Ambrosia avait perdu le contrôle.
Mais, emportée par le tourbillon de dopamine, de cannabinoïdes et opioïdes endogènes qui propageaient le plaisir d’un neurone à l’autre, elle ne le réalisa pas aussitôt.
Pourtant, elle l’avait bel et bien perdu, révélant qu’elle était la fille, difforme, de la chevrière. Ce qui engendra l’ire d’Ioánnis. Il l’étranglait, hurlait son dégoût quand il prit peur : personne ne devait l’entendre, car si quelqu’un apprenait qu’il avait couché avec la fille de la chevrière, sa vie était foutue. Il déclinait cette crainte lorsqu’il fut violemment percuté dans le dos et que les crocs de la louve broyèrent ses vertèbres cervicales. Si l’on sait que j’ai baisé cette horreur, je suis mort, fut sa dernière pensée.
Ses muscles se relâchèrent, la bête le lâcha, il s’avachit sur celle qui eut dû être sa victime.
Le choc de son amant, qui s’affala sur elle, vida des poumons d’Ambrosia et la fit redescendre sur terre. Pas encore consciente du drame qui venait de se dérouler, bouche grande ouverte, elle aspira goulûment l’air dont elle avait été privée. Le corps couché sur elle la gênait, elle voulut le repousser, mais l’ébauche d’avant-bras prolongé d’une main de bébé fut incapable d’accomplir sa part de la tâche.
La fille de la chevrière comprit qu’elle avait perdu le contrôle. La douleur en profita pour irradier autour de son cou et l’inertie d’Ioánnis révéla l’ampleur de la tragédie. Elle ordonna à ses loups de la débarrasser de son encombrant fardeau, mais dut surseoir, car elle maintenait captive la seule partie du jeune homme qui n’était pas devenue flasque.
Il lui fallut quelques minutes pour reprendre le contrôle, elle retrouva l’apparence d’Ambrosia, puis détendit les muscles de son périnée, libérant le vit d’Ioánnis. Elle rejeta le corps à côté d’elle et chargea ses protecteurs de le jeter dans le torrent en aval des rochers qui affleuraient la surface.
Exécutèrent-ils scrupuleusement les ordres reçus ? Prélevèrent-ils leur pitance avant de livrer le cadavre à leurs congénères ?
Les loups hurlèrent, ils échangèrent. Cela n’inquiétait personne, ces prédateurs manifestaient souvent leur présence dans les vallées, mais en cette fin d’hivernage, le bétail passait la nuit à l’abri dans les bâtiments clos et couverts adaptés à chaque espèce.
Toujours est-il que l’on ne retrouva jamais tout ou partie d’Ioánnis.
Revêtue de sa robe, Ambrosia pleurait encore lorsqu’un homme d’une quarantaine d’années s’approcha d’elle.
Pleurait-elle sa virginité perdue ? Grands dieux non ! Était-elle chagrinée par la mort de l’amant qui voulait la sienne ? Que nenni, ce n’était qu’un blues post-coïtal ! Le plaisir qui l’avait submergé lui manquait. Je ne peux m’empêcher de penser que la perte de contrôle lui avait peut-être, également, fait éprouver un sentiment semblable à celui que ressentent ceux qui rechutent après une longue abstinence.
Elle se demandait si cette défaillance était accidentelle ou indissociable de l’orgasme, quand l’homme s’adressa à elle.
Il dit qu’il croyait que son fils Ioánnis était avec elle.
Elle répondit qu’il était parti.
Il vit alors ses larmes.
« Il t’a déçu ? (Imitation de voix d’homme.)
— Oui ! » (Imitation de voix de jouvencelle.)
Cette double méprise incita l’homme qui, comme d’autres, fantasmait sur la nouvelle venue, à ajouter :
Veux-tu savoir ce qu’est un homme ? Un Vrai ! (Imitation de voix d’homme.)
