Chapitre 7 : Récompense de la dévotion (1/2) (Corrigé)
« Denna, notre fille adorée,
Pardonne-nous.
Nous nous sommes échinés nuits et jours, à recueillir documents et témoignages, à démêler la vérité sous un amas de mensonges et de propagande. Hélas, ce complot a pris une plus grande ampleur que prévu. Toute la hiérarchie est impliquée. Nous avons même tenté une audition auprès de la reine, elle qui se prétendait ouverte à nos propos. Mais ses conseillers sont corrompus et la manipulent pour leurs intérêts ! Jalode ne représentait donc que la partie émergée d’un plus vaste plan…
Il est trop tard. Des gardes sont entrés et nous ont arrêtés pour conspiration contre le pouvoir. Nos biens ont été saisis, nous avons été déchus de nos droits de citoyens et nous croupissons en prison pour une durée indéterminée. Bientôt notre jugement tombera et nous craignons l’échéance… Nous ne sommes même pas certains que cette lettre te parviendra !
Oh, Denna… De là où nous nous situons, nous peinons à appréhender ta propre souffrance. Tes rares lettres nous confirment que tu es en vie, mais en quel état ? Les nouvelles évoquent une terrible défaite qui vous a forcés de vous replier à l’ouest du Ridilan. On raconte même que cette guerre a déjà plusieurs dizaines de milliers de morts ! Des soldats mutilés nous reviennent au pays, des jeunes dont il sera difficile de les réinsérer dans la vie active. S’agit-il réellement de l’intervention destinée à préserver notre civilisation ? Décédés ou traumatisés, vous, pauvres jeunes, êtes condamnés pour les erreurs de notre génération.
Nous avons essayé, nous te le jurons. Mais nous sommes incapables de résoudre ce conflit derrière nos barreaux… Nous ne savons même pas combien de temps il nous reste.
Nous espérons qu’il n’est pas trop tard pour toi.
Tes parents qui t’aiment. »
Loin de toute beauté astrale scintillaient des sphères blanchâtres. Miroitaient ces éclats pour guide, reflets d’un lieu sans substance, sans repère, dans sa lutte contre l’opacité. Ici j’étais parvenue, hors des sentiers battus, dans un monde distordu. Là j’avancerais pour mon cheminement, vers mon aboutissement, libérée de mes accablements.
Qui eût cru qu’il s’agissait d’un havre tranquille ? Sitôt engagée que des tremblements ébranlèrent ma progression ! Partout des cris me déchiraient, et entre les flamboiements giclaient sang et larmes ponctuées de râles d’agonie ! Je mouvais en âme et conscience, seule à ne pas trépasser, contrainte d’invulnérabilité dans un univers subclaquant.
Aldo m’attendait à portée de pas, souriant. Mais une flèche lui transperça la gorge au moment où je lui tendis la main… Je contemplais alors son déclin si soudain, je vis alors ses traits se détériorer dans son désespoir latent ! Près de lui dansaient les ténèbres, car des spirales de flux noirâtre enveloppaient Kolan. Lui qui était tant ensanglanté ne prononçait que d’inintelligibles murmures. Chaque foulée le courbait sous le poids de son déclin à mesure que son regard s’assombrissait. Il avait si longtemps souffert, même les dernières minutes de sa morne existence, au contraire de Tonia, abattue en un instant. Au-dessus d’elle pleuvaient de tranchants morceaux de verre qui tailladaient sa peau ! Pourtant son sourire demeurait intact, comme si elle avait accepté son sort… La tempête de sable balayait ses projectiles pour mieux révéler Shimri. Elle semblait en paix avec elle-même, désormais… Peu importait qu’une flèche traversât son cœur, peu importait que son ultime souhait ne fût point réalisé, elle me fixa d’un faible sourire. Kiril était à genoux, une flèche aussi plantée contre sa poitrine. Bras suspendus à son immobilisme, yeux grands ouverts, haletant, les lèvres entrouvertes. Lui aussi transmettait un remerciement posthume. Tous le firent.
