Un socle de sable et de fantômes
Le signal était remonté au Shard et comme prévu d'un seul coup, une puissante impulsion envoya le signal d'autodestruction. L'antenne de l'éclat se change immédiatement en un nuage de nanite accompagné presque simultanément par l'antenne relais et le dispositif d'espionnage du siège onusien. Les traceurs se changent en structures inertes et l'intégralité du havre des solaires s'effondre ne laissant qu'un tapis de poussière et de gel technologique au sol que la nature colonisera bien assez vite. Enfin, le réseau de surveillance de Wembley se vaporise, disparaissant plus vite qu'il ne fut posé.
« C'est fait. », annonce Ney.
Ainsi leur séjour sur Terre prend fin. Le directeur attend encore quelques résultats de ses enquêteurs, mais les données sécurisées par Tsadir semblent indiquer qu'Actual Communication finançait directement un ambitieux projet de recherche nommé “Confidence” avec toutes les nuances de ce terme anglais.
Il ne fait plus aucun doute qu'Actual Communication travaillait au service de Nemja Mahut, la secrétaire onusienne. La nature exacte des travaux reste encore floue, mais comme l'avait relevé Mahertis, l'équipe en charge avait rapidement été dépassée et avait envoyé Samias Hendell, un homme d'affaire, chercher de l'aide dans les colonies. Verner s'occupait des relations avec les entités politiques, mais comme les nouveaux dossiers l'indiquent, il a dû fuir la Terre alors qu'une affaire de corruption en Belgique était sur le point de le rattraper.
La grande question qui tracasse encore les solaires se focalise sur Alexander Verner, l'enfant qu'elles étaient venues chercher. Pourquoi cette hospitalisation et pourquoi l'avoir supprimé ainsi, en utilisant un puissant agent chimique pour détruire son cerveau, alors que ses assassins s'étaient contentés de méthodes plus traditionnelles pour les autres témoins ?
Et si quelque chose avait encore plus mal tourné que prévu. De-Montergny avance une hypothèse : sachant que les fonds allaient au département de mémétique de la société, en n'oubliant pas les cerveaux préservés et les brainscans, est-ce que ces laborantins n'ont pas développé une arme mémétique qui aurait commencé à leur échapper ? Par exemple, un mème dangereux qui se propagerait à l'oral ?
Ney continue d'écouter l'homme par politesse, mais elle désapprouve déjà les faits déductions de l'homme. L'exécution de code arbitraire sur un cerveau humain est possible, elle le sait très bien. Mais pour y parvenir, il faut beaucoup de données et être capable de simuler l'état de pensée de son interlocuteur. Certes, un prestidigitateur arrive bien à détourner l'attention, mais ce dont parle le directeur dépasse de loin les capacités d'un humain, et cela a déjà été formellement démontré par les recherches dans les colonies.
Le directeur continue sur sa lancée, inconsciemment guidé par les mimiques subtiles de la chimère. Si cette personne contaminée avait été Alexandre. Il est très probable que Verner se soit opposé à son élimination pure et simple. Il ne lui était pas non plus possible de faire disparaître l'enfant car l'homme est trop connu et influent. C'est pour cette raison qu'ils l'ont fait hospitaliser avec l'aide de Prest pour convaincre le médecin de maintenir l'enfant dans le coma. C'était pour eux le meilleur moyen de garder le mal sous contrôle et de ne pas risquer de dévoiler le complot.
Ensuite, comme personne chez Actual Communication ne savait comment soigner l'enfant, ils ont envoyé Hendell dans les colonies pour trouver un remède. Il est difficile de savoir à quels résultats il est parvenu là-haut, mais comme il n'est pas encore revenu, il est presque certain qu'il n'a pas encore ce qui lui faut.
On peut considérer que leur plan a dérapé une seconde fois avec Verner, quand les choses ont commencé à devenir plus houleuses pour lui en Belgique. Il s'est exilé dans les colonies sous sa couverture de diplomate, sans se rendre compte du désordre qu'il allait causer indirectement. Et voilà où nous en sommes.
Ney, qui avait patiemment écouté, le flatte tout en lui expliquant malgré tout qu'il a fait une petite erreur dans son raisonnement : ce mème ne peut pas exister et même en admettant que le mal qui ait affligé Alexandre soit dû aux expérimentations de la société de Joseline Fipilli, il ne représentait pas vraiment un danger. Même en admettant qu'ils aient eu le matériel et les connaissances pour implanter un mème toxique dans l'esprit d'une personne, cette même personne ne dispose pas les moyens de le propager à son tour.
Mais maintenant, là où les choses deviennent intéressantes : personne du côté terrien ne s'y connaissait vraiment en fait et ils effectuaient des expérimentations sordides sans les protocoles d'études ad-equat. Il paraît donc très probable que ces gens soient véritablement persuadés d'avoir réussi à produire quelque chose, renforcés par les effets de bords de leur excès de prudence. Ils ont alors envoyé Hendell là-haut sur cette croyance, suivi de Verner pour ses ennuis. Quand les deux solaires sont descendues sur Terre apporter un peu de justice divine et qu'elles se sont rapprochées de l'enfant, ils l'ont fait assassiner, effaçant selon eux le principal risque. Le vrai drame dans tout ça, c'est que cette affaire repose sur une méconnaissance et une illusion : il n'y a rien là-dessous en dehors d'un tas de cadavre.
L'exposé de Ney fit son effet rapidement et le directeur prépare un nouveau plan : il y a un moyen de découvrir s'ils ont cru à cette hypothèse en faisant croire à l'ancienne secrétaire qu'elle a été en contact avec le mème ces derniers jours. Ses hommes trouveront sans soucis une communication qui correspondra au niveau temporel. Voyons comment elle réagira. La chimère désapprouve vivement, mais le directeur aveuglé par son triomphe l'ignore.
De-Montergny commande à son secrétaire de transmettre un message à Nemja Mahut.
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