgré ça, elle était contente d'avoir des amis comme Serena pour lui raconter ses maux, la femme qui l'avait engendrée ne lui avait laissé que tourments et sanglots pour l'avoir abandonnée. Lord Éphinès, lord Diorès, lord Hélénos ainsi qu'Aphrosios et Hypérion les jumeaux ses soi-disant gardiens lui insufflaient une joie dans le fond de son cœur.
2018, le début d'une nouvelle année et ses dix-sept printemps passés, la vie d'Iriséa au sein du monde de sa mère continue.
Le mois de février était d'un triste moment pour les Sirénéens avec le ciel orageux et les nuages gris formant des objets ou des personnes ou même des monstres.
Lord Éphinès et les professeurs des activités physiques s'étaient mis d'accord pour qu'Iriséa fasse ses exercices à la suite de ses études. Mais pour que cela arrive, lord Éphinès devait demander l'autorisation au Roi ; celui-ci avait sa vie entre ses mains en essayant de faire des consensus avec le monarque la concernant étant donné qu'il ne la voulait pas à la cité quand elle est arrivée. Le Roi accepta tout en lui faisant comprendre que tout problème venant de la gamine serait inacceptable. L'enseignant Lynpercus lui donna des cours de gymnastique dans le stade avec d'autres filles des villages ; Dianosos lui donna des cours de danse particuliers dont il y a plus de deux cents orchestiques différentes ; le précepteur Héllé lui apprit à chanter les hymnes des sirènes et d'autres mélodies comme cet épigramme de Platon d'Athènes transformé en chant :
Je te frappe de cette pomme que je te lance.
Et toi, jeune fille, si tu m'aimes vraiment, ramasse-la
Et donne-moi ta virginité.
Mais si au contraire tu penses ce que je souhaite
que tu ne penses pas, prends cette même pomme,
Et regarde bien comme ta jeunesse va durer peu de temps.
Ou encore :
Plus doux que l'Amour, il n'est rien !
Les autres bonheurs ne viennent qu'en second : de ma bouche
J'ai même recraché le miel.
Voilà ce que dit Nossis. Celle que Cypris n'a pas embrassée,
celle-là ne sait pas reconnaître les roses parmi les fleurs.
De Nossis de Locres.
Ou bien aussi :
Amour encore me regardant de ses yeux bleus,
Paupières à demi closes, je me sens fondre
Et de ses sortilèges aux formes multiples il me jette
Dans les filets sans fonds de la déesse de Chypre.
Que je crains son retour, comme un cheval pur-sang
attelé sous le joug alors qu'il vieillit
S'en va de mauvais gré avec son char léger disputé une course.
Elle avait défait ses vêtements multicolores
ses voiles et ses agrafes.
Les myrtes, les violettes, l'immortelle, les fleurs de pommiers,
les roses et le doux laurier.
C'est en offensant les dieux, je le crains
Que j'obtiens les récompenses des hommes !
D'Ibycos de Rhégion.
Puis Iriséa commença à apprendre à jouer du phorminx, de la cithare, du crotale, de la flûte de pan et de l'aulos avec le cithariste, mais exercer de la harpe était comme si elle se retrouvait dans l'empyrée en oubliant tout et la personne qui était à ses côtés.
Lord Éphinès offrit à Iriséa des jouets pour les moments où elle s'ennuyait, il lui donna une toupie, des poupées en terre cuite et des osselets qui étaient des jointures des chevilles de moutons.
Une fois partie, elle se dit « Mais il croit que j'ai quel âge, bordel ! J'ai passé l'âge de ses conneries ! » En revanche, elle se mit à s'intéresser aux jeux de réflexion dont parmi eux, le jeu de la cité ''Polis'' (l'ancêtre de l'échiquier, les pions noirs et blancs possède une tête de chien) et aux pseudo puzzles comme l'ostomachion.
