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Chers frères, chères soeurs, enfants d’aujourd’hui et autres fils de putain, bienvenue.

Avant toute chose, sachez que cette lettre n’est pas une publicité. Elle n’a rien à vous vendre, et encore moins à vous offrir. Il n’y a pas de bon de réduction au dos à utiliser dans vos points de vente favoris. Si vous attendiez du facteur qu’il vous apporte la dose d’amour épistolaire que vous entretenez avec vos enseignes préférées, vous pouvez arrêter la lecture ici, plier ce papier en cinq, et l’utiliser pour caler un meuble ou votre table-basse bancale achetée d’occase chez un cas social dont l’appartement sentait comme la pire baraque à frites du Nord-Pas-de-Calais.

Ceci n’est pas non plus une contravention, ni un document officiel. Détendez-vous, et relâchez un peu ces sphincters si méfiants. Aucun centime ne vous sera demandé, sauf si vous insistez. Non, ce qui suit est pire que tout cela réuni. Inspirez un grand coup, asseyez-vous confortablement, et tenez-vous prêts. Car la pilule qui va suivre va être plus dure à avaler que le jus de couilles de cinquante bonhommes cagoulés après un bukkake en période d’angine.

Commençons par les politesses d’usage : au risque de vous décevoir, vous ne valez pas grand-chose. Tout ce que vous faites est vain. Quelle que soit votre position dans l’échelle sociale, votre profession, votre genre ou le nombre de points que vous avez accumulés sur votre carte de fidélité, vous allez tous crever à plus ou moins brève échéance. Réfléchissez-y la prochaine fois que vous êtes persuadés d’avoir raison. Prenez du recul avant de donner votre opinion sans qu’on ne vous la demande. A-t-on réellement besoin d’entendre ce que vous avez à dire ? Ou le faites-vous plutôt pour l’amour de se plaindre ?

Vous râlez depuis le confort de votre petit train de vie sans jamais vraiment vouloir changer de destination. Vous snappez en matant le JT, votez sur des critères physiques comme s’il s’agissait d’une télé-réalité. Vous relayez votre vie comme si vous écriviez celle de quelqu’un d’autre, dans l’espoir qu’on vous remarque enfin.

Des milliards de connards se disputent le même air. Bienvenue dans le monde de demain. C’est le même que celui d’avant-hier, sauf que vous en êtes le fleuron. C’était pas mieux avant, ça sera pire après. Proverbe Chinois, sans doute, vu que c’est eux les champions en la matière.

Toutes les espèces s’éteignent, sauf celle qui l’a réellement mérité. L’Homme n’est pas un loup pour l’Homme, il en est le cancer en phase terminale. Pour lui, et pour toutes les autres formes de vie. Vos enfants ne verront des animaux qu’en vidéo, ou en captivité pour les plus chanceux. Ils apprendront l’alphabet grâce aux noms de médicaments dorénavant, de Amoxicilline à Zolpidem. De toute façon, cela leur importera même plus. Trop occupés par leurs histoires de cul. À dix-huit ans ils auront déjà eu le temps de commencer et d’arrêter la clope et la vodka-red bull. Ce qu’ils voudront vraiment par-dessus tout : se donner un genre en s’en inventant un nouveau. Voilà le bon plan, si être un déchet en tant qu’homme ou femme ne suffit plus. Ils suivront ensuite cette quête constante de l’attention. Exit les astronautes, welcome influenceurs et instagrameuses. Le rêve n’est plus de marcher sur la lune, mais de vendre la sienne au plus offrant. Vos rejetons tombent dans le domaine public alors même qu’ils viennent d’apprendre à respirer, en postant sur chaque plateforme des photos d’eux qui finiront sur le darkweb, là où les gens s’en branlent littéralement. Ils apprendront à compter avec des mentions, des réactions, le prochain Victor Hugo écrira son roman en émojis grognons. Les mots ne voudront plus rien dire, nous communiquons déjà que par le biais d’images, de captures d’écrans, de snaps reçus tard le soir et de visages souriants. C’est le retour à l’âge de pierre, la communication régresse. Mais ce n’est pas leurs smartphones qui aideront vos enfants à faire du feu, ni les émissions infantilisantes qu’ils regardent, ni les adolescentes de quatorze ans qui dansent à poil entre deux tik-toks sur la dépression.

