Sale pute

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Quelle pute ! Je l’ai vue l’autre fois traverser la route en faisant voler sa robe à fleurs trop courte. On voyait presque sa petite culotte à dentelle rose. Des (sous-)vêtements de pucelle vous me direz mais vous pensez pas si mal dire. Où vous croyez qu’elle allait la mignonne ? Rejoindre un mec, ben oui. Elle a regardé l’heure sur son téléphone tout de suite en montant sur le trottoir, puis elle a ouvert grand les yeux et a pressé le pas en faisant toujours remonter son habit d’allumeuse. Elle devait être en retard. Elle est passée devant Momo, assis par terre en tenant un gobelet avec deux trois pièces dedans, sans lui adresser un regard, la tête haute en fixant un point droit devant elle. Vous allez pas me faire croire qu’elle avait pas vingt secondes et cinquante centimes à lui accorder… Connasse.

Devant les vitrines son reflet la rendait encore plus belle, laissant apparaître une coupure sur sa joue. Ca lui donnait un côté sauvage qui me plaisait bien.

Après cinq minutes de course, elle est arrivée à la fontaine essoufflée, et tout ça pour quoi ? S’assoir. Elle avait couru pour attendre. Attendre quoi ? Ou plutôt, qui ? J’avais parié dans ma tête qu’elle venait pour se faire tringler. Les jets d’eau derrière elle mouillaient de temps à autre ses cheveux décoiffés, et soudain c’est comme si sa coiffure imitait sa culotte. Je la voyais la minette, de loin. A ce moment-là, j’étais sur la terrasse du Scheffer et je l’avais pile dans mon champ de vision. Elle attendait que ça, qu’on l’aborde et qu’on lui dise qu’on voulait la sauter. Pourquoi une robe si courte sinon ?

J’en ai eu marre de la voir patienter. Personne ne venait, alors je me suis levé, j’ai laissé assez de sous sur la table pour payer ma bière, j’ai attrapé ma veste, mon portable et mes couilles et j’ai commencé à marcher dans sa direction. Plus j’approchais de la proie, plus ses traits se détaillaient et j’apercevais bientôt la couleur de ses yeux : un banal marron qui devenait caramel quand le Soleil l’aveuglait. Même si elle était jeune et sa peau divine, elle avait de véritables tombes creusées sous ses yeux. Et c’était pas le manque de sommeil, j’étais à mi-chemin maintenant et je sentais déjà l’odeur de sel qu’elle dégageait : elle puait les sanglots, ça empestait, son visage criait et suppliait qu’on la sauve. J’ai grimacé quand j’ai senti sa tristesse, mais j’ai pris sur moi pour ne pas me dégonfler. Il suffisait que je la fasse sourire pour que l’odeur disparaisse.

J’avais plus qu’à traverser la route pour la rejoindre mais trop tard : elle s’était levée et était allée vers un gamin qui se tenait à l’ombre, devant le Monoprix. Il était d’un ridicule..! Lunettes de soleil vertes et trop grandes pour son visage d’enfant, le teint pâle et angélique, cheveux blonds bien tirés en arrière, jean en bas des fesses, baskets pas lacées. Alors c’est ça maintenant l’idéal masculin? Le pire, c’est qu’il avait fait semblant de pas l’avoir vu arriver quand elle s’était approchée pour lui faire la bise ! Alors que ça faisait dix bonnes minutes qu’il la matait en se cachant derrière le camion de gaufres…

Ils sont partis ensemble en longeant lentement les boutiques. Elle avait un sourire gêné, et lui une expression sereine. Je les ai suivi d’assez loin pour pas me faire repérer. J’arrivais parfois à capter des bouts de conversation :

« T’habites loin ? elle avait demandé.
— Roh, tu commences déjà à te plaindre.
— Je ne me plains pas ! Simple question. Je m’intéresse à toi, c’est tout. »

Leurs yeux criaient d’envie, dévoraient l’autre. Il lui a lancé un sourire, elle le lui a rendu, et elle a mordu ses lèvres sans qu’il ne le voit – ça a fait sauter le bouton de mon pantalon. Merde alors, elle me faisait bander la minette. Ils ont continué à marcher, en empruntant la rue qui descend après l’Arquebuse. Il y a eu un silence, et puis comme un coup de marteau il a fait tomber les mots qui suivent :

— Pourquoi tu ne viens plus en cours ?

Elle a détourné son regard du sien, a fixé le vide devant elle un instant, restant toujours fidèle au silence. Je l’ai vu poser instinctivement sa main sur la coupure de sa joue. Ce qu’elle était belle… Le soleil perçait les immeubles et elle était éblouissante, un véritable être de lumière parmi les serviteurs de l’ombre. Je me demandais comment il faisait pour se retenir de lui sauter dessus, s’il manquait de courage ou si justement il en avait une sacrée paire pour se retenir comme ça.

Ses lèvres se sont entrouvertes… Putain, on ne voyait qu’elle, l’unique illuminée. Comme pour dire quelque chose, elle est restée la bouche bée en cherchant ses mots, puis elle l’a refermée et le blondinet n’y comprenait plus rien. Il n’y avait pourtant rien à comprendre gamin, « t’occupes pas de ses états d’âme, ça te concerne pas. Tout ce dont tu dois te préoccuper c’est sa petite paire de fesses rebondissantes. » Mais j’avais beau le penser très fort, il semblait qu’il ne m’avait pas entendu, et il avait passé sa main dans la sienne comme un loveur.

J’étais à une dizaine de mètres, silencieux comme jamais, comme une ombre derrière eux. Arrivés à un passage piéton, il passa son bras autour de sa taille et elle fit de même.

— J’habite à cinq minutes d’ici, au cas où t’en aurais déjà marre de marcher.

Elle a ri avant de s’engager sur la route pour traverser. Je me suis dépêché de les suivre, mais trop tard. Un « convoi exceptionnel » de merde m’a stoppé dans ma lancée avec la file de voitures qui roulaient au ralenti juste derrière lui.

Trois bonnes minutes ont passé, et je voyais le corps de l’ange disparaître peu à peu derrière la côte juste en face de moi. Quand enfin j’ai pu continuer mon chemin, je me suis mis à courir pour les rattraper ; j’ai atterri à un carrefour à peine 100m plus loin. J’avais perdu son petit minois, et c’est ce gamin qui allait en profiter. J’avais la rage.

J’ai fait demi-tour comme un connard, les mains dans les poches et les yeux qui regardaient par terre. J’avais l’air déprimé. En fait, j’étais juste frustré de pas avoir pu me la faire.

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