Celui qui laissa libre cours à ses sentiments

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  • Tu promets d’être sage ?

Remettant une mèche derrière son oreille, Lila posa délicatement sa main sur la joue de Donovan. Ce dernier, encore sous l’effet de la somnolence, lui offrit un simple hochement de tête. Il reprit ses esprits à la vue de ses parents, à quelques mètres de lui et entourés des gardes du clan.

Leur attention fixée sur eux, Donovan hésitait plusieurs secondes en serrant la main de Lila. D’une manière ou d’une autre, elle lui procurait une sorte de tranquillité.

  • Tu m’as promis que je deviendrai fort sans frapper les autres…
  • Et tu le seras. Un jour, ton nom sera acclamé par l’admiration.
  • Comment être respecté sans se battre ?
  • Les mots sont des armes, apprends à les manier et ton destin sera tiens.

Donovan inspira et expira à grandes bouffés. Sa main la lâcha alors que ses pas le menèrent à ses parents. Plus il se rapprochait, plus leurs expressions chagrinées devenaient plus visibles. Le visage de sa mère, qu’il connut froid, déformait ses traits en une tristesse sans nom, les larmes saillant le long de ses joues. Quant à son père, ses sourcils crispés démontraient sans doute sa frustration.

Lorsque Donovan arriva face à eux, il sentit son corps enveloppé par les bras de sa mère et elle le serra contre son torse. Quelques sanglots échappèrent de sa bouche, ainsi que des mots inaudibles. Ses cheveux, déjà ébouriffés, accueillirent la paume géante de son père.

  • Sa majesté nous attend, rappela Byron Corentin après s’être raclé la gorge.
  • Nous devons y aller, Lila.

La concernée contempla la scène devant elle en silence, étouffant une nostalgie qu’elle ne reconnaissait pas, puis se retourna enfin vers la direction du palais.


L’atmosphère lourde de la pièce titilla l’intérêt des nouveaux arrivants. Leur attention, traînée par leur mutisme, les toisa de haut en bas sans réellement cacher la surprise sur leurs visages. Le dos droit et les épaules fières, Byron aspirait toujours cette autorité sourde, en dépit de son caractère jovial. Quant à Luna, la veste de sa tunique autour de Lila, les muscles de ses bras leur parurent maigres et frêles.

  • Votre majesté, ploya-t-il le genou, je vous prie de bien vouloir excuser notre retard. Lila de Glasmartre devait reprendre des forces.
  • Le repos est-il bien plus important que mon ordre ?
  • Bien sûr que non, votre majesté ! Mon expérience m’a poussé à le lui accorder afin d’en bénéficier plus. Un suspect inapte à répondre aux questions n’apporterait que perte de temps.

Amaël grimaça et se rassit sur son trône.

  • Mon seigneur, commença Luna en s’avançant d’un pas, je vous remercie de m’avoir octroyée la réunion d’aujourd’hui. Ainsi qu’à votre présence, à vous tous. Il… Il est tôt, très tôt même, mais je vous assure que vous ne serez pas déçus-
  • Viens-en au fait, clama Ciara.
  • Je sollicite votre bonté afin de plaider la cause de Lila de Glasmartre, mon seigneur…
  • Plaider sa cause ? Ne crois-tu pas que c’est trop tard ? Cette garce ne mérite pas de vivre !
  • Insulte-la encore devant moi et je ne donnerai pas cher de ta peau, la menaça Nolan en serrant la mâchoire.
  • Silence ! Continue, Luna.
  • Je vous remercie, votre majesté, sa voix trembla un peu. Ce que vous vous apprêtez à apercevoir est… Peu commun, ou plutôt pas commun du tout et-
  • Crache le morceau !
  • Ferme-la !

Tous se turent tandis que leurs regards se fixèrent sur Enora Moshtnost.

