Chapitre 1-1
Un mal envahit soudain son corps, et de douleur il se réveilla. Il aurait voulu crier pour exorciser un peu cette souffrance. Pas d’air, pas de souffle et aucun son ne sorti de sa bouche. Il hurlait pourtant de douleur. Son faciès grimaçant traduisit ce qu’il ne pouvait dire.
La mémoire lui revint en même temps. Il avait été gravement blessé, même mortellement blessé. Il devait être mort. Est-celà ce qu’on réserve aux morts, le souvenir de leurs blessures ? Est-ce ainsi l’au-delà, revivre encore et toujours l’instant de sa mort ? Il aurait préféré mourir dans son sommeil.
Il maudit l’instant qui lui fut fatal. Des larmes coulaient le long de ses joues. Les veines de son cou ressortaient. Son corps frémissait. Ce tourment ne le quitterait pas.
Il essaya de se relever. Sa tête se souleva légèrement, mais dans son état il ne put faire plus.
Il tenta de regarder le monde autour de lui. Tout était trouble et flou. Les larmes n’arrangeaient rien.
Un long ralle sortie, ses cordes vocales le brulaient. Ce cri était un déchirement. Le cri se transforma en un hurlement puis en sanglots.
« Vous êtes vivant ! Un cadavre peut être utile mais si vous êtes en vie c’est mieux. » Dit une voix à côté avec un ton ironique. Elle continua de plus bel.
«Vous avez maintenant une dette envers moi, mais on en reparlera plus tard. » Conclut-elle avec un air malicieux.
Une main agrippa le bras de la jeune femme. L’homme blessé lui adressa sa plainte : «Je vous en prie, soignez moi, faites que cette douleur parte. J’ai si mal ! »
La femme se rapprocha et jusqu’à avoir sa tête au-dessus de son interlocuteur, elle sourit, un regard narquois chercha à travers les pleurs toute l’attention du souffrant. Il se calma un peu étouffant ses gémissements. Les yeux dans les yeux elle lui lâcha : « Vous n’aurez rien. Je vais juste attendre que la douleur vous renvoi dans les limbes. » Son bras s’extirpa doucement de l’emprise et elle s’éloigna dans l’ombre.
« Revenez ! Revenez ! » L’homme se tordit de douleur en hurlant. Cela dura plusieurs heures avant qu’il ne perde connaissance.
Une lueur orange. Il fallut plusieurs minutes avant que les yeux puissent distinguer la forme dansante d’un feu. Il resta hébété fixant le feu. Chaque petit crépitement devenant un spectacle. L’homme inerte contempla les allers et venues des flammes sur le bois. La senteur de rondins secs fraîchement mis dans la braise. La tendre chaleur de l’âtre caressant son visage. Cette lueur dansait dans le reflet de ses yeux. Malgré le supplice que lui infligeait sa chaire meurtrie, cette douce ambiance le ramenait à des souvenirs de soirées calmes, passées devant le feu.
Perdu dans les méandres de sa mémoire, il n’accorda pas d’attention à l’arrivée d’une silhouette humaine dans la pièce. La fumée voilait la jeune femme. Cette dernière observait d’une curieuse manière le blessé. Elle resta un moment sans rien dire, ni bouger. Puis elle posa délicatement une ou deux branches dans le brasier. Ceci attira l’œil de l’homme, qui se mit à fixer clairement l’étrange ombre derrière la fumée.
Même s’il distinguait assez peu cette personne, il savait qu’il était jugé et analysé dans ces réactions. Il ne connaissait ni la nature, ni le but de son hôte. Il était méfiant, qui avait pu le trouver dans ces lieux ? Là où il avait failli perdre la vie, il n’y avait rien. C’était une des nombreuses terres reculées où la civilisation s’arrête et où le monde sauvage commence. Il devait en être sûr et savoir qui était son sauveur. Il se laissa tenter à poser une question, mais comprendrait on sa langue ?
« Où suis-je ? Est-ce vous qui m’avez sauvé ? Puis-je connaitre votre nom ? »
Il eut un silence et l’homme commença à douter de la possibilité de converser. La silhouette le toisait toujours sans bouger. Il décida de tenter une approche plus simple.
