Ils rejoignirent la brune aux yeux dorées qui patientait fixement, perdue dans ces pensées. Son regard se posa sur l'humain fier de ses deux guibolles. Son air niais et joyeux arracha un moqueur : Alors guide, Rétablis ?

- Alors Oul, heureuse ? Lança ce dernier comme s'il montrait un costume neuf.

La sorcière fut surprise de la décontraction de son compagnon de route. Elle mit un temps à répondre.

- Fais pas le malin, je t'ai récupéré sur une jambe. Ton air idiot me ferait presque regretter l'estropier pathétique et rageur qui ne voulait pas donner son nom.

- Exact, mais je te l'ai donné. Alors aucune raison d'être agressive.

Ils se placèrent face à face, comme si l'un défiait l'autre. Sindatra s'intercala à la perpendiculaire pour prendre la parole.

- Oul, j'ai aligné et soigné ton ami. Il a retrouvé l'essentiel de ses capacités et le canalisateur a fourni un dur travail pour combler les brèches dans la strate du flux que le pacte à toucher. Je dois avouer que je n'avais jamais soigné de pareilles blessures.

- Vous avez pu discuter ? Questionna la brune.

- Oui, mais sa coopération dépend d'une forme de liberté, de choix et d'actions. N'est-ce pas Aklameon ?

- Une certaine forme de liberté ? Une liberté tout court ce serait mieux, mais a priori ce n'est pas à l'ordre du jour.

- Guide, tu vas tourner longtemps autour de ce point de vue ? On ne pourra pas repartir si tu ne trouves pas une utilité à ce voyage. Je ne veux pas dire par là qu'on campera ici une semaine, même si Sindatra te rassures.

- J'avoue que je préfère la guérisseuse enchanteresse à la tueuse de manipulateurs de magie.

- Le terme serait traqueuse et non tueuse, et c'est manipulateur de flux si tu veux employer nos termes.

- Je trouve cela mignon qu'il essaye.

- Sindatra, ta capacité à t'émouvoir de choses sans intérêt ne m'est pas utile.

La parfaite s'offusqua de la pique et détourna la tête. Cela n'arrêta pas la cinglante jeune femme. Aklameon Nevirad SILDENVAL par le pacte tu es mon guide, ce n'est pas un jeu, une farce ou un serment d'obéissance. C'est une dette dans le flux. Tu la payeras, par la force s'il le faut. Il ne tient qu'à toi de te rendre la tâche moins pénible.

-Je refuse de traquer et tuer. Sois en sûr sorcière, je serai le dernier rempart entre toi et ta proie s'il le faut.

Une aura chargea dans l'enceinte de l'accueil. Sindatra intervint.

- Oul ! Tu ne cherches en rien une solution. Expliques toi avec lui, la violence, l'orgueil, le mépris de ses idées et émotions t'ont amené ici. Sa jambe blessée est le fruit de vos échecs à coopérer.

- La Svanti marque un point. Guide, on va se mettre d'accord. Même si mon rôle te répugne, il n'est en rien un acte seulement de mise à mort. Je ne tue que si la frontière est franchie et si ce n'est pas moi, un autre Oul s'en chargera. Le flux est une chose impactant tous les êtres, corrompre le flux c'est nuire à tous. Même une Svanti en comprend la gravité. Et c'est mon rôle que de veiller à punir s'il y a faute.

- S'il y a faute ? Donc tu enquêtes, tu juges et tu choisis.

- Je remonte une piste et les actes sont juges.

- Ce que Oul veut dire, c'est qu'il y a une certitude, les actes ne sont pas anodins ni accidentels.

- Donc les sorciers et sorcières savent qu'ils vont être traqués et tués ? Mais corrompt le flux quand même. Ils sont suicidaires donc.

