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25 septembre 2022 – 5h55

Vitry-sur-Seine (94)

Les deux fourgons d’intervention s’étaient garés en amont et en aval du bâtiment, avenue du Général Leclerc. Une voiture stationnait sur l’avenue Maurice Thorez pour cadenasser l’ensemble des 9 H.L.M abritant un ensemble d’âmes indénombrables encore dans les bras de Morphée.

Une seule voiture banalisée avait été autorisée à s’approcher de la cible pour permettre une évacuation d’urgence en ultime recours. Arrivée entre 2 et 3 heures du matin, les deux flics s’étaient fait le plus discret possible pour ne pas griller le dispositif. La discrétion restait la clef majeure du succès d’une intervention aux aurores dans une cité qui ne dormait jamais les deux yeux fermés.

Le briefing du matin avait souligné l’extrême complexité de verrouiller tous les points de fuite, la ligne 7 avec la station Mairie de Vitry et surtout la présence d’autres barres à proximité. Un feu prêt à s’embrasser à tout moment, rapidement incontrôlable pour un effectif aussi réduit.

- Capitaine Bauroix ?

- Exact.

- Slivanzi. Lui c’est Mornet, il mène la première colonne. Départ dans trois minutes. Vous et vos hommes resterez en retrait jusqu’à sécurisation de la cible. Ça part très vite dans ce genre de trou.

La double poignet de main fut ferme. Bauroix ne s’opposa pas à la requête, bien au contraire. Levalet et da Costa échangeait avec l’officier de coordination. Noldssen décryptait un nouvel environnement : les cités. Des tours ou des barres de bétons dressées à la verticale les unes à proximité des autres pour y parquer les populations les moins aisées. Le phénomène existait sur sa terre natale, mais l’atmosphère bien différent. Ici, elle sentait l’appréhension en dessous des cagoules, la peur se nouer dans le ventre de ses collègues. L’échec du bien vivre ensemble.

Tout le monde recula de plusieurs mètres sous les instructions de Slivanzi qui monta dans l’un des véhicules et s’équipa d’un micro. Les hommes en noir s’activèrent à 6h05. Deux chenilles de sept hommes se déplacèrent avec un incroyable silence malgré leur équipement.

Traverser la rue resta un jeu d’enfant, les lampadaires n’éclairaient plus depuis un moment. L’obscurité comme meilleur allié, une ironie pour les représentants de la loi. Le bâtiment du milieu se retrouva prit en tenaille par des files ordonnées et coordonnées pour l’infiltrer.

Le premier dressa son bouclier TENCATE Targa-light CX lorsqu’il reçu l’ordre de s’arrêter à dix mètres de la porter d’entrée du bâtiment. Aucune lumière dans le hall, zone de danger immédiate. Le rempart se détacha du groupe, accompagné d’un autre, fusil d’assaut pointé droit vers l’inconnu et flashlight allumée.

- R.A.S.

La colonne se reforma aussitôt et laissa la seconde investir la cage d’escalier.

À l’aide des trois écrans portables disposés dans le coffre en mini centre de commandement, Bauroix assista à la progression marche après marche. À chaque étage, les hommes de la première unité couvraient les accès, permettant à leurs compères de sécuriser les lieux et d’écarter tout danger.

L’opération se déroula sans accros jusqu’au dernière dalles reliant le cinquième. Deux portes à droite, une à gauche et une au fond du couloir.

- Cible à dix mètres. Porte à deux points, bélier uniquement.

- Reçu, cinq sur cinq.

Les hommes se rapprochèrent dans un silence religieux. Chaque pas diffusait un shoot d’adrénaline supplémentaire dans leurs veines, blindées à ne plus quoi savoir en faire. À distance raisonnable, l’un d’entre eux détacha de son dos un tube de 20 kilogrammes qu’il attrapa par les deux poignées. Appuis ancrés dans le sol, il attendit le signal.

Une tape sur l’épaule.

Le poids fut propulsé en pleine serrure. La battant couina dans un craquement. Nouvel impact. Le premier point céda, libérant un accès inexploitable en l’état sur le bas de la porte. Le bruit poussa les premières lumières à s’éveiller dans les appartements. Un voisin se risqua à entrouvrir sa demeure et fut congédié par une main.