Au début du printemps de l'année suivante, les arbres étaient joyeux avec leurs fruits et leurs feuilles de plusieurs verts, les fleurs rendaient les terres plus paradisiaques et les citoyens commençaient à cultiver leurs lopins de bien naturel. Des escadrilles d'oiseaux survolaient la zone habitable et espionnaient les résidants du bois.
Le jeudi était le jour ou il y avait plus de débitants au marché sur l'agora. Alors, Serena décida d'y emmener Iriséa pour lui prendre des tissus et autres objets utiles.
Arrivée au début de la halle en sortant du palais des hommes discutait affaires et politiques sous des colonnes couvertes de prélarts de jute contre le soleil.
Les jumeaux les accompagnaient pour leur protection ainsi que deux domestiques pour porter les emplettes. Ils passèrent d'abord vers les marchands de nourriture et des épices ou ils vendaient du blé, de l'huile d'olive, du miel, etc. et les vendeurs de tonneaux de vin puis des gens prenaient du bois pour réchauffer leur maison ; du moins ceux qui ne se sentaient pas la force de couper le bois lui-même.
Ils continuèrent leur chemin en passant devant le coin des barbiers qui rasaient la barbe et coupaient les cheveux d'hommes qui avaient besoin depuis longtemps un rafraîchissement. Sur leur passage des citoyens marchandaient le prix des tapis et d'autres donnaient le peu de pièces qu'ils avaient pour achetés des statues des dieux pour leurs autels privés afin de prié les immortels et espérer une aide de leur part à leur problème de tous les jours. Ils avaient contourner un atelier de poterie pour s'arrêter sur les étalages de tissu, les assistants du marchand portaient sur leurs épaules des ballots de tissu, Serena choisi de prendre de beau lin de plusieurs couleurs, du coton et des velours pour l'hiver qui est en général léger, mais pas de grandes qualités, le Roi ne voulait pas qu'elle bénéficie des plus jolis tissus réservés à la famille royale, bien qu'elle en faisait partie largement plus que lui. Les dames et les gardiens reprirent leur route en passant par les cordonniers confectionnant des sandales sur mesure qui lui valut de prendre deux paires, passèrent ensuite à l'endroit préféré de Serena, le bijoutier.
Iriséa n'avait pas droit à l'or et les plus pauvres n'avaient droit qu'au bronze, ordre du monarque : « Une jeune fille se doit de mettre en valeur son cou, ses oreilles, ses bras et son corps, mais pour Iriséa, le choix en simple et peu coûteux lui suffit amplement. »
La jeune enfant choisit elle-même ses affûtiaux et les paya avec l'argent qu'elle avait eu de la part d'Éphinès puis enfin firent demi-tour et passèrent par un chemin plus court, mais moins agréable pour les narines.
Les poissonniers conservaient les poiscailles au frais sur des plaques de marbre, pendant que l'un emballait les paquets et encaissait, l'autre coupait les têtes et enlevait les entrailles pour certains clients.
En rentrant, Iriséa alla tout droit dans les appartements de lord Éphinès pour lui montrer les bijoux acquis.
Celui-ci en profita pour lui donner une boite en bois dont une rose avait été sculptée sur le devant. Il avait fabriqué lui-même ce coffret.
Il arrivait parfois que des artistes vinssent au palais pour installer au sol ou sur les murs des mosaïques réalisées avec des morceaux de pierre colorée ou d'argile vernie et d'autre faisaient des fresques avec des couleurs à l'eau sur de l'enduit humide, les dieux étaient géant, les hérauts de la taille moyenne et le peuple d'une taille différente. Des dessins géométriques étaient peints sur les hauteurs des murs du palais, et des vendeurs venaient avec des figurines en terre cuite, de grandes et moyennes statues ou des cruches et pichets aux couloirs noir et rouge. Beaucoup de murales étaient également sur les périboles et les murs intérieurs des temples, des demeures, etc.
Courant de cette même année, de ses dix-huit ans, Iriséa commença à apprendre à utiliser le métier à tisser. Elle faisait des dessins sur les histoires des dieux ou des héros ainsi que les fêtes de mille couleurs ; elle apprit également la fabrication d'une robe et d'un péplos par deux jeunes filles du village Delphi et elle se créa sa propre garde-robe.
