Confortablement assise, au milieu de l'environnement virtuel matérialisé par les foglets [nuage de nano-robots capable de matérialiser toute sorte d’objets, pratiquement impalpables, à la manière d’une illusion], elle écoute longuement les dignitaires lui expliquer l'affaire. Rien de compliqué en réalité, mais chaque détail compte. Son métier lui a si souvent rappelé que la moindre petite chose pouvait complètement transformer la situation.

Les filaments lumineux qui s'entrecroisent et forment l'unique éclairage de la salle procurent une impression de calme et de contemplation. Ce dôme de lumière souligne les avatars de deux silhouettes assises en face. Quelques hologrammes accompagnés d'innombrables informations en réalité augmentée se tiennent au centre, tels une collection de secrets qu’on aurait enfin dévoilés.

L’objet de toutes les attentions est Alexandre Verner, un enfant de 6 ans que la malchance à fait naître sur Terre. Les informations proviennent de son père, Thibault Verner, un diplomate terrien venu dans les colonies pour travailler à l'effort de paix.

« Je ne comprends pas, si les contacts de Verner peuvent amener l'enfant jusque l'orbite, pourquoi envoyer une équipe pour aller le chercher ? Il y a déjà de très nombreux vols qui effectuent la liaison et la plupart des équipages prendront vraiment soin de lui. »

Tsadir n'est pas n'importe qui. Née sur cette Terre d’inconfort, elle avait autrefois fait le grand voyage, un petit pas comparé à ceux qu'elle avait ensuite fait. C'était bien avant la guerre, avant même que HIARTech ne devienne la cible numéro une de l'ONU. Elle avait tourné le dos à sa nation, à sa planète, qui ne lui laissait plus que des souvenirs méprisables. Et maintenant, on lui confie cette mission : aller chercher un gamin que son père a laissé derrière lui sur la demande de ce dernier.

« Je veux bien qu'il puisse avoir des regrets ou que sa situation se soit améliorée… Mais on parle d'un diplomate : il doit disposer de centaines de contacts qui ont la capacité de faire ce travail pour lui. »

De l’autre côté, hors du paisible sanctuaire, ses interlocuteurs réagissent enfin et l'éthéré prend la parole : « Je vais être franc : Verner n'a aucunement notre confiance. Nous le soupçonnons même de ralentir les démarches de son côté. Cette mission est devenue bien plus préoccupante que nous l'avions prévu initialement. »

Les mots font rapidement sens, le politique a tenté de continuer ses magouilles sans se rendre compte que les colonies ne fonctionnent pas de la même façon et sont bien mieux formé aux secrets. Ainsi, le moindre de ses faits et gestes est devenu suspect. Tsadir se replie au fond de ses pensées : aurait-il mis son propre fils en danger ?

« Je ne suis pas habituée à travailler avec des enfants. Ai-je le droit de rassembler une équipe ? »

Avec complicité, les diplomates sourient. Nonchalamment, l'éthéré reprend : « Nous avons annoncé deux personnes au contrôle spatial : nous pensions vous faire accompagner du père. Nous allons garder Verner ; engagez un autre agent qui a votre confiance. Nous sommes en train de préparer le vaisseau, vous devriez pouvoir partir dans une quinzaine d'heure. »

Profitant de la faible gravité, Tsadir se lève d'un seul mouvement lent et gracieux : « J'ai donc quelques affaires à préparer. Est-il possible de rencontrer ce Verner ? »