Les pancakes d’Iris avaient fait l’unanimité dans le groupe d’ex-lycéens. Pas une miette n’avait été oubliée !

Comme aucun plan n’avait été prévu pour leur vacances, il fut convenu que la matinée serait destinée à profiter du calme de la location et de la fraîcheur du salon. Maxime avait ressorti sa guitare, et Paul était parti chercher son synthétiseur, qu’il avait emporté dans le coffre de la voiture. Il ne partait presque jamais sans. Pendant un bon moment, le groupe avait repris leurs musiques préférées, allant de Sweet Home Alabama à No Scrubs, mais passant aussi par Kill of the Night ou Breakfast in America, ils n’avaient pas vu le temps défiler. Iris avait même eu une petite appréhension lorsqu’elle leur avait annoncé qu’elle partait faire des courses, elle ne voulait pas que la troupe l’accompagne et ruine ses investigations. Mais les jeunes étaient tellement absorbés dans leur concert privé qu’ils n’avaient même pas fait attention à elle.

Lorsque la fièvre musicale fut redescendue, Lucas et Jane se plongèrent dans la lecture du même roman. Tous deux passionnés, ils avaient préparé une liste de lecture pour l’été, et comptait la remplir ensemble. Lucas, qui était plus dans la littérature américaine, avait proposé dix ouvrages classiques pour ouvrir son amie à un nouveau genre. Jane quant à elle lui avait conseillé dix livres de fantasy, plus légers mais tout aussi prenants.

Alors que Paul était parti ranger son synthétiseur dans la voiture, Maxime s’approcha de Louna, qui semblait distraite.

― Qu’est-ce qui te tracasse ? Encore en train de ressasser le passé ? demanda-t-il en lui donnant un gentil coup d’épaule.

― Pas vraiment, murmura-t-elle avec un demi-sourire. C’est juste que je trouve ma sœur un peu bizarre depuis qu’on est parties de la maison.

Le garçon haussa les sourcils et lança un regard à son amie.

― Tu sais, ta sœur a presque huit ans de plus que nous, elle ne se sent peut-être pas dans son élément. C’est jamais très fun d’être baby-sitter.

― Ça va au-delà de ça… A chaque fois que j’essaye de lui poser des questions, elle fuit. Hier, elle a même rangé nos valises !

― Et en quoi le fait d’être plus organisée que d’habitude la rend bizarre ? ricana-t-il. Je te l’ai dit, elle est là pour nous baby-sitter. Elle a sans doute voulu jouer le rôle jusqu’au bout.

― Non je pense qu’il y a plus. Je me suis réveillée plus tôt ce matin, et j’ai surpris un bout de sa conversation téléphonique. Je crois qu’elle parlait à mon père…

Maxime la fixait maintenant avec attention, mais attendit qu’elle complète sa phrase d’elle-même pour ne pas la brusquer. L’épisode du matin bien en tête, il s’était fait quelques idées, et il espérait que la confession de Louna puisse l’aider à mieux comprendre sa sœur.

― J’ai toujours eu l’impression qu’ils me cachaient des choses. Ils parlent souvent entre eux quand je suis à l’écart. Jusqu’à maintenant, je croyais me faire un mauvais scénario, ou bien je mettais ça sur les secrets de cadeaux ou de surprises pour mon anniversaire, mais il y a des fois où ça ne fait pas sens. Et puis, ce matin, j’ai clairement entendu Iris dire qu’elle me tiendrait à l’écart « comme promis ». Mais à l’écart de quoi ?

Plus la jeune fille partait dans ses explications, plus elle s’emportait et fronçait les sourcils, énervée.

― Et puis elle a parlé d’un gars qui s’appelle Etienne je crois. Il a l’air d’avoir déjà entendu parler de moi, parce qu’elle a dit qu’il était « impatient de me rencontrer ». Ça m’énerve ! Pourquoi est-ce que lui me connait ? Qu’est-ce qu’ils ont pu lui dire ? Je ne connais même pas d’Etienne !

