Les voix
Version originale
J’ai perdu sa couronne, mais ça te fait ; les cons sont régis.
Danseuse, je connais la vie.
Dans cette supposition, donne-le-moi.
A l’étranger, tu étais là, près de la châtaigne d’eau.
« Je viens juste vivre.
- Et voilà, s’il le veut, ça vaut le coup.
- C’est de l’or ?
- Tu es intelligent. »
« Nous vous saluons. »
« Si tu veux que je le fasse…
- Et ça vaut le coup.
- Le signe pour…
- Je m’en fiche et je m’en fiche. »
J’y suis restée seule. Je t’ai souhaité la nuit.
« Regardez-la, regardez-la ! »
Et c’était mal, ou c’était dans ma tête ?
Version modifiée
J'ai un jour fait la connaissance d'un être de désirs et de plaisances.
Aussi suave que le délice du sucre glacé qui fond sur la langue, elle a susurré :
« J’ai perdu ta couronne, mais ça te fait ; les cons sont régis. »
Du haut de ma tour de noir, je ne compris que ce que je voulais entendre, et répondis :
« Danseuse, je connais la vie. »
Mais elle s'en amusa, et dans un murmure encore là, elle me nargua :
« Si c'est vraiment le cas, donne-la-moi. »
Tout a un commencement, et le nôtre remonte à ces siècles de secondes où les heures se sont perdues. Je parle de ce temps où j'ai fais ta connaissance, la tienne, vraiment.
A l’étranger, tu étais là, près de la châtaigne d’eau. Balance déséquilibrée, tu me proposais d'être l'élément qui permettrait de ramener la paix dans ton monde.
« Je viens juste vivre, t'ai-je répondu, angoissée.
- Et voilà, c'est ce qu'il faut, bien dit ! as-tu répondu avec encouragement, comme pour t'éloigner du sujet. Mais, si jamais tu le veux, je te promets que ça en vaut le coup. »
Et voilà que tu insistais. Que te répondre, à toi qui avait la beauté d'une déesse, et pourtant, dans le regard, la folie d'un capharnaüm déchaîné ? Tu as sorti d'un foulard de soie ouvragé le véritable ouvrage d'un génie.
- C’est de l’or ? ai-je soufflé, abasourdi.
- Tu es si intelligente ! »
Je n'aimais pas tes flatteries. J'ai passé outre, je voulais en savoir plus sur ce bijou. Tu l'as doucement effleuré, et soudain, tel un aurore boréale miniature, l'éclat d'un agencement d'esprits s'est animé.
« Nous vous saluons, se sont-ils inclinés devant l'étrange déesse qui m'appelait à la rejoindre, à être sienne, à ne plus faire qu'une avec elle.
J'ai songé un instant que je ne savais plus où me mettre, que faire, que penser, puis me suis sentie comme spectatrice de mes propres actions. Tout devint simplement trop difficile à assimiler pour ma petite personne.
« Si tu veux que je le fasse… » ai-je commencé.
Elle me coupa avec une ivresse presque agressive et menaçante, dans le regard.
« Et ça vaut le coup, je te le promets.
- Le signe pour… Pour arrêter tout ça ? »
Elle m'empoigna soudain à la gorge, montra les dents, grogna.
- Je m’en fiche et je m’en fiche. »
Paralysée, en proie à une terreur glaciale, je ne résistai en rien à sa prise, mais soudain, comme si elle réalisait la violence de son attaque, elle me lâcha en horreur d'elle-même et prit la fuite.
Je restai là, seule. En silence, la gorge douloureuse, serrée, je lui souhaitai la nuit, car jamais je ne désirerais voir se lever l'aurore sur sa folie. Elle n'avait pas perdu ma couronne, elle l'avait simplement bien cachée pour mieux me manipuler. J'imaginais bien comment le peuple, mon peuple, aurait réagi face à cet être débalancé :
« Regardez-la, regardez-la ! »
On l'aurait chassé jusqu'aux frontières du monde, on l'aurait brûlé jusqu'à ce que même ses cendres prennent feu.
Mais j'étais là, seule devant la châtaigne d'eau, et dans la fraîcheur matinale qui s'installait, je pleurais, car elle me manquait.
Et c'était mal, ou bien étais-je un brin folle, moi aussi ?
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