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Lunettes sur le nez, chapeau de paille et sac sur le dos, Louna Goldenmoore ne pouvait rêver mieux comme dernier été avant l’université. Entourée de ses meilleurs amis ainsi que de sa grande sœur, Iris, elle comptait bien profiter des vacances. Il faisait beau et chaud, et rien ne pourrait perturber leur petit voyage.
L’année avait été longue, et le travail très dur pour en arriver jusque-là. Mais aujourd’hui, Louna était fière de ce qu’elle avait accompli. Acceptée dans une prestigieuse faculté de droit avec Jane, une de ses plus anciennes amies, elle allait bientôt quitter la campagne pour étudier dans la capitale, ce dont elle avait toujours rêvé.
Louna avait prévu son futur dans les moindres détails : des études dans une grande fac, où elle pourrait se faire des contacts, un appartement en plein centre de la capitale, une vie respectable et bien rangée… elle voulait donner le meilleur d’elle-même, c’était ainsi qu’on l’avait toujours élevée.
- Ma puce ? appela sa mère en ouvrant les bras pour l’enlacer. Fait bien attention à toi, d’accord ? Je t’aime plus que tout au monde, et je ne veux pas qu’il t’arrive quoi que ce soit. Sois prudente sur la route.
- Maman, grogna la jeune fille. Je n’ai plus quinze ans…
- Ecoute ta sœur, enchérit son père, le regard sérieux. Si elle te dit non, c’est non. Si elle te demande de faire quelque chose, tu obéis. Si elle te dit de courir et de l’abandonner à son sort, tu le fais.
Louna eut un rictus amusé, haussa les yeux au ciel et répliqua :
- Et si elle me demande de sauter d’un pont, je dois le faire aussi ?
- Ne retourne pas mes mots contre moi, chipie ! ricana la femme en la décoiffant.
- Je continue à dire que papa devrait devenir acteur, se moqua sa fille. La détermination avec laquelle il sort toutes ses bêtises, c’est du talent !
Iris, qui chargeait les bagages dans sa voiture, décida qu’il était temps de sauver sa sœur et l’attrapa par l’anse de son sac à dos pour l’attirer vers la voiture.
- Allez la future Annalise Keating, c’est l’heure d’aller retrouver les autres !
Alma les étreignit dans un geste précipité et plein d’amour.
- Je suis si fière de vous mes chéries, murmura-t-elle en embrassant le front de chacune de ses filles. Soyez prudentes sur la route, et n’abusez pas trop sur l’alcool, d’accord ?
― Mam’, on va être en retard, renifla l’aînée.
- S’il y a le moindre problème, vous nous appelez dans la minute. Et envoyez-moi un message tous les jours, j’ai besoin de savoir que vous allez bien. Et ne parlez pas aux inconnus. Et…
- Alma, je pense qu’elles ont saisi l’idée, souffla son mari avec un sourire.
- Oui je sais… je suis une vraie mère poule ! Mais c’est comme ça. Je vous aime mes trésors, et je ne veux pas qu’il vous arrive le moindre mal…
Les yeux de la mère s’embrumèrent, mais elle s’empressa d’essuyer ses larmes naissantes.
- Allez, filez retrouver vos amis.
Louna et son aînée firent un dernier geste d’adieu, et s’engouffrèrent dans la voiture. Iris démarra le véhicule, lança un regard à sa sœur, et débraya. Bientôt, on ne vit plus que les tourbillons de poussières que les roues laissaient derrières elles. Les filles étaient parties.
- Qui vient déjà ? demanda la grande sœur, qui décidemment n’arrivait pas à se souvenir de quatre maudits prénoms.
- Jane, Paul, Lucas et Maxime, énuméra-t-elle.
- Qui est Maxime ? continua la jeune femme. Tu ne m’en as jamais parlé jusque-là…
- Eum, bah c’est un camarade de classe, et il fait partie de notre groupe de musique. Qu’est-ce que tu veux que je te dise de plus ? C’est le meilleur ami de Paul et il sera aussi en fac de droit avec Jane et moi.
- Tient donc ! Une grosse tête alors ?
Louna leva les yeux aux ciels. Elle détestait cette expression.
- On parie combien que Jane finira dans ses bras à la fin du premier mois de cours ?
- Eh ! C’est pas gentil pour elle ! En plus, Maxime est un gars respectable…
Iris ricana et reprit la conduite en silence. Il ne fallut pas plus de trois minutes avant que sa sœur ne connecte son téléphone au lecteur média du véhicule et ne mette sa summer playlist.
- Je dis juste qu’en terre inconnue, on se raccroche souvent aux gens qu’on connaît, ajouta la conductrice. Et Jane aime bien les petits génies, non ?
- Et alors ? Nous n’allons pas étudier dans l’une des meilleures universités pour perdre notre temps à boire et fricoter avec je-ne-sais-qui.
- Oula, on se détend mam’zelle ! Profite de la chance que tu as d’aller vivre à la capitale. Ce n’est pas en se faisant des amis que tu vas rater ta licence. Et si tu veux mon avis, il est grand temps que tu passes à autre chose. Tous les garçons ne sont pas comme Nick.
Pour toute réponse, Louna augmenta le son de la radio et posa la tête contre la vitre. Elle n’avait pas envie d’y penser. Et encore moins d’en parler. Nick faisait partie de son passé, et elle se tournait vers l’avenir. Ils n’avaient pas eu la fin heureuse qu’elle attendait, mais leur histoire était finie depuis plusieurs années maintenant. Et ce n’était sûrement pas à cause de ce petit con prétentieux qu’elle se consacrait corps et âme à ses études. Elle avait simplement le goût du travail.
C’est ça, oui, le goût du travail.
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