Le troisième coup fractura la planche en deux qui s’écroula dans l’appartement. Plus rien ne les retenait. La vague noire se propagea entre les murs. Les secondes s’égrainèrent aussi lentement qu’un dernier souffle de vie. Les hommes déboulèrent pièce après pièce, ouvrant chaque porte, chaque placard, mais pour un résultat identique : « R.A.S ».

La radio cracha dans le véhicule :

- 6h11, lieu sécurisé, aucune cible appréhendée.

- Répétez ?

- Appartement vide, aucune présence du colis, chef.

Le message sonna comme une claque. La colère monta en un quart de tour. Bauroix se projeta vers le bâtiment, Levalet et Da Costa dans ses pas. Comment ce sale gosse avait-il pu leur filer entre les doigts sans jamais quitter son bloc ? La planque n’avait pas fourni un quelconque mouvement de leur objectif. Valentini allait les étriper.

Le lieutenant Levalet fila dans les étages pour inspecter la maison. Da Costa décrocha le téléphone pour s’entretenir avec le substitut de permanence quand un signal bipa à sa ceinture avant d’émettre son message :

- Suspect en mouvement, il traverse l’avenue Maurice Thorez, direction la promenade des petits bois.

La déception s’effaça au profit d’une détermination retrouvée. Les muscles se contractèrent, le coeur à cent quatre-vingt-cinq pulsions pour propulser le sang et l’oxygène nécessaires à mettre en action la machine. Les deux flics déboulèrent dans les phares de la patrouille déjà stationnée à l’entrée du parc.

Lotta les avait rejoint avec du renfort, alertée par la soudaine agitation du responsable d'unité du RAID.

- Toi, toi et toi, vous contournez par la première à gauche avec un véhicule. Vous, la même, mais de ce côté. Vous prenez Da Costa en plus. Le reste, avec moi.

Ses ordres distillés, Bauroix s’engagea sur le chemin de terre, Sig Sauer à la main, canon prêt à lâcher sa première ogive de calibre 9mm.

Les premières lueurs permettait d’entr’apercevoir sur une quinzaine de mètres tout au plus. Suffisant pour parer une attaque, mais assez peu pour anticiper les mouvements du fugitif. Le groupe progressa au ralentit, ses cinq sens en alerte maximale pour capter toute information.

Un branche craqua.

Tension nerveuse immédiate. Les hommes braquèrent leurs armes en direction d’un homme sur le sol, à moitié endormi. Les torches l’aveuglèrent si bien qu’il n’eut que ses mots pour se défendre.

- Ne tirez pas, bredouilla le sans domicile fixe.

Mauvaise pioche. Bauroix voulut masquer son énervement sans y parvenir. Il soupira comme un boeuf et continua sa traque. À la première intersection, le groupe de six se divisa en deux pour couvrir les deux allées se retrouvant cinquante mètres plus loin.

Leurs yeux cherchaient l’introuvable. Leur cible connaissait le terrain bien mieux et il en tirait un avantage certain pour échapper aux mailles du filet.

Une forme jaillit d’entre les arbres, se figea une fraction de seconde et reprit sa course.

- Ne bouge pas.

La sommation n’eut pas de répercussion. Il était là, devant eux. Bauroix s’élança. Souffle haletant, fatigue musculaire, tous les signes d’une poursuite à la faveur du criminel. Il n’aimait pas ce tableau, son corps n’avait plus le gaz. Le suspect s’éloignait irrémédiablement.

Une forme filant au loin dans la lumière du jour levant.

Puis il s’arrêta net. Projeté au sol, la tête en première contre le bitume. Un corps inerte, neutralisé en un claquement de doigt. Un retournement de situation tombé du ciel qui arrangeait presque tout le monde.

Bauroix et les cinq homme du groupe d’intervention comblèrent la distance au petit trot, impatience de mettre un visage sur le miracle dont il avait bénéficié. Mains sur les hanches, il découvrirent un spectacle pour le moins inattendu.

La nouvelle, pleine de maîtrise et d’assurance, resserrait les pinces autour des poignets de sa prise. Elle clôtura son oeuvre par quelques mots d’amour :

Tu me sèmes une fois, mais pas deux. C’est bien compris, connard ?

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