Chronique des amours elfiques d’Eorelle et Margaux : Un Noël enneigé
de Haldur d'Hystrial
C’était la veille de Noël et il neigeait. Non pas en tempête, elle tombait doucement, épaisse et bien collante. Parfaite pour faire des bonhommes et des batailles de boules ! Quoi de plus normal ? Quoi de plus joyeux ?
Eorelle et moi sortîmes pour nous fabriquer un beau bonhomme. Nous avions trouvé un vieux chapeau dans ses affaires, un panais dans le jardin et ramassé de petits cailloux. Une écharpe allait compléter le tout.
Pour les lecteurs qui ne nous connaissent pas, nous sommes deux elfes, et nous nous aimons d’amour tendre et passionné.
Nous étions dehors sous la neige à faire notre bonhomme comme des gamines, quand Eorelle me lança une boule en pleine figure. Ce à quoi je répondis par une autre, et cela dégénéra, comme vous pouvez bien l’imaginer en joyeuse bataille, qui se finit par des chatouillis dans la neige puis des bisous. Nos rires enchantèrent un instant la forêt de Primaceton dans laquelle nous vivions, ensuite nous allâmes nous réchauffer avec une merveilleuse tisane bien chaude dans notre petite cabane plantée au milieu d’une clairière.
Après tout ceci, nous nous attelâmes à notre travail. Les enfants, n’attendraient pas : nous devions livrer les cadeaux ce soir. Si vous ne connaissez pas Noël, il s’agit, chez nous de fêter le retour de la lumière le solstice d’hiver. Dieu nous a laissé des saisons pour que l’on en profite, ainsi le passage de l’une à l’autre est toujours l’occasion de s’amuser.
Les humains ont inventé un gros homme rouge appelé le Père Noël qui distribue des cadeaux aux enfants en passant par la cheminée. Seulement, il n’existe pas et personne ne passe par la cheminée. Encore moins chez ceux qui se chauffent au gaz ou au fuel. Ce sont les parents qui achètent les cadeaux. Vous pouvez bien imaginer le genre de cadeaux, selon les âges : jouets fabriqués téléphones portables, ou toute chose commerciale qui pourrait faire plaisir à celui-ci ou à celle-là. Ce jour-là, dans nos pays, les adultes se livrent à des banquets à s’en faire péter la panse comme des barriques et les enfants se gavent de chocolats et bonbons de toutes sortes.
Seulement certains enfants n’ont pas la chance de recevoir un joli cadeau, tous les adultes n’ont pas de quoi faire craquer un bouton de leur chemise avec une dinde bien grasse.
Alors, nous deux, braves petites elfes, pensons à eux, ou au moins à ceux du village proche de chez nous : Amalfay – Littéralement : le village de ceux qui aiment les elfes.
Pour les repas, nous avions réalisé cinq petits paniers, décorés de houx, garnis de pots de miel, de confiture que nous faisions en été, notre cidre que nous pressions nous-même, des fruits secs et maintes petites gâteries pour les pauvres gens du village.
Pour les enfants, nous avions fabriqué des jouets en bois, simples, mais beaux et amusants. Un canard avec une laisse que l’on tire et qui roule en se dandinant, un petit train, des jeux de constructions, ou de société pour toute la famille. Nos amis elfes nous aidaient beaucoup pour développer toute cette créativité. Les elfes sont très habiles de leurs mains !
Alors vint le moment tant attendu où nous devions aller distribuer toutes ces bonnes choses. Heureusement ceux que nous attendions arrivèrent.
— Melodia, Cantaran ! Quelle joie de vous voir !
Nous avions une technique bien rodée pour partager Noël avec les villageois. Quelques jours auparavant, nous recueillions les doubles des clefs des maisons où nous allions déposer les cadeaux auprès des parents. Tous les villageois recevaient un petit mot, envoyé par la mairie prévenant du récital de chant donné par nos deux amis.
Les gens s’y rendaient, et pendant leur absence, nous entrions chez les bénéficiaires de nos cadeaux pour les y déposer. Ceux qui donnaient le récital étaient nos grands amis Melodia et Cantaran dont la voix dépassait en beauté toutes les merveilles chantées par les humains.
Nous étions si heureux de les voir que nous recommençâmes une petite bataille de boules de neige. Les elfes sont vraiment des gamins.
Après cette échauffourée, où il n’y eut que des vainqueurs, nous partîmes en direction du village. Ma rousse Eorelle et moi-même étions déguisées en mères Noël. Notre couple d’amis étaient plus classiques. Elle portait une robe d’un bleu froid comme la glace, tandis que lui était vêtu d’un costume noir comme le charbon, chemise blanche à nœud papillon, enveloppé par une cape noire à l’extérieur et rouge à l’intérieur, le tout surmonté d’un chapeau haut de forme et la touche finale, une canne à pommeau d’argent à la main. Vous me croirez ou pas, mais même après que la bataille de neige eu fait rage, nous étions restés impeccables. C’est ça la magie elfique !