- Tout manipulateur de flux peut le corrompre, les mages citéens comme bons nombres d'êtres et de créatures ayant une filiation avec le flux. Avant d'être corrompu le flux se défend en quelque sorte. Il émet un signal que les êtres sensibles au flux ressentent et c'est ce qui peut mettre un Oul en traque. Mais la frontière n'a peut-être pas été franchie et il n'y aura peut-être pas d'êtres à occire. Expliqua Sindatra.

- Alors pourquoi se risquer à franchir cette frontière ?

- Une quête de pouvoir, de connaissance, une profonde envie de déchéance du monde, qui sait ? Les ambitions sont différentes. Répondit Oul.

_ Ce qui est sûr, Klam, c'est qu'un Oul met sa vie en jeu dans pareil cas. Ceux qui corrompent attaquent autant qu'ils se défendent. C'est à chaque fois un combat à mort.

- C'est mon rôle. Et c'est ce que défendre le flux implique.

- Klam, vous pouvez le comprendre, et ce, même si votre volonté diffère. Ne voyez pas que la mort en Oul, ne la réduisez pas à être une tueuse.

- Vous vous entendez très bien pour me vendre ce petit voyage punitif et meurtrier.

-Sindatra essayes de t'aider guide. Mais nous tournons en rond toujours sur cette histoire de mort. Je suis en chasse, saches le, et une ou plusieurs personnes sont de toute évidence prêt à corrompre le flux. Je ne sais si la frontière a été franchie. Donc tu peux m'aider à les sauver d'eux-mêmes. Si la vie t'importe tant.

- Ton argumentaire est curieux, on les retrouve, mais il y a une chance sur deux pour que tu les massacres.

- Leur vie reste dans la balance, je n'ai pas de certitudes sur la corruption. Mais la ou les personnes que je recherche, ont aussi donné à un citéen un canalisateur. Canalisateur que ce citéen a utilisé sur toi.

L'homme eut un regard grave. Il essaya d'oublier cette information, mais trop de questions l'assaillirent.

- Aurais-je le droit de parler avec ces personnes ? De m'entretenir avec elles avant que ton rôle t'oblige à agir ?

- Si tu as besoin de réponses et s'ils le veulent, je ne m'y oppose pas. Il se peut que je n'aie à tuer personne et ta demande serait ainsi facilitée.

- Oul, je ne me satisferais pas d'un entretien avec ses personnes. J'ai une proposition, puisque nous devons coopérer. Tu ne dois pas tuer, si je te suis.

- S'il y a corruption du flux, c'est mon rôle de le faire. Je ne peux accéder à ta demande. Mais je peux sauver autant de vies que j'en prendrais.

- Tu ne peux pas simplement les mettre hors d'état de nuire ?

- Non, ce n'est pas aussi simple. La corruption du flux à une source et cette source s'attache à l'existence même de la personne qui a dépassé la frontière.

-Klam vous devez comprendre que ce n'est pas un choix.

- Aklameon Nevirad SILDENVAL puis-je te faire une proposition à mon tour ?

- Ne dis pas mon nom en entier, Aklameon suffit ou juste Klam. Bref, je t'écoute.

- Klam, tu es à mon service pour me guider et m'aider à accomplir mon but. Je me charge déjà de ta protection, mais je te promets d'être également à ton service.

- C'est vague.

- Tu es mon guide, je choisirais une destination mais tu décides du contenu du voyage.

- Donc si je veux aider quelqu'un ou empêcher sa mort, tu collabores ?

- Si cela ne nuit pas à mon rôle et au flux, oui.

- Tu te plieras à mes demandes ? Sans rechigner.

- Je n'accepterais pas de devenir ton esclave non plus.

- Cela va de soi. On parlera d'égal à égal et en toute franchise.

- Très bien, ça me convient.

- On va faire un accord écrit alors. Toi t'as ton pacte et moi, un papier.

- Ma parole vaut un écrit.

- Je suis du genre procédurier et je préfère avoir un papier à te mettre sous le nez pour te rappeler cet engagement.

