Un jour comme les autres
La lumière du soleil d'été éblouit tout Paris. Une belle journée pour emmener mes triplés de deux ans au jardin du Luxembourg. Je sors de notre Pizzeria, poussette en mains, tourne sur la rue Guy-Lussac, puis bifurque à gauche sur la rue de l’Abbé de l’épée. En passant devant l’arrêt de bus, Auguste Comte, ligne 82, l’affiche publicitaire de l’abri m’interpelle.
Déodorant OLAN
Promesse d’une ascension de fraicheur !
Premier produit d’hygiène non genré, 100% bio
Respectueux de l’environnement.
Je secoue la tête. Quel jeu de mots. S’ils savaient ce que mon mari en fait, ils rigoleraient moins dans la boite de com. En parlant de ça, je dois me rendre chez Adèle dans une heure. Petite balade pour m’aérer l’esprit avant mon rendez-vous d’affaires.
Je passe la grande grille de l’esplanade Gaston Monnerville. Je ne m’attendais pas à voir autant de monde. Toute la pelouse est occupée ! Tant pis, je me dirige vers le bassin octogonal. Mes enfants joueront avec leur caravelle miniature, en espérant qu’il ne chavire pas trop vite, bousculé par les yachts motorisés.
Une chaise estampillée Sénat vient de se libérer. Je m’installe.
Revenons à notre discussion. Vous vous demandez certainement ce que fait mon mari avec ces déodorants ? À vous, je peux le dire. Nous avons acheté un stock d’une centaine de ces produits. Pas pour son odeur de pampa au yuzu, mais pour son contenant. Je n’ai pas tout compris en détail, mais en gros, le flacon est fabriqué de sorte qu’une cavité permette l’aération continue du produit sans dégager de substances toxiques pour la planète. C’est ce trou qui intéresse mon homme. Hum, vous aussi, vous trouvez cette tournure étrange ? Je m’explique. Il utilise ces bouteilles pour y cacher des sachets de cocaïne. Plus clair ainsi, vous ne trouvez pas ? L’odeur du parfum empêche les chiens renifleurs de détecter la poudre. Astucieux, non ?
Ah, mon téléphone sonne. Quand on parle du loup...
— Oui Matteo ?
— T’as vu Adèle ?
— Pas encore. J’y vais dans trente minutes.
— Dépêche-toi, la came arrivera plus tôt que prévu dans la soirée. Je dois tout stocker au sous-sol. Et il me faudrait 50 flacons de plus.
— Tant que ça ?
— S’il te plait, gattina mia*.
— Mais Adèle va finir par avoir de sérieux doutes ! Plus de 200 achats réalisés en deux mois, c’est louche !
— Dernière fois, promis.
— Tu dis ça tout le temps.
— Je trouverai un autre produit. En attendant, achète-moi ces déos, ok ?
— …..
— Allô ?
— Désolée, je n’entendais plus rien, avec ces mômes qui braillent dans mes oreilles !
— Qu’est-ce qu’ils ont ?
— Leur navire à voile est cassé. Je les avais prévenus pourtant de ne pas l’emmener au parc !
— Je leur en achèterai un autre. Même trois ! Un pour chacun, comme ça, pas de jaloux.
—Quel père bienveillant !
— Avec mes amours, toujours.
— Je t’embrasse.
— Ti amo.
Il raccroche, je soupire. Je regarde l’heure de ma montre. Les enfants sont intenables, ils rugissent, s’ennuient, réclament la Switch. Allons chez Adèle, ils s’amuseront chez elle. Voilà ma routine journalière. Et vous, quelle est la vôtre ?
***
*mon petit chat / chaton
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