Chaque village porte un nom choisi par le fondateur de cette cité : le Roi Égisthe. Ceux-ci furent fondés au fur et à mesure que les années passaient et que le peuple s'agrandissait. Puis un de ses descendants le Roi Timérion trouva une nouvelle île où vivaient des sauvages qu'ils chassèrent ou exécutèrent et fondèrent un temple monastère pour les anciens prêtres où ils résidèrent et léguèrent leur héritage aux jeunes ministres des Cultes. À l'intérieur de ce sanctuaire se trouvait également l'académie de Platon où étaient éduqués les garçons de sept à vingt ans. Le combat faisait partie de leur apprentissage.
Les Sirénéens fondèrent aussi un camp d'entraînement pour les gardes royaux, les militaires hoplites, les archers et les cavaliers dont Oreste était à présent le superviseur des initiations. Puis par la suite ils construisirent le colossal village Olympia sur l'île où les plus riches décidèrent de s'y installer. Ils se nommèrent les Posidoniens.
Pendant une conversation sur les membres du gouvernement, Iriséa apprit que lord Turnbull était en fait un humain. D'où son nom. Il était un ancien capitaine de l'armée de l'air anglaise (Royal Air Force) du 425e escadron furtif de nuit (425 th Night Fighter Squadron), son avion un P-61A-5 le Black Widow « la veuve noire », avait été troué de balles pendant la Seconde Guerre mondiale en 1944. Il faisait partie des équipages des incursions nocturnes au dessus du territoire allemand et s'écrasa dans l'océan ; blessé, il fut soigné par sa future épouse, décédée plus tard au cours de l'accouchement ainsi que l'enfant attendu. Ils avaient fait un mariage d'épigamie – une personne étrangère épousant une autre de la cité. Ils utilisèrent ses connaissances et le mirent au sein du conseil en tant que membre à part entière. Ils sont tous élus par le roi à vie.
Dans l'année des dix-neuf ans de la jeune fille comme chaque an, les guérisseurs font le tour des villages d'eux-mêmes pour une vérification des maladies contractées par le peuple. De cette façon, ils peuvent savoir si le nombre des Sirénéens à moitié humain a augmenté et si de nouvelles maladies sont apparues ; seuls ces citoyens pouvaient tomber malades. Les véritables Sirénéens quant à eux étaient intouchables. Les mélusines de pur-sang étaient immunisées comme les baleines.
Les médecins s'occupaient d'abord des personnes vivant dans le palais puis les deux armées et en dernier les villageois. Les prêtres et prêtresses étaient considérés comme des prioritaires étant donné leur ministère qui était les messagers entre la race de Poséidon et les immortels.
Les guérisseurs pratiquaient des saignées au bras des patients pour voir les maladies du liquide écarlate. Il y avait des épidémies et certaines personnes avaient le ventre gonflé parce qu'ils ne mangeaient presque rien. Ils prescrivaient des remèdes aux herbes telles que l'Eufraise mélangé dans l'eau chaude pour faire des collyres ; l'Hysope était pour la toux, la bronchite et d'autres infections pulmonaires. La Molaire était également pour la tousserie. La Cardiaire était prescrite pour les douleurs cardiaques et celles de l'accouchement. Quant à la Laiteron était utilisé pour les brûlures d'estomac et les morsures de scorpion.
Malheureusement le guérisseur Hippocrate, médecin en titre du palais n'arrivait pas à comprendre les crises nerveuses et hystériques et parfois violentes de lord Hélénos et ne savait quoi lui donner pour les calmer. Cependant, il réfléchissait au fait qu'il se pouvait que cela provienne dans sa tête à cause de son enfance, de la venue d'Iriséa et de la vérité sur ses parents qu'il sut par la gamine.