- De toute façon, tu te refuseras à me suivre si je n'honore pas ma part.

-Je passe sur l'écrit, si tu promets d'arrêter de me menacer de mort à tout va. Et de me menacer tout court d'ailleurs.

- Je promets d'essayer.

Le citéen dévisagea la jeune femme.

- Les habitudes ont la vie dure. Claironna malicieusement la sorcière.

- Je trouve cela admirable que vous ayez réussi à vous entendre si vite sur une coopération. Sourit la parfaite.

- Mais avant, on va régler nos différents pour repartir du bon pied. Et la brune envoya un coup de poing dans l'estomac de son guide. C'est pour avoir cramé mes affaires et mes cognes pourpres gros crétin !

Le guide vacilla sous le regard choqué de la guérisseuse.

- Il t'a brulé tes cognes pourpres ?

- Oui en brûlant tout le camp. Il a aussi perdu ses cognes et ses affaires en route.

- Espèce de sorcière. Cracha Klam. Tes foutus fruits, tu me frappes pour des foutus fruits ?

- Guide, il fallait que je le fasse sinon je vais t'en vouloir tout le voyage. J'y suis allé mollo en plus. Fais pareil, frappes moi et reproches moi ce qui te trotte dans la tête.

L'homme irrité par le coup à l'estomac, envoya une violente droite dans le visage de la sorcière. Le coup s'enfonça dans la pommette, mais ne fit pas bouger d'un millimètre la jeune femme.

- Tu as tout donné là ? Dans ce coup ? Bon, alors ça ne va pas t'aider à régler tes différents avec moi. Je te propose de m'insulter ?

A peine eut elle finit sa phrase que le guide répliqua.

Après quinze bonnes minutes d'une flopée d'insultes qui surprirent la guérisseuse. L'homme s'arrêta ne trouvant plus rien à lancer à la figure de la sorcière. Il eut un moment de flottement.

Oul pencha la tête et envoya un léger sourire. Le citéen ne comprenait pas la logique de son compagnon de voyage, mais bizarrement il avait retrouvé son calme. La parfaite avait du mal à ne pas se sentir choquer de la scène.

- Dis-moi guide tu en connais bien des insultes ?

- J'ai une bonne mémoire. Mais je pensais en avoir d'autres en stock.

- La politesse, mes chers, la politesse c'est de ne pas se battre et s'insulter quand on est invité quelque part.

- Les Svanti sont prudes, si prudes.

- Et non-violents. Tu fais offense à mon accueil Oul.

- On ne se battait pas, pour se battre faut être deux. Je l'ai frappé tout au plus.

- Il a répliqué, tu l'oublies ? Si tu en avais pris ombrage, j'aurais sans doute dû encore le soigner.

- Ma mère ne m'a pas élevé comme ça. On prend les coups qu'on mérite et on rend ceux qui sont mérités.

- Évites de parler d'elle, surtout pour justifier tes actes. Je ne m'étendrais pas plus. Un Oul reste un Oul.

- Ne te montres pas si méprisante.

- Tu as fait offense à mon accueil, même si j'aurais dû m'en douter quand j'ai entendu cette histoire de cognes pourpres. Quelle idée de les faire brûler, aussi ?

- Hé, j'effaçais mes traces, je ne préparais pas un frichti pour Madame !

- Bien sûr, mais en attendant vous avez proférez beaucoup trop d'ignominies pour un seul être, et vous avez brûlé les cognes pourpres de Oul. Je peux vous dire que jamais elle ne les partagerait, donc il fallait en garder avec vous.

- Moi je m'échappais, je me suis fait attaquer par plein de bestioles et j'espérais un autre dénouement.

- Je ne veux pas le savoir Klam ! Trancha nette la parfaite. Une offense est une offense et je suis extrêmement déçu par cette rixe de coups et de mots. Oul la première et vous qui bizarrement agissez comme elle vous le demande, je croyais votre volonté plus forte que cela.