Elle n’élevait jamais la voix, mais à accumuler la fatigue, le moral bas et ses insomnies, il y avait de quoi craquer devant le comité. Son intervention avait eu l'effet d’une explosion à l’intérieur de Luna qui stressa de plus belle. La perplexité la voila alors qu’elle tourna et retourna ses propos dans sa tête, incertaines de leur impact.

  • Tu ne vois pas qu’elle est sous pression ? Écoute-la au lieu de lâcher des commentaires absurdes.
  • Ciara, tonna Amaël, je me verrai dans l’obligation de te retirer si tu ne gardes pas ton calme. Ne vois-tu pas que ça endommage notre communication ?

Ses doigts se triturèrent une énième fois, tandis que l’angoisse brouilla son esprit. Les mots se perdirent et son motif disparut, alors que des questions bombardèrent son cerveau. Luna ferma les yeux d’un geste brusque. Puis, en frôlant doucement son bras, la main de Lila s’immisça dans la sienne et y exerça une pression. Cet acte réussit à briser tous ses tourments et Luna la gratifia d’un sourire discret.

Un sourire qui ne manqua pas aux yeux de Breig.

  • Pardon, votre majesté….
  • Votre majesté, résonna sa voix encore plus confiante qu’avant. Beaucoup d'opinions ont tonné dans cette même pièce, à l’égard de l’affaire de Lila de Glasmartre. Laissez-moi plaider sa cause, je vous en prie.
  • Il n’est pas question de défendre. Accusée de trahison, puis de vol et de meurtre, de simples mots ne pourront point empêcher son châtiment. Cette affaire a duré beaucoup trop longtemps. En tant qu’empereur, mes devoirs sont divers et urgents, alors résumez vos bêtises.
  • Si je puis me permettre, tenta Lila, peut-être qu’une démonstration pourrait vous convaincre de mon innocence ?
  • Comment comptes-tu le prouver ?
  • Avec Luna Lund.

Cette dernière détourna subitement le regard vers Lila qui lui esquissa un rictus. Luna hésita, puis reprit :

  • Je me propose volontiers, votre majesté. Puis-je me rapprocher avec Lila ?

Amaël hocha la tête, sous la surveillance du comité. Les deux femmes se rapprochèrent et l’Anakrit posa une main hésitante sur son front, tandis que la seconde invita celle de Lila. La veste glissa légèrement de son dos alors qu’elle arpenta les marches vers le trône.

  • Lila ! Que t’est-il arrivé ? demanda Nolan en se précipitant vers elle.

Retenue soudainement par le bras, elle perdit l'équilibre et tomba sur le torse de Nolan. L’impact lui arracha un cri de douleur alors qu’elle se dégagea de son étreinte avec mépris. Recroquevillée sur elle-même, la veste quitta son dos pour découvrir sa robe déchirée et les traces encore fraîches des coups de fouet. L’estafilade étirée par le mouvement du muscle, la croûte craqua et le sang entama une longue course sur son dos.

Le comité ne broncha pas.

Ce fut Enora qui se pressa à retirer son blouson et couvrit Lila. Cette dernière la remercia d’un hochement de tête et se releva avec douleur.

  • Qui t’a fait ça ?

Enora se tourna vers Nolan pour lui faire comprendre que cette question n'était pas la bienvenue à cet instant. Sauf que ce fut Breig qui s’avança d’un pas ferme, ses yeux rivés sur le dos de Lila.

  • Prest n’y est pas allé de main morte, répondit Luna par-dessus les marches.
  • Prest Yogh, n’est-ce pas ?

Tantôt inquiet, tantôt furieux, ce ton le transforma de la personne de tout à l’heure.

Il avait gardé son calme tout au long de l’entrevue, à observer et écouter dans un silence absolu. Toutefois, son cœur pinça à la vue des blessures sur sa peau. Cette peau, autrefois parfaite et douce, souillée par des méthodes immondes. Breig ne cachait plus son mécontentement, ses sentiments prenaient le dessus alors qu’une colère monstre rageait au fond de lui.

  • Où se trouve-t-il ?

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