Je ne le méritais pas ! Ils avaient péri à cause de moi ! Ilza, fauchée par l’adversité après m’avoir sauvée. Brejna et Sermev, consumés par mon simple jugement. Erdiesto, Ashetia, Rolin, Criny, Lorem, massacrés sans vergogne lors de l’assaut que j’avais moi-même engendré. Et quel que fût leur camp, Emar, Dalim et Vimona avaient été tués lors de notre insurrection. Restaient les anonymes, les innocents, par centaines, par milliers ! De visage sans nom, d’appellation sans figure, ils étaient condamnés à errer dans le néant éternel. Chacun des décès aurait pu être évité si des décisions différentes avaient été suivies ! Si seulement…
Mon réveil me décrocha de mes songes. Redressée sur mon matelas, humectée par la moiteur de mon oreiller, trempée par ma propre transpiration, j’avisais mon environnement. Où étais-je ? Une légère tunique et un pantalon fendu aux chevilles me collaient à la peau. Rarement avais-je été emmitouflée dans d’aussi épaisses couvertures, la largeur de ce lit dépassait de plus de deux fois celle de ma demeure natale ! Au nom de quoi avais-je été emmenée dans cette somptueuse pièce ? Ici les luxuriantes tapisseries carminées côtoyaient des fauteuils à dorures. Ici des fresques de paysage bordaient la lustrerie pendue au plafond incurvé.
Les conséquences suivaient la récompense. En face de mon lit était assis Maedon. Je faillis soupirer de soulagement quand j’aperçus son bandage réduit, mais je déchantai aussitôt. Ses grognements percèrent mes tympans tandis que son visage s’était enflammé au-delà du raisonnable.
— Bonjour, Denna, dit-il d’une voix glaciale. Tu as bien dormi, j’espère ? Je ne voudrais pas te déranger.
— Commandant…, balbutiai-je. Écoutez, je…
— Jalode est une générale respectable, coupa sèchement Maedon. Je ne sais qualifier combien je l’admire pour ses nombreuses victoires et sa carrière exemplaire… Mais tout être humain est faillible et il y a un moment où ses sentiments prennent le pas sur le reste. La famille est plus importante que tout, c’est ça ? Voilà pourquoi elle te donne un beau lit dans un château conquis malgré ce que tu as fait… Foutue traîtresse !
Maedon retira brutalement la couverture avant de me jeter sur le dallage. D’où puisait-il une telle force, une telle véhémence, ce alors qu’il souffrait encore de sa convalescence ? Moi-même peinais à me défendre, tant la douleur vrillait encore mon épaule !
— Je suis désolée ! m’excusai-je, secouée.
— Tais-toi ! rugit-il. J’avais confiance en toi, je t’ai pris sous mon aile, et c’est comme ça que tu me remercies ?
— Nous ne pouvions pas continuer ce massacre sans broncher…
— Et vous avez provoqué un autre massacre ! Vimona aurait dû se sacrifier contre l’ennemi, exactement comme l’avait fait Ashetia, au lieu d’être poignardée dans une mutinerie par ce félon de Kiril !
— Vimona était prête à exterminer tous les villageois jusqu’au dernier. Nous devions l’arrêter !
— Tu ne regrettes rien ? Pas même d’avoir causé la mort d’une commandante ? Bon sang, qu’est-ce que tu es devenue, Denna, toi qui étais si loyale ? Vous vous êtes entretués entre frères et sœurs d’armes !
— Ce n’est pas ce que nous voulions ! Nous étions censés jeter les armes !
— Aucune paix n’est possible, tu ne l’as pas compris ?
Maedon me plaqua au sol et m’y maintint. Tant de force s’extériorisait de ses bras meurtris comme il ponctuait son assaut de cris déchirants ! Des larmes coulèrent d’abondance le long de ses tempes…
— J’en ai assez, Denna ! sanglota-t-il. Notre armée se déstructure semaines après semaines… Commandants et généraux se sacrifient pour préserver notre civilisation tandis que j’assiste aux morts successives de tous mes soldats !
— Je suis désolée, commandant…, murmurai-je. J’appréhende votre souffrance.
