L'alliance

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L'homme affalé en position semi-couché, ne s'attendait pas à recevoir ce genre de message. La capture de Prest met en danger leurs opérations et les rumeurs sur la mise sous surveillance de Verner n'arrange pas non la situation. Ils s'étaient dispersés pour limiter la casse, mais ce n'est clairement plus suffisant.

Observant avec grand intérêt l'oeil de Jupiter qui au fil du temps commence à se réduire, Samias réfléchis. Paradoxalement, avec les lois terriennes et son entraînement, Prest ne risque pas de lâcher le morceau. En revanche, le “diplomate” se trouve dans l'espace colonial et, quel que soit son entraînement, si les soupçons se font trop forts, il risque d'être intégralement scanné.

Mais avant d'agir, il faut qu'il découvre pourquoi et comment Prest s'est retrouvé dans cette situation. Si c'est juste une affaire de corruption – ses anciens amis en ont l'habitude – aucune intervention ne devrait être utile. Mais s'il s'agit de quelque chose de plus sérieux, Samias doit prendre des mesures.

Effectuant un état des lieux de son ancien réseau, il se décide et contacte par SolNet l'un de ses passeurs. Adrien Terville, un Français dont l'épouse, Alexandra, possède ses entrées au conseil de sécurité. Eux sauront le renseigner à propos Prest.

Il prépare son message en choisissant ses termes de sorte à brouiller les pistes. Il demande ainsi des nouvelles d'une vingtaine de personnes avec lesquels il avait eu des contacts, y compris Prest et Verner du coup. Il invente par la même occasion une couverture, prétextant songer revenir sur Terre un temps.

Pour mieux parfaire les choses, il passe le message au crible d'une IA spécialisée. Ces entités un peu magiques pour lui, parviennent à faire des liens et des déductions dépassant les capacités humaines. En quelques itérations, le document est qualifié, puis envoyé.

La réponse mettra plusieurs heures à venir, au minimum deux, au plus… En fait, il n'y a pas vraiment de maximum dans ce genre de cas. En attendant la réponse, l'homme envoie quelques messages pour renouer avec d'anciens contacts, histoire d'anticiper une réponse décevante.

Au bout de deux heures, sa biologie réclame pitance et l'homme se lève et sort de son appartement et traverse la coursive. La section en rotation de la station orbitale offre une gravité d'un tiers de “g” et un magnifique panorama de Jupiter, tant qu'elle se trouve du bon côté de Io. Avec une période orbitale de l'installation de presque deux heures, ceci se produit finalement très souvent.

Samias avait déjà remarqué que Io présentait toujours la même face à Jupiter, comme la Lune le faisait pour la Terre. On avait tenté de lui expliquer que le phénomène concerne toutes les lunes du système solaire et qu'on l'appelait le verrouillage synchrone. C'est un fait dû aux forces de marées et si les mots lui semblent juste, le sens réel derrière lui échappe encore. En fait, les sciences n'ont jamais été son fort ; et il avait refusé les aides logiciels.

Enfin, il arrive au restaurant, de nombreux solaires sont les formes lui rappellent que dans la philosophie des colonies, le corps n'est qu'une enveloppe et l'esprit un logiciel, même si les plus pointilleux décrivent l'ensemble comme beaucoup plus lié. Malgré cette volonté d'ouverture et d'exploration, les colons restent majoritairement anthropomorphe. Cette situation lui convient, lui-même ne se voit pas endosser une forme autre.

S'il y a bien une chose qui lui plaît dans les colonies, c'est qu'on peut y manger un steak sans avoir une vache morte sur la conscience. Le miracle de la nanotechnologie et de ses constructeurs universels. Certains avaient même tenté de produire de la viande humaine, mais le statu quo reste de considérer cet acte comme une provocation ce qui dans les colonies est au mieux déconseillé, non pas que les solaires soient violents, bien au contraire, mais parce que les autorités aiment tant leurs administrés qu'elles les protègent de façons excessives.

Ce sera donc du rôti césar aux truffes avec « haricots-feuilles » et une pointe de salicorne, le genre de plat dont la valeur sur terre serait particulièrement surestimée et qui ici, ne vaut pas plus, ni moins, qu'un steak-frites ou un jambon beurre.

Durant son repas dans la reposante salle de la cantine, sa réponse arrive. Expédiant les informations concernant les personnes qui ne l'intéresse pas, il apprend, sans surprise, que Verner est parti dans les colonies assurer une mission diplomatique tandis que Prest serait en état d'arrêt pour trahison.

Trahison, les choses vont vraiment mal. Heureusement, l'ONU ne pratique la peine de mort que sur le champ de bataille, en dehors de la terre de préférence, mais Prest risque de ne pas revoir la lumière du jour de sa vie.

Sans la surveillance qui entour Verner, sa prochaine étape aurait été de le contacter. Ce qui est faux en y repensant : si Verner n'était pas sous surveillance, il ne s'en soucierait pas. Au fur et à mesure que le délicieux met coule dans sa gorge, il se décide : il doit réactiver le réseau et préparer quelques coups d'avance : il serait bête de laisser les choses empirer ainsi.

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