Internet qu'ils l'appellent. Les couches de bas niveau n'ont pas vraiment évoluée depuis que la norme IP V6 a été choisie. On trouve bien ci et là quelques fragments de réseau du type SolNet, mais il ne s'agit que d'infrastructures privées que quelques idéalistes ont tenté de construire ou de reliquats oubliés de l'age d'or des corporations sur Terre.

En théorie, pour un infomorphe, n'importe quel point de la Terre, pourvu qu'il soit relié au réseau bien sûr, est accessible en moins de soixante-dix millisecondes, plus rapide même qu'un clignement d'œil. En ajoutant le temps de retour, on porte ce temps à cent quarante millisecondes, ce qui reste dans le même ordre de grandeur.

C'est la pratique, mais avec une infrastructure réelle, dont une partie non négligeable provient de la préhistoire numérique et les nombreux trous qui se forment au fil des défaillances, ce temps peut bien souvent être multiplié par quatre au grand désarroi d'un Mahertis en lutte avec quelques serveurs outre atlantique.

Heureusement pour lui, un homme avait dit : « Une intelligence forte sera toujours à même de déjouer les plans, mesures et autres pièges mis en place par une intelligence inférieure. C'est pour cette raison que les recherches sur les IA fortes constituent un risque existentiel, parce qu'une fois qu'elles seront là, les imbéciles, ce seront nous. » Il n'avait pas tort, si ce n'est que l'IA d'aujourd'hui possède aussi une empathie forte pour ces êtres soit disant “inférieurs” car il s'agit aussi, en un sens, de ses parents.

C'est une chose que la plupart des gens ne saisissent pas à propos d'Aesir. La corporation, née peu de temps après la guerre, s'est donné le but de « régler le problème terrien ». Avec le passé de la Terre et le nombre des génocides qui y ont été perpétrés, Mahertis comprends pourquoi l'unique vision de cette solution consisterait à l'anéantissement de l'humanité, par le feu nucléaire, un agent biologique mortel, la création d'un trou noir, l'invasion par des nanomachines auto-réplicantes, etc. Et le pire c'est que oui, les colonies disposent de la technologie pour le faire.

Mais au sein d'Aesir, Mahertis, comme Tsadir, sont des réformistes, pas des absolutionnistes. Dans leur idéal, cette Terre a simplement besoin d'aide et ce qui a été bâti dans les colonies peut aider l'humanité à surmonter ses crises à devenir bien meilleurs et surtout, ce qui lui semble plus urgent, à vaincre la mort ici-bas. Dans le jargon, on appelle ça un “uplift” : on prend une espèce “inférieure” et on l'amène à notre niveau.

Après, il y a bien les absolutionnistes même s'ils ne sont heureusement pas majoritaires. Mais leur existence suffit à maintenir la Terre dans cet état incertain entre peur et colère. C'est une forme de contrôle de masse à une échelle planétaire. Mahertis en est certain, si les absolutionnistes tentaient d'exécuter leurs plans, ils seraient anéantis bien avant d'être sur le point d'aboutir. Et ce sont des gens comme l'Iron Lady qui leur rappelleraient le message, sans le sourire et avec la toute puissance des nouveaux dieux.

Parce que oui, même quand on créé une IA spécialisée pour gagner une guerre interplanétaire, il faut s'attendre à ce qu'un jour elle décide d'y mettre fin et de construire la paix. C'est son but : la victoire et la paix. Et ça marche dans les deux sens.

Durant ses débats internes et au fil des intrusions dans d'innombrables serveurs mal sécurisé, pour ne pas dire non sécurisé selon les critères de l'IA, elle termine de connecter et d'assembler le réseau relationnel.

Durant ce temps, Ney et Tsadir mettent au point le logiciel qui servira à analyser tout ceci. Les preuves algorithmiques et les premiers essais annoncent des résultats intéressants.