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Hellooooooo
Voilà un petit passage que j'aime beaucoup xD
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Cornélia avait oublié combien cet objet l’effrayait. Il était fait d’ébène noir, sculpté de dragons et de chaînes, avec des coins renforcés en acier.
– Tu connais l’histoire de la boîte de Pandore ? rétorqua-t-elle. Tu veux que ça finisse pareil ?
– Je viens de dire que j'voulais pas l’ouv…
La cadette se figea d’un coup.
– Quoi ? paniqua Cornélia. Qu’est-ce qu’il y a ?
L’éale était trop grand pour qu’elle puisse bien voir ; elle se hissa sur la pointe des pieds et réalisa avec un coup au cœur que Blanche avait mis la clé dans la serrure. Mais celle-ci tournait dans le vide. Stupéfaite, Blanche la fit entrer, sortir, entrer à nouveau. Rien à faire. Bien trop petite, la clé ne correspondait pas au coffre.
Un immense soupir de soulagement gonfla les poumons de Cornélia.
– Voilà, ça ne marche pas, alors maintenant rattache le coffre et redescends de là !
– Mais c’est pas possible ! râla la cadette. C’est forcément cette serrure ! Qu’est-ce que ça pourrait être d’autre ? Peut-être que la clé grossit par magie, ou je ne sais pas quoi ? Il faut une formule, un mot magique ?
– Redescends !
– Attends… le…
Blanche avait blêmi.
– Le couvercle… Le couvercle a bougé…
Elle recula à genoux sur le dos de l’éale.
– Le verrou était déjà ouvert…
– Quoi ?
– Le coffre… le coffre n’était pas fermé à clé…
La frayeur paralysa Cornélia. En retirant les sangles, sa sœur avait laissé l'objet libre de s’ouvrir.
– Descends tout de suite ! Vite !
– Non, il faut que je le rattache ! J’peux pas le laisser comme ça ! Passe-moi les sangles !
Les mains tremblantes, l’aînée s’exécuta ; Blanche commença vite à les tendre sur le coffre. Un peu trop vite. Un geste trop brusque le déséquilibra. Comme au ralenti, le lourd objet se mit à dégringoler le long du flanc de l’éale.
– Non ! glapit Blanche en tentant désespérément de le rattraper.
– Non ! s’exclama Cornélia en se précipitant dessous.
Dérangé par leurs singeries, la Mouche fit un écart. Cornélia percuta son flanc velu, aux poils rêches de sanglier. Le coffre s’écrasa dans l’eau, en un choc sourd qui provoqua des vagues.
Blanche se statufia. Cornélia se pétrifia. Plusieurs secondes passèrent en silence. Puis l’aînée se tourna tout doucement vers l’objet.
Par pitié, faites qu’il ne soit pas ouvert… Ni cassé… Par pitié…
Le coffre s’était retourné à l’envers dans sa chute, sans s’ouvrir. Elle tremblota de soulagement. Blanche descendit de la Mouche et, d’un même mouvement, les deux sœurs s’approchèrent à pas précautionneux. Quand le coffre se mit à tanguer tout seul, elles se figèrent d’un coup. L’objet se trémoussa une fois, puis deux. Puis il ne bougea plus. Cornélia déglutit.
– Faut qu’on le remette sur la Mouche. Ni vu, ni connu.
– Sinon, Aegeus va nous tuer, compléta Blanche d'une voix sourde.
Leurs regards se croisèrent. Elles se retrouvèrent aussitôt ramenées en enfance, quand elles cassaient de la vaisselle dans le dos de leurs parents. Pour échapper aux conséquences dévastatrices de leurs actes, il fallait être efficace. L’important était de s’unir pour faire disparaître toute trace de la catastrophe, le plus vite possible et sans se faire repérer. C’était l'unique moyen de survivre.
– À trois, dit Blanche qui n’en menait pas large.
En une fraction de secondes, les sœurs retrouvèrent la complicité qui avait toujours été la leur.
– Un… Deux…
Elles se rapprochèrent. Leurs mains étaient à quelques centimètres du coffre lorsque celui-ci fit un saut très brusque ; de terreur, elles bondirent en arrière. Sous leurs yeux ébahis, le coffre se remit tout seul dans le bon sens : il se retourna d’un coup sec et atterrit sur sa base. Puis, très doucement, le couvercle se souleva de quelques centimètres.
Blanche et Cornélia virent apparaître deux pupilles phosphorescentes dans l’obscurité.
– Qui êtes-vous ? siffla une voix haut perchée.
Malgré son timbre aigu, elle ne semblait ni mâle, ni femelle ; presque inaudible, elle rappelait le bruissement du vent.
Changées en statues, les sœurs ne dirent mot.
– Qui êtes-vous ? répéta la voix. Vous n’êtes pas mon maître.
Blanche se jeta à genoux, ce qui fit sursauter l’aînée. Elle se prosterna devant le coffre.
– Je suis désolée de vous avoir réveillé ! Tout est ma faute ! Je vais vous… remettre… euh… sur le dos de la Mouche. Je m’excuse !