« Mon nom est Williams ! » fit il en se désignant. « Et vous ? Votre nom ? » Continua-t-il en pointant du doigt la silhouette. « W.I.L.L.I.A.M.S ! » « Vous ? » reprit-il en faisant la même série de gestes. Il eut un petit ricanement féminin.
« Je n’ai pas de nom. Les bêtes sauvages ont-elles besoin de noms pour savoir ce qu’elles sont ? Elles existent et cela leur suffit. Tout comme ces animaux je n’ai pas besoin de nom. Ma seule présence se suffit à elle-même pour dire qui je suis. » Répondit l’hôte en s’avançant.
La lumière éclaira peu à peu la jeune femme qui tout en s’avançant dévoila un visage déterminé et fier. Le regard perçant scrutait la moindre réaction et un léger sourire ajoutait à tout cela une touche de mépris. Elle avança toujours plus et fut éclairée entièrement.
Les yeux du blessé s’écarquillèrent. Ces habits, ils étaient typiques des barbares et sauvages de ces contrées inhospitalières. Pourtant, ce n’était pas simple et primitif. Ce vêtement évoquait bien plus. Il cristallisait les peurs enfantines. Il émanait de cette tenue une présence charismatique. Ce n’était ni un uniforme suggérant un statut social, ni une belle parure mettant en avant son possesseur, c’était un habit fait du tissus des contes et légendes. Il évoquait des histoires plus vieilles que la civilisation, des histoires sombres qui se perdent dans les racines de la culture commune.
Ebahi et terrifié, l’homme ne cessait d’inspirer face à un tel trouble. Comme si un cauchemar arrivant des plus profondes nuits de sa jeunesse l’avait saisir d’un seul coup. Comme si ce cauchemar était devenu réel. Tout en fixant avec effroi la silhouette devant lui, il s’exclama : « Une sorcière ? Vous êtes une sorcière ! »
L’homme ne savait pas lui-même si c’était une interrogation ou une affirmation, toutefois la réponse fut aussi rapide que précise. Un sourire funeste apparu sur le visage de la jeune femme, large et cinglant. La tendre lueur du feu, devint à cet instant, plus malsaine. Cet étrange éclairage rendait la silhouette plus puissante et menaçante.
L’homme eut un mouvement de recul, mais souffrant encore de ces plaies il ne pouvait fuir plus. La sorcière plissa les yeux s’amusant de la réaction. De cette peur et de cette douleur, elle est tirait un certain plaisir.
D’un pas gracieux et nonchalant elle contourna le feu pour rejoindre le malheureux. Sans lâcher son rictus pernicieux. Elle s’accroupit doucement tout en se rapprochant dans un mouvement racoleur.
Elle avança jusqu’à se retrouver à quelques centimètres du visage du blessé. Elle tendit légèrement le cou et leur nez se touchèrent presque. Elle plongea son regard intense dans celui de son invité.
Elle plissa les yeux et ses traits redevinrent plus doux. Son grand sourire s’estompa. Elle cligna légèrement des yeux. Elle inclina délicatement sa tête sur le côté gauche. Puis un sourire gracieux s’éleva.
« Votre sort m’appartient. Votre vie, votre dette. Et je serais vous faire tenir votre engagement. »
L’homme essayait tant bien que mal de suivre la conversation et de comprendre la situation. La jeune femme le poussa sur le dos et elle s’allongea sur le ventre à côté de lui.
« Vous êtes dans un sale état et les nuits sont froides. Ni voyez rien de personnel. »
Le souffrant interloqué regarda la jeune femme s’allonger et se rapprocher de lui. Il ne dit rien. Par peur ou par incompréhension. Les réactions de son hôte le déstabilisaient et il ne savait plus ce qu’il devait faire. Il était épuisé et la nuit était longue. Il lutta, mais le sommeil était le plus fort. Tout en s’endormant, il essayait de scruter tout mouvement de la part de la sorcière.
Elle semblait dormir. Ces paupières se fermèrent, puis ce fut le néant.
Il ne se réveilla que deux jours plus tard.
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