- T'en prends pour ton grade, Aklameon Nevirad SILDENVAL.

- Ne dis pas mon nom en entier, si je te l'ai confié ce n'est pas pour l'entendre hurler aux quatre vents. Dis, Klam, juste Klam.

- Très bien ... Klam. Articula-t-elle narquoisement.

La parfaite toujours renfrognée attendait une excuse qui ne venait pas. Son aura changea pour signifier un début d'hostilité. Elle parut soudain plus menaçante.

- Sindatra, tu t'impatientes ? Envoya tout aussi narquoisement la brune.

- Écoutez, je suis désolé pour tout cet évènement et vous avez raison je n'aurais pas dû céder à l'invitation à frapper et à insulter.

- Tu vois Oul ce n'est pas bien compliqué, ton guide s'est excusé pour ses actes.

- C'est pour ça qu'il est mon guide, les petits mots et les ronds de jambes.

- Tu prends l'air de celle qui insulte, mais tu as bien plus à apprendre de lui que tu ne le crois.

- Sindatra, tu tiens vraiment à ce que je m'excuse ?

- Si tu le penses vraiment, seulement si tu le penses vraiment.

Sindatra lança un regard en haussant les sourcils dans l'attente d'une réponse.

- Les comportements dans les accueils des Svanti se doivent d'être respectueux et amicaux au nom des préceptes de ces derniers, et cet échange avec mon guide ne l'a pas été.

- C'est un rappel des faits, mais bon, je m'en satisferais d'excuse.

- A la base c'était juste pour repartir sur des bases saines.

- Oul, je crois assez bien connaitre tes mœurs pour savoir à quoi m'attendre, donc finit la discussion.

La sorcière aux yeux dorés ne trouva aucune réplique qui ne serait pas clairement une insulte. Elle se rabroua et passa à la suite.

- Guide, nous allons repartir. Mais grâce à tes manigances nous n'avons plus d'affaires de voyage.

- Tu recommences avec les accusations ?

- Ce sont des faits, tu m'as piégé, brûlé mes affaires et tu as perdu les tiennent dans ta fuite.

- Mon plan prévoyait la première partie, mais pour la seconde j'ai joué de malchance.

- Ton plan de départ était bon, et son exécution un peu approximative.

- Je ne connais pas le terrain, j'improvise et l'improvisation ça ne marche pas toujours. Attend, tu viens de me faire un compliment ?

- Oul est pragmatique, vous êtes arrivée à la semer pendant huit jours dans un milieu qui vous est hostile. Elle vous reconnait cette qualité.

- Mon rôle m'oblige à ne pas négliger les qualités des autres. Mais je pensais que déjouer ton premier plan avait suffi et qu'il fallait que tu t'habitues à ma présence. Mais tu te méfies trop des sorciers et sorcières pour cela.

- Parles pour toi Oul. La nargua la svanti.

- Oul, puisqu'on doit être plus franc l'un en vers l'autre. Ta présence, ton rôle, tes pouvoirs, tout est une source d'inquiétude pour le pauvre citéen que je suis. Les préjugés aussi sont une chose tenace et ils m'encombrent aussi l'esprit. Mais je vais essayer de passer outre, si tu respectes tes engagements.

La sorcière lui envoya un sourire sincère. Un sourire gracieux et simple, loin des mimiques plus complexes et réservées à la moquerie. Elle parut accessible et le temps d'un instant eut une troublante douceur. Un regard qui traduisait tout le réconfort que les mots du guide avaient apporté à la manipulatrice de flux. Elle semblait attendre ce moment, comme délivré du doute d'une nouvelle trahison. Aklameon en face, avait du mal à se soustraire à ces yeux dorés et à ce sourire. Il eut un léger regard de défiance amusée et ne put s'empêcher de briser ce petit silence.

- Oul ?

- L'aventure nous appelle, mon guide ! Qu'il en soit selon nos engagements. Envoya la brune avec une joie solennelle.