Toujours est-il que nous partîmes pour le village. Melodia et Cantaran prirent le chemin de la place de la mairie tandis que nous partîmes pour notre tournée annuelle de mères Noël.
Nous connaissions bien les premières maisons et en moins d’une heure nous avions pu tout déposer. Restait la dernière. Il s’agissait d’une petite chaumine bien misérable. Dehors, il y avait un petit tas de bois, qui je le pensais, ne tiendrais pas l’hiver à moins d’une rude économie sur le combustible. J’étais née dans une ferme où j’avais vécu mes dix-huit premières années, lorsque j’étais humaine et je le savais donc bien.
Je me souvenais de cette famille. Une pauvre jeune femme, venue pour un travail saisonnier bien peu payé avec son fils. Elle semblait malade. Je n’avais pas vu le petit, mais elle m’avait fait beaucoup de peine.
Nous entrâmes alors. Dans la grande et unique pièce de la bâtisse. Une cheminée était installée au fond. L’âtre était froid. À côté se tenait un petit garçon de six ans frigorifié, pâle et grelottant de tout son corps. Mais son regard brillait vivement. Il nous admirait.
— Bonjour, tu dois être Jean. Ta maman est là ? Lançai-je au hasard.
Au bout d’un moment, ses lèvres se mirent à bouger.
— Elle est partie.
Des larmes se mirent à couler de ses yeux.
— Tu veux dire, elle est allée au spectacle ? Tenta Eorelle.
— Non elle est partie et ne reviendra pas. Elle m’a dit qu’elle partait pour toujours, mais que vous étiez gentilles, les mères Noël. Elle m’a donné ça pour vous. Il sortit une lettre qui était toute repliée dans le fond de sa poche.
Les larmes étaient contagieuses et nous ne pûmes les retenir, ni l’une ni l’autre.
Je pris la lettre que je dépliai.
« Chères mères Noël
Je ne connais pas votre nom, mais je n’ai jamais croisé des personnes aussi bonnes que vous.
Lorsque vous lirez cette lettre, je serai morte, je ne veux pas que Jean me voie dans cet état, alors je pars.
Occupez-vous de mon petit Jean, s’il vous plaît.
Agnès. »
Mes larmes redoublèrent, je passai la lettre à Eorelle, sans un mot.
Puis pendant qu’elle lisait je m’adressai à Jean. Lui donnant une petite caresse sur la joue.
— Ne pleure pas pour ta maman mon petit Jean, elle est heureuse, car elle est devenue un ange.
Je tentais moi-même de me contenir.
— Et nous allons passer un excellent Noël tous les trois. Ajouta Eorelle. Je vais chercher du bois pour le feu, tu es congelé mon pauvre petit. Et nous allons cuisiner, puis danser.
Jean ne bougeait pas.
Nous fîmes du feu dans l’âtre, allumâmes le poêle et commençâmes à cuisiner avec les ingrédients du panier. Entrées, plats, desserts.
Jean nous regardait faire, mais ne bougeait toujours pas.
— Viens m’aider à laver les légumes, lui demandais-je.
Il vint devant la bassine d’eau tiédie, préparée par mes soins. Il commença à laver les légumes que je lui tendais.
— Devenir un ange, ça veut dire être morte ?
Je ne pus lui cacher la vérité.
— Oui, c’est ce que ça veut dire, mais seules les bonnes personnes deviennent des anges, alors ta maman pourra rester toujours avec toi, dans ton cœur.
— D’accord.
Il ne dit plus rien, mais il s’était mis au travail docilement.
La pièce s’était réchauffée et le repas finit par être prêt. Nous nous mîmes autour de la table. Nous l’avions décoré comme nous avions pu avec ce qu’il y avait dans le panier. Le savoir-faire elfique en matière de cuisine, notre bienveillance redonna le sourire à Jean. Au dessert, nous arrivâmes même à le faire rire.
Maintenant, nous allons chanter et danser ! Eorelle entonna de sa voie soprano, des airs féériques et dansants. J’en connaissais quelques-uns que j’accompagnai de ma voie d’alto. Nous commençâmes à danser tout en chantant et Jean fût heureux, nous l’entraînâmes avec nous dans la danse.
Quand la soirée fut terminée, il me suffit de consulter Eorelle du regard pour savoir qu’elle pensait la même chose que moi.
— Jean, est-ce que tu serais heureux de nous avoir comme mamans ?
— Je voudrais ma vraie maman, mais je sais que ce n’est pas possible. Alors, je veux bien que vous soyez mes mamans.
C’est comme ça que nous devînmes les mamans de Jean. Nous étions, avec le canard dandinant ses deux seuls cadeaux de Noël, mais cela ne remplaça jamais totalement sa perte infinie.
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