La majuscule s’entendit, tellement il revendiquait sa virilité, qu’il ne tarda d’ailleurs pas à exhiber à l’appui de son affirmation.
Assise, Ambrosia, à qui le plaisir manquait tant, ne put se tromper sur le sens de l’invitation. Elle hésita à peine quelques secondes, c’était l’occasion d’obtenir la réponse à sa question, mais surtout, elle désirait jouir. Puis l’idée lui vint, qu’en cas de perte de contrôle, il pourrait réagir à l’instar de son fils. Aussi, précisa-t-elle, avant de lui tourner le dos et de se mettre à quatre pattes :
« Oui, mais prenez-moi comme une bête ! » (Imitation de voix de pucelle hystérique)
« En levrette ! » (Voix d’homme.)
Nous avons parmi nous ce soir un fin connaisseur ! Oui, en levrette, toutefois ce mot ne faisait pas partie de son vocabulaire. Elle n’avait pas votre expérience, monsieur.
(Rires)
C’était d’ailleurs malencontreux, car de “comme une bête” à “bestialement” il n’y a qu’un pas que le père d’Ioánnis, probablement déçu qu’elle ne prît en bouche…
NON ! Ne dis rien !
Pas que le père d’Ioánnis, probablement déçu qu’elle ne prît en bouche la verge dressée devant celle-ci, franchit allègrement. Disais-je !
Il fit glisser son pantalon de ses cuisses à ses chevilles. Excité, il ne prit pas le temps de l’enlever avant de tomber à genoux. Ainsi, il la pénétra violemment, profondément, d’un puissant coup de rein qui l’eut projetée en avant s’il n’avait saisi ses hanches pour la maintenir contre lui. Si elle n’avait été dilatée par les œuvres du fils, le père l’aurait déchirée. Elle cria ! De douleur ? De plaisir ? Au bord des deux !
Il resta fiché en elle quelques secondes avant d’entamer le va-et-vient. Ce n’était plus un poignard, mais un sabre qui allait et venait en elle, le mouvement était si ample que régulièrement, il sourdait d’elle pour aussitôt s’y réintroduire. Il la pilonnait en poussant des hans rauques.
Ambrosia sentait le plaisir monter en elle, elle s’estimait en sécurité : bras pliés, la tête reposant sur ses mains croisées, dos cambré, cuisses tendues et écartées, ses pieds étaient derrière l’homme. À chaque coup de boutoir, les testicules heurtaient son clitoris, le pelvis écarquillait ses fesses et distendait son orifice encore intact. Son plaisir montait, montait, montait. Il lâcha ses hanches, elle participa activement, ils s’éloignaient l’un de l’autre, quand elle allait le perdre, qu’il allait sortir d’elle, ils se jetaient l’un contre l’autre. Il se mit à lui claquer la croupe.
Alors que la violence de ce coït maintenait Ambrosia au bord du précipice. Les yeux fixés sur son cul, enflammé à l’idée de la sodomiser, l’homme éjacula. Râlant de plaisir, il déversait son sperme à chaque coup de reins. Ambrosia bascula dans le néant, emportée par son orgasme, elle laissa sa place à la fille de la chevrière.
Après l’avoir soustraite du con, le père d’Ioánnis prit sa queue en main, en positionna le gland sur l’objet de son phantasme, mais, flaccide, son pénis pliait sans forcer le sphincter. Frustré, il releva la tête.
« C’est quoi ça ? » (Imitation de voix d’homme) s’exclama-t-il en voyant la bosse qui ornait l’échine de la fille de la chevrière. Puis, en lieu et place de l’abondante chevelure de feu, il découvrit un crâne qui ressemblait à un champ de blé après la moisson. De sa large main, il saisit l’épaule d’une Ambrosia, toujours à quatre pattes, et la retourna sur le dos, comme une tortue.
Abasourdi, il regardait la créature secouée de frissons qui tentait de fuir en jouant des coudes, des fesses et des talons.
« C’est quoi, cette horreur ? » (Imitation de voix d’homme.)
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