Même les ténèbres ont un nom

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Je le nommais Garm.

Avant de le rencontrer, j’étais un prince déchu, humain normal sans pouvoir qu’un père haïssait du plus profond de son âme. Je savais ce qui causait un ressentiment si sombre et ne pouvais malheureusement rien y faire. Noble ou non, personne ne pouvait aller contre une malédiction annoncée par les oracles, d’autant plus quand elle vous pointait tel un poison qui provoquerait la chute du royaume.

Incapable de chambouler mon destin, je sautai sur une occasion rare de changer de patrie et de commencer une nouvelle vie. Mais cette renaissance ne se fit pas comme je l’imaginais. Un mois s’écoula, tandis que je rejoignis un corps de défense de la cité composé de solides guerriers qui combattaient avec férocité, hache en main. Mais une nuit, mon escouade fut envoyée par-delà les fortifications de la capitale pour chasser une meute de barghests qui ravageait les cultures et dévorait les enfants qui jouaient loin de la surveillance des adultes.

Mais sous l’astre nocturne qui nous honorait de sa rondeur aux rayons bleutés, mon groupe se noya dans les ténèbres de ces créatures redoutables. Leurs corps brumeux se glissaient dans les ombres, leurs contours s’évaporant sous nos lames telles des nuages de fumée noire, tandis que leur mâchoire broyait nos pourpoints de cuirs.

En quelques minutes, je me retrouvai seul, encerclé par une meute de loups plus sombre encore que l’obscurité. Leurs yeux étincelants me fixaient avec appétit, tandis que leurs babines s’étiraient en des sourires moqueurs.

— Qu’attendez-vous sales bêtes ? grondai-je en levant ma hache de guerre.

Les créatures ricanèrent, leur voix résonnant dans ma tête comme des brises glaciales, tandis que leur chef de meute s’avança. Deux fois plus gros que ses pairs, il égalait sans mal la taille d’une charrette.

J’hésitai à lui lancer ma lame en travers de son crâne lupin, mais cela n’aurait servi à rien. Elle aurait traversé son corps brumeux, comme à chacune de mes tentatives contre ses frères de meutes.

— Tu es solide, jeune guerrier, souffla la bête dont aucun son ne sortit d’entre ses babines, mais dont la voix glaciale s’immisça dans mon esprit.

Je frissonnai malgré moi, tandis que le barghest s’arrêta à quelques pas de moi. Ses prunelles brillaient d’un jaune sauvage et indomptable, loin de celle d’une simple bête.

— Qu’attends-tu pour en finir ? crachai-je.

— Cela serait dommage de perdre un si bon réceptacle, sourit-il. Les miens sont las de guerroyer contre les tiens, et une étrange aura magique t’entoure. Je suis persuadé que tu saurais nous nourrir et nous occuper durant ta courte vie d’humain.

Je fronçai les sourcils, perplexe du sens de ses mots, quand sa gueule s’ouvrit. Dans un sursaut, je reculai, mais il était déjà trop tard. Les crocs du barghest se refermaient sur mon bras dans une gerbe de sang.

Je hurlai de douleur, tandis qu’ils s’enfonçaient profondément dans ma chair. Les ténèbres qui dessinaient ses babines s’agitèrent et tourbillonnèrent autour de mon membre. Un premier filet obscur claqua contre ma peau et la zébra d’une profonde brûlure.

Je grondai plus intensément et frappai le museau du barghest de ma main libre, mais la bête ne cilla pas.

Une minute s’écoula.

Devenant interminable…

À bout de force, je tombai genoux à terre, pendu à la gueule du barghest par mon bras ensanglanté.

— Nous sommes désormais liés, souffla la bête à travers mon esprit.

Son timbre glacial résonna dans ma tête, tandis qu’elle me relâcha. Mon bras tomba le long de mon corps, inerte. Je ne le sentais même plus.

Allais-je mourir alors que ce barghest ne semblait pas décidé à m’achever ?

Le regard éteint, je relevai le menton et me noyai dans ses prunelles dorées qui brillaient plus que les étoiles sur la toile obscure. J’admirai leurs reflets tantôt orangés, tantôt sanguins qui y dansaient… avant de sombrer.

Ceci fut ma première rencontre avec un barghest centenaire et sa meute, mais aussi le début de notre collaboration. Cette tâche magique, qui me collait à la peau depuis ma naissance et faisait de moi un paria dans ma partie originelle, plut à cette vieille créature qui décida de faire de mon corps l’antre de sa meute.

De par sa morsure, nous étions liés. Mon ombre était devenue leur tanière, mais aussi leur garde-manger. En échange de la magie qui coulait dans mes veines, et les ennemis que je tuais durant mes missions, il m’offrait son aide.

Le prince déshérité, parmi son royaume natal, était devenu un guerrier adulé par ses nouveaux frères d’armes et craint par ses ennemis, tel un redoutable combattant qui se jetait dans la mêlée, entouré de ténèbres voraces.

***

Voilà une petite entrée en matière de mon adorable Garm, le vieux barghest. Un petit mélange entre mythologie nordique et anglaise.

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