Âgée de vingt ans, la jeune fille apprend à faire les plats et gâteaux grecs à sa propre demande. Par un jour morose, Iriséa vola un pichet de vin et le bu en le vidant dans une salle vide, soûle, elle lança tout son venin envers le souverain voyant un mirage de son image ; un soldat passant par là, le signala à celui-ci qui furieux la fit jeter dans l'un des deux puits à demi secs du jardin du palais pour la dessoûler et la punir ; elle y passa la nuit entière.
Le Roi s'enivrait lui-même de temps à autre et était souvent de mauvaise humeur ; dans cet état il réveillait Iriséa en pleine nuit et la rouait de coups de colère de ne pas avoir sa mère près de lui comme il l'espérait après que sa défunte épouse n'était plus.
Durant l'automne, par une nuit de pluie diluvienne et un froid humide, le Roi vint l'éveiller une fois de plus, mais cette fois il utilisa toutes ses forces et lui cassa des côtes ainsi qu'un bras ; à force de soigner après chaque passage du roi, du sang séché maculait la moquette bleue de sa chambre. Cette tache demeurait indélébile malgré les efforts de la jeune fille pour la faire disparaître.
Après avoir médité pendant de longs moments, celle-ci pensa trouver une solution à ses problèmes...
Pendant les trois mois qui suivirent alors âgée de vingt et un ans, les fêtes se succédèrent. D'abord au mois des mariages (janvier), les Lénéennes étaient sur toutes les lèvres des femmes ; celles-ci étaient en l'honneur de Dionysos. Les femmes, dont Serena et les épouses des lords – Léna, Leucothéa et Nausicaa – burent le breuvage qui apaisait les soucis et qui chassait les chagrins durant les mystères bachiques.
Les Ménades frappées de délire : Alcimédé, Chriséis, Évaechmé, Léanira, Pélopia et Érato, habillées de peaux de lion, la poitrine à moitié dénudée tenaient une lance entourée de pampre et de lierre avec une pomme de pin à l'embout appelé le Thyrse ; couronnées de lierre, elles parcouraient les villages avec des tambours en criant « Évohé ! », en chantant et en dansant ainsi sous leurs effets, elles entrèrent en transe.
Au mois des fleurs (février), les Anthestéries étaient également une fête en l'honneur du dieu du vin. Deux jours durant, ils fêtèrent en promenant sur un char en forme de navire une statue en bois du Dieu Dionysos et portèrent des masques comme aux carnavals ; ils firent des concours de buveurs et le vainqueur gagna une couronne de feuillage ; les enfants reçurent des cadeaux lors de cette fête très animée.
Le troisième jour, ils firent bouillir dans des marmites de terre cuite des légumes et des grains divers et consommèrent la totalité avant la nuit ; ce jour était consacré à Hermès pour les morts et les mourants.
Ménélas et des jeunes de son âge pris dans chaque village qui avaient été désignés par l'Archonte des fêtes, lord Idéos et avaient construit le char.
Le vainqueur du concours de buveur fut un homme d'une trentaine d'années venant du village Thebae. Il se nommait Asios.
Le mois d'Artémis (mars) arrivé, les Dionysies urbaines était bien sûr dédié à Dionysos, la première journée de cette fête, cinquante hommes des villages dansèrent autour de l'autel du dieu en chantant des éloges en l'honneur des Dieux sous les sons des flûtes.
La deuxième journée, ils participèrent à des concours athlétiques et poétiques. Philemon le poète du palais ainsi que Callimaque le poète érotique y participait ; les trois jours suivants, des histoires théâtrales choisies par l'archonte dont trois tragédies et un drame satirique comme « Les Bacchantes » d'Euripide étaient consacrés à Dionysos et « les satyres » (hommes-bouc) racontés par trois acteurs dans le théâtre situé dans la cour du palais. L'amphithéâtre était constitué de pierres en demi-cercle avec sa scène et ses gradins. Il y avait également une partie consacrée au chorège (chœurs) et à l'autel du dieu. Pour finir, un cortège des Bacchantes et les Satyres – hommes déguisés en ceux-ci pour le couronnement du dieu faisaient le tour des villages.
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