— C’est faux et tu le sais très bien ! N’affirme pas de telles balivernes après avoir tué des soldats de ta propre unité ! On prétend que le Ridilan est bientôt vaincu, on espère que cette guerre s’achèvera bientôt, pourtant je n’en vois pas le bout ! Je suis fatigué…
— Moi aussi…
Ses doigts se serrèrent autour de mon cou. J’avais beau être relevée, la strangulation m’immobilisait d’un contact si froid, me contraignant à me courber face à mon supérieur…
— Cesse de t’apitoyer ! vitupéra-t-il. C’était ton plan depuis le début, n’est-ce pas ? Faire semblant de prêter allégeance à l’armée pour mieux nous trahir par après !
— Non…, tentai-je d’articuler. Je voulais vraiment… défendre mon pays… mais j’ai réalisé que… toute cette guerre était une supercherie.
— Arrête de dire des choses pareilles ! Jamais ma loyauté envers Carône n’a failli, et je pensais pouvoir vous transmettre chacune de ses valeurs. J’avais confiance en toi, en Vandoraï, en Shimri, en tous les autres ! Voilà donc ma récompense pour ma dévotion… Des morts par centaines et des déserteurs par dizaines !
De l’air, par pitié… S’il continuait ainsi, ma figure bleuirait à l’excès, et je sombrerais de nouveau dans l’inconscience qui me guettait depuis des jours. Soudain claqua une porte : Jalode émergea au-delà du seuil, foudroyant Maedon du regard.
— Lâche tout de suite ma nièce, somma-t-elle.
— Après nous avoir trahis et tués plusieurs des siens ? protesta mon commandant. Chaque rebelle capturé a été emprisonné, alors pourquoi a-t-elle le privilège de se trouver dans une aussi grande chambre ?
Maedon me lâcha au moment où la générale retroussa les manches, les traits aussi affûtés que des poignards. Je respirais enfin, j’avais l’impression de suffoquer ! D’une perception réduite à une vision perturbée, je vis Maedon s’incliner face à l’intimidation de sa supérieure. Après quoi Jalode lui fracassa le nez de son poing, le faisant chuter à terre, l’humiliant jusqu’au saignement.
— Un ordre est un ordre, lâcha-t-elle. Souviens-toi de ta place, Maedon Farno. Souviens-toi que la moitié de l’armée souhaite ta destitution et l’autre moitié ta mort. Et surtout, rappelle-toi que si tu es encore commandant, c’est parce que je le tolère. Denna restera dans ton unité que cela te plaise ou non. Est-ce bien clair ?
Maedon, agité de sanglots moites, hocha chichement la tête, pourtant ma tante la saisit et l’écrasa sur le dallage. Elle le roua de tant de coups qu’elle éclata certaines de ses dents et faillit lui rompre la mâchoire ! Pourquoi le fluide vital jaillissait encore avec profusion ? Pourquoi les conflits se réglaient encore et toujours de cette manière ? Mon commandant, tout en sang et larmes, détala au premier instant de répit, ce dont Jalode se moqua ostensiblement.
D’un coup d’œil trop attendrissant, la générale enroula ses bras autour de mon corps. Elle me porta même jusqu’au lit où elle m’assit et s’installa à côté de moi. Les sillons de son visage semblèrent s’atténuer à l’avantage d’un sourire… pour le meilleur comme pour le pire.
— Si j’avais su, soupira-t-elle, je ne t’aurais jamais mis sous les ordres de cet imbécile… Hélas, mes priorités se situent ailleurs, donc tu devras encore le supporter un moment.
— Je ne comprends plus rien…, fis-je, désorientée. Où sommes-nous ? Combien de temps s’est écoulé depuis…
— Respire, mon enfant, et constate. Certes nous avons dû te soigner une fois de plus, mais tu as été assez éveillée pour appréhender notre avancée. Malgré vos révoltes idiotes et dispersées, la stratégie a fonctionné ! Même ces imbéciles d’Herianne et de Rafon s’y sont mis !
— Les généraux ?