Les pupilles clignèrent.
– Tsss ! fit la voix. Tu ne m’as pas réveillé. Tu m’as malmené comme une pomme pourrie dans un cageot trop grand pour elle !
Cornélia fronça les sourcils devant cette comparaison farfelue.
– C’est vrai, abdiqua Blanche en s’aplatissant dans l’eau. Je suis désolée de vous avoir malmené comme une pomme pourrie ! Je vais réparer mon erreur !
– Tsss ! Donne-moi à manger.
La cadette releva la tête, les yeux ronds.
– Pardon ?
– Nourris-moi ! siffla la voix. Ou alors je prendrai ton âme. Je suis de méchante humeur lorsque l’on me réveille avec si peu d’égards !
Blanche grimaça.
– Je n’ai pas de nourriture sur moi, je suis désolée… Je… Oh ! (Elle se releva d’un bond.) Si, je sais ! J’arrive, ne bougez pas !
Elle mit son masque de raijū, disparut aussitôt et réapparut avant que Cornélia n’ait pu réagir. Triomphalement, elle tendit vers le coffre une boîte de pâtée pour chats.
– Et voilà ! Vous voulez que je vous la mette dans le… euh, dans votre coffre ?
Cornélia eut envie de s’arracher les cheveux. De la pâtée pour chats ? Elles allaient mourir bêtement pour avoir offensé cette créature !
– Qu’est-ce que c’est ? s’étonna la voix.
– De la viande ! vanta Blanche en cachant stratégiquement l’étiquette. La meilleure qui soit !
Elle poussa un cri quand le couvercle s’ouvrit dans un claquement sec. La créature apparut à l’air libre.
– Oh ! s’exclama Blanche en laissant tomber sa boîte. Mais vous êtes… euh…
– Un chat, dit Cornélia.
– Un chat, chuinta la voix. Bien sûr ! Qui d’autre pourrait aussi bien servir mon maître ? Il n’y a pas de plus noble créature en ce monde !
C’était un petit félin noir et blanc, très haut sur pattes. Cornélia eut une impression étrange en le regardant, sans comprendre pourquoi. Lorsqu’il bondit hors du coffre, la lumière révéla toutes les aspérités de son corps. Et elle comprit. Elle se rendit compte avec horreur que son squelette, contrairement à tous les mammifères qu’il lui avait été donné de voir, n’était pas situé dedans… mais dehors.
– Eh bien, qu’attends-tu, fillette, ronronna le matou. Donne-moi donc de cette bonne viande !
Tous ses os lui couvraient le corps, anguleux et durs – les vertèbres le long de son dos, les côtes qui lui dessinaient une cage thoracique en relief, le crâne bombé d’où dépassaient ses oreilles et son petit nez. Et tout cela était d’un blanc d’ivoire, presque aveuglant en comparaison de la noirceur des muscles et des tendons qui s’entremêlaient sous son squelette.
– Houlà, euh, fit Blanche en découvrant cette constitution hors normes. Tenez…
Elle décapsula la conserve et la posa par terre, avant de s’écarter prestement. Le chat tira une langue rose, étrangement normale, puis fourra son nez dedans. Cornélia se raidit, prête à partir en courant si le verdict n’était pas bon. Sans le vouloir, elle fixa les mandibules articulées de la créature et tous les muscles qui bougeaient dessous.
– Ma foi, c’est délicieux, finit par dire le chat en léchant sa mâchoire osseuse, dépourvue de babines. Quelle viande est-ce là, ma petite ?
Cornélia se remit à respirer. Blanche se précipita pour lire l’étiquette.
– Euh, il y a du canard, du poulet et un peu de bœuf aussi… Je suis contente que ça vous plaise…
Elle soupira.
– C’était ma dernière boîte… Je ne sais pas comment on va faire, maintenant.
Le chat lui jeta un regard malin.
– Veux-tu devenir mon maître ? Je pourrai t’en apporter d’autres. Beaucoup d’autres.
Les sœurs échangèrent un regard.
– Des boîtes de pât… de viande ? fit Blanche. Vous m’en apporteriez ?
– Bien sûr, ronronna-t-il. Je suis un matagot, un chat d’argent. Je rends à mon maître tout ce qu’il me donne, et ce au centuple !
Blanche fronça les sourcils.
– Mais vous avez déjà un maître, n’est-ce pas ? C’est Aegeus.
– Oui, mais j’ai plusieurs maîtres à la fois, dit-il avec malice. Comme tous les chats d’argent. Le premier, c’est l’Abominable ; ensuite viennent tous mes autres maîtres.
– L’Abominable ? releva Cornélia.
– Mon premier maître a de nombreux noms, expliqua le chat avec emphase. L’Ange noir, Satan, Lucifer, le Diable… De nombreux noms, et tous lui vont à merveille.
Cornélia fit un pas en arrière. Le Diable, à présent ! Il ne manquait vraiment plus que ça !
– D’accord, dit Blanche qui n’avait pas l’air impressionnée. Et Aegeus, c’est le maître numéro combien ? Combien de maîtres avez-vous au total ?
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