Soyons clairs là-dessus : faire des enfants ne fait pas de vous quelqu’un d’extraordinaire. Tout le monde sait se reproduire, les rats le font très bien, et ils le font mieux que vous. Car ils ne se barrent pas après coup avec une ratte mieux gaulée, moins chiante et qui en plus suce le premier soir, en versant des pensions alimentaires tous les mois. Les animaux le font de manière désintéressée, dans le seul but de perpétrer leur espèce en voie d’extinction.
L’être Humain n’a pas besoin d’être perpétré, bien au contraire. Trop de gosses finissent battus, abandonnés, placés, vendus, asservis, noyés en voulant fuir leur misère, débiles en voulant suivre l’exemple de leurs parents, abrutis, frustrés parce que la vie n’est pas comme dans les pornos. N’en jetez plus ! Vous ne serez plus là pour voir comment ils finiront, à la fin de ce siècle. Ils payeront seuls toutes les dettes de leurs aïeux, et dans ce sens, vous condamnez à la vie un futur condamné à mort juste pour satisfaire votre propre plan de vie.

Ne vous méprenez pas : fondez des familles, si tel est votre but dans la vie. Arrêtez plutôt de faire croire à tout le monde que cela vous rend hors du commun. Rappelez-vous : vous n’êtes rien. À l’échelle de l’univers, vous n’avez aucun but. Votre vie : un battement de cil. Une fois que vos petits-enfants auront eux-même des enfants, ce sera fini, vous serez remplacés, vous irez rejoindre le grand terreau, plus personne ne saura que vous avez existé, et ainsi recommencera le cycle autodestructeur de la vie à taille humaine.

Mais il vous reste encore un bout de chemin à faire avant d’en arriver-là. Alors, en attendant…
Venez propager l’opulence. Festoyons sur les braises de tout ce qu’il nous reste de libre arbitre. Encourageons l’avènement de l’Homme produit, jamais mieux asservi que par lui-même. Félicitons nos producteurs pour le pain de ce jour, et vouons un semblant de gloire hypocrite à nos éleveurs, qui roulent au pas sur la départementale en tracteur pile le jour où nous sommes en retard pour aller ingurgiter huit heures de tapin. Ces même péquenauds tournés en monstres de foire, qu’on aide à trouver l’amour devant des milliers de téléspectateurs hilares. Foutons-nous de la gueule de ces représentants du terroir, qu’on imagine volontiers enculer du bétail les soirs de grande solitude, la main plongée dans nos paquets de chips depuis nos canapés, comme membres d’une grande secte d’adeptes du fist aux saveurs de crèmes et d’oignons.
Emplissons-nous de matières grasses saturées, ça tient chaud l’hiver, ça complexe pendant l’été. Passons le reste de l’année à regretter ce qu’on a bouffé et à essayer de le perdre, comme une quête sans fin, fuck les petits Africains. Laissons des gens mieux placés décider de ce dont nous avons besoin. Nos envies changent de main. Gavons-nous jusqu’à plus faim.

Vos désirs sont des ordres, mais ce n’est plus vous qui les donnez. Montrez-moi vos frigos et je vous dirai qui vous êtes. Nous ignorons comment consommer, et par la même occasion, comment gérer nos portefeuilles percés. Vous désiriez la vie de princesse Disney, vous avez celle de sa version olé olé. Ceux qui chialent parce que leur salaire ne leur suffit plus sont les mêmes que ceux qui attendent que tout leur tombe dessus, en portant fièrement leurs gilets de la couleur des cocus. Bravo, vous avez vachement fait avancer les choses, la vie est bien moins morose maintenant, coincés dans les bouchons entre le boulot et la maison close.
De la merde des yeux jusqu’aux caddies, étouffés par les tickets de caisses mais sans bisphénol A. Le progrès en marche ne viendra pas sauver le panier moyen de son panier de crabe, quand viendra l’heure de régler ses courses insolvables.

Tout cela devient bien trop difficile à suivre. Reprenons tous ensemble nos esprits, s’ils sont présents parmi nous ce soir. Allumons des cierges en l’honneur des futurs défunts. Entrons en contact avec le monde de l'au-delà, pendant que mamie pourrit en Ehpad en espérant que le ouija sera le meilleur moyen pour renouer des liens avec ses enfants ingrats. Incha’Allah, comme on dit en bas de chez moi.

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