— Ne feins pas la surprise ! Je subodore que vous étiez tous de mèche. En effet, mes deux anciens amis ont jugé bon de baisser les armes et de secourir un maximum de Ridilanais. Ils ont camouflé leur traîtrise en solidarité, et sont revenus en triomphe, se targuant d’avoir triomphé sans violence. Cette décision nous a affaiblis ! Hélas, ils sont du même grade que moi, je ne puis rien faire contre eux…
Jalode pesta, mais un sourire germa en coin de visage.
— Nous sommes proches de conquérir la capitale, se vanta-t-elle. Un chapitre de notre histoire que Nalionne a hâte de rédiger, m’a-t-elle avoué récemment !
— Vous avez conquis ce château ? fis-je, manquant de m’étrangler.
— Pas que celui-là, mais je l’affectionne tout particulièrement. Ce fut un plaisir immense de décapiter tous ces nobles, eux qui se croyaient en sécurité grâce à l’insurrection de nos troupes. Rarement m’étais-je targuée d’un tel triomphe !
Elle me désigna l’ensemble des fresques de cette chambre à la manière de trophées ! Impossible de me détourner quand elle déposa sa main glaciale sur mon épaule…
— Intéressant, n’est-ce pas ? s’enorgueillit-elle. Il s’agissait de la chambre du peintre du château, un jeunot paré d’ambitions mâtinées d’un brin de piston. J’ai moi-même coloré sa tunique, avec mon poignard pour pinceau ! En ralliant les troupes, en ramenant les prisonniers rebelles ici, j’ai voulu t’offrir un cadeau rappelant autant tes origines que notre lien familial. Je suis attentionnée, tu peux l’admettre !
Pas une goutte de sang ne maculait le pavé… Ce discours soulignait toutefois de malsains desseins : Jalode banalisait la violence sans le moindre tact. Voilà précisément ce que nous cherchions à éviter en provoquant la sédition. Nous avions échoué. Dorénavant, ma tante m’associait à ses propres actions… Hors de question de lui ressembler !
— Pourquoi m’accorder ces privilèges ? m’insurgeai-je. Je me suis rebellée !
— Nul besoin de te dévaloriser, contesta Jalode. Je sais ce que tu as fait mais j’estime que tu as été assez punie. Après tout, en dépit de quelques lâches introuvables, chaque soulèvement a été avorté. Des victoires assez désavantageuses, cela va sans dire, mais nous avons gagné du terrain et disposons de temps pour nous ressourcer. Plus personne n’osera se rebeller, désormais, tant les survivants libres sont peu nombreux et dispersés. Il ne reste plus qu’à régler le cas de ces deux généraux… Toi-même, tu as perdu des proches dans cette histoire. La petite Dunshamonaise s’appelait bien Shimri Elunawa Kinaos ?
— Alors elle est morte pour de bon…, déplorai-je.
— Un décès regrettable, au contraire de ce maudit sergent qui a emporté une de mes meilleures commandantes dans la mort ! Tu t’étais attachée aussi à lui. Kiril Molher, il me semble ?
J’opinai du chef malgré moi.
— Fâcheux incident, reprit la générale. Au moins, nous avons éradiqué la majorité de la dissidence au sein de nos rangs.
— Vous êtes en train de dire… que cela vous arrange ?
— Pas exactement, nous avons perdu de bons soldats, qu’ils fussent partisans ou opposants. J’affirme juste que les survivants n’ont plus le choix : se conformer et se battre. Comprends-tu, Denna ? Tu as eu ta petite crise, comme tout le monde à ton âge, mais c’était l’étape nécessaire pour que tu deviennes une soldate fidèle aux valeurs de notre civilisation. Sans ta récente altercation avec Maedon, tu es même une sérieuse candidate pour être nommée sergente !
Jalode me caressa les cheveux d’un doigté bien trop appuyé. Son sourire paraissait s’élargir de secondes en secondes… Quelles ambitions ourdissait-elle à mon égard ? De telles faveurs m’exposaient aux critiques d’autrui, elle devait en être consciente, sinon elle ne me dévisagerait pas avec pareils rictus !