― C’est peut-être un ami de tes parents ou un gars avec qui ta sœur travaille ? répondit-il.

― Tu vois, c’est exactement ça que je dis ! Je ne sais même pas ce que ma sœur fait et avec qui elle travaille !

Le garçon haussa les épaules et mit fin à la conversation en se levant du canapé. La jeune fille le regarda s’éloigner, perplexe. Avait-elle dit quelque chose de mal ?

A ce moment, Jane se précipita vers elle en dévalant les escaliers.

― Tu veux venir avec Paul et moi ? Il veut faire une petite promenade pour ramasser des herbes ! s’exclama-t-elle en enlaçant le cou de son amie.

Cela faisait quelques années maintenant que les filles connaissaient le secret de Paul. Il faisait partie d’une famille de sorciers wiccans, et le prenait très à cœur. Elles l’encourageaient toutes deux dans ce qu’elles considéraient comme un hobby, Jane avec l’espoir qu’il soit un vrai magicien, comme dans ses livres, et Louna avec le scepticisme de celleux qui ne jurent que par la science. Mais elle n’était pas non plus fermée à l’idée que les plantes puissent avoir des vertus bénéfiques, alors elle accompagnait le garçon lorsqu’il avait besoin de main d’œuvre pour ses cueillettes.

― Oula, tu as l’air d’aussi bonne humeur que le jour où Lucas avait renversé son café sur ta veste blanche ! s’exclama son amie. Allez, viens avec nous, ça va te changer les idées.

Avec un petit sourire, Louna se leva et suivit Jane. Elle avait raison, il fallait qu’elle pense à autre chose. Après tout, ils étaient venus ici pour passer des vacances inoubliables, alors elle chassa ses idées grises et força son sourire. Paul les attendait, nonchalamment posé contre le crépi blanc du muret, trois petits paniers en rotins à ses pieds, une paire de gants, une petite pelle et un sécateur fourrés dans chacun d’entre eux.

― Toujours aussi bien équipé à ce que je vois, railla la jeune fille en se penchant pour prendre ses outils.

― Tu ne croyais tout de même pas que je viendrais sans mon matos ? Le début de l’été, c’est le meilleur moment pour la cueillette !

Il attendit que ses deux amies se préparent avant de leur annoncer le programme qu’il avait prévu.

― Hier, j’ai remarqué l’abondance de mauves près de la piste cyclable. On va d’abord commencer par-là, parce que je suis à sec. Il me faut toutes les parties de la plante. Et si vous trouvez aussi du plantain…

― Tu n’as besoin que des feuilles, compléta Jane, qui commençait à retenir ce que le garçon leur apprenait.

― Si on a encore le temps, on ira peut-être dans la forêt ou en sous-bois pour récolter du lierre.

― Je croyais que le lierre était toxique ? objecta Louna.

― Les baies du lierre sont très mauvaises, c’est vrai. Mais correctement dosées, les feuilles sèches sont également très utiles contre les affections respiratoires comme l’asthme, la toux et certaines maladies comme la coqueluche, expliqua Paul, qui savait que la brunette ne croyait qu’en la science. Et ça, c’est juste l’infusion ! En usage externe, une décoction de lierre soulage certaines douleurs comme les coups de soleil ou carrément les rhumatismes.

― Pfff, et où est la magie dans tout ça ? ronchonna Jane, déçue.

Le jeune homme rigola et l’éclaircit :

― La magie, c’est ça justement. La nature nous donne le pouvoir de nous soigner et de nous protéger, par les vertus des plantes, mais aussi des pierres où d’autres merveilles qu’elle nous offre.

― Tu n’imaginais quand même pas qu’après ses récoltes, il allait saisir une baguette et déménager à Poudlard ? se moqua Louna en imitant Hermione.

Jane retint un gloussement, et leva les yeux au ciel.

― Bon, on y va ou vous voulez encore ruiner mes espoirs ?

Ils rigolèrent de bon cœur avant de se mettre en route.