Soudain, de façon exceptionnelle, elle se rembrunit et inscrivit son regard dans la profondeur du mien.
— Je tenais à m’excuser, s’épancha-t-elle. T’embrigader de force dans l’armée constituait un moyen de faire souffrir mon cadet et ma belle-sœur, et pour être honnête, je n’aurais jamais imaginé que tu excelles dans le domaine, et encore moins que tu mes sauves la vie ! Pardon pour t’avoir mal jugée… Tu es peut-être la mieux placée pour me comprendre.
— Vous trouvez ? questionnai-je, fronçant les sourcils.
— Pas d’hypocrisie avec moi ! Je connais ma réputation au sein de l’armée. Sache que mon attitude et mes décisions découlent d’une logique implacable. Oh… Je ne t’ai jamais narrée mon histoire, pas vrai ?
— Mon père nous racontait de temps en temps, quand il osait en…
— Je ne veux pas de son opinion biaisée ! Écoute plutôt ma version, plus objective, pour profiter de ce répit. On me dit violente et cruelle, mais est-ce que mes contempteurs ont vécu mon existence ? D’aucuns prétendraient que, comme je suis noble, je ne connais pas la vraie souffrance. Foutaises ! À quoi cela sert d’être nourrie et logée décemment si c’est pour subir le mépris de toute une classe sociale ?
— Sans vouloir vous offenser… Père vous dépeignait comme quelqu’un de très bagarreuse.
— Ce n’est pas offensant : la violence est le meilleur moyen pour parvenir à ses fins. J’ai eu diverses altercations avec des individus de toute classe sociale. Quand j’avais dix ans, mes stricts parents refusaient que je porte une arme, sous prétexte que j’étais trop jeune et qu’il ne fallait pas en confier à n’importe qui. Pourtant le fils de la forgeronne portait une dague sur lui au même âge que moi, pour se protéger en cas d’agression ! J’ai naturellement essayé de m’en emparer et je lui ai démoli le portrait. Sa génitrice, assez courroucée, m’a donc corrigée en me frappant les genoux avec son marteau, ce qui lui a valu un misérable petit mois de prison… Maudite justice laxiste !
— Il ne nous a pas racontés cet épisode-là…
— Traumatisé à coup sûr ! Loin de moi l’idée de passer pour une agresseuse, surtout que j’ai agi en légitime défense dans près de la moitié de mes duels. Mais j’étais toujours considérée comme la coupable. Comme la fois, peu après mon douzième anniversaire, où trois filles de nobles m’ont attaquée dans un jardin. Elles n’avaient aucune chance face à moi, elles sont donc allées se réfugier dans les jupons de leurs parents après une bonne correction. Et qui a récolté mépris et châtiments ? Moi, comme toujours !
Jalode plaqua ses mains contre mes tempes et me lorgna dans le regret d’une jeunesse révolue.
— J’étais l’enfant turbulente ! lança-t-elle. Parce qu’il s’intéressait à la science, à la culture, et à toutes ces futilités, mes parents étaient derrière lui ! Quelle bonne idée que de se claustrer dans de vétustes ouvrages pendant que des miséreux mourraient de faim dans les bas quartiers ! Moi, je découvrais le monde, je voyais les soldats rentrer de patrouilles, les yeux pétillant d’admiration. J’ambitionnais de m’engager dans l’armée dès mon plus jeune âge, ce que ma famille avait toujours refusé. Mais ils n’eurent pas le choix : ils ne pouvaient pas imposer indéfiniment mon avenir !
Ma tante se redressa pour mieux se mettre en exergue. Dominant de toute sa stature, elle me jeta d’emblée au bas de mes idéaux !
— Alors je me suis enrôlée dès mon seizième anniversaire ! affirma-t-elle. Enfin libérée de l’influence des nobles et de leur écrasante volonté d’imposer mon avenir ! Hélas, même si j’étais déjà consciente des problèmes du monde, envieuse de m’extirper de cette bulle de privilèges, je gardais une certaine naïveté. Une aussi grande institution ne pouvait pas abriter que des individus fréquentables.
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