Chapitre 2: Un parfait inconnu

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***

Lorsqu’elle fut de nouveau sur le toit de son immeuble, projetée par la force inconnue qui l’avait tirée de la mort, elle se tourna sans attendre vers cette énergie inattendue. Elle n’osait imaginer ce qu’il serait advenu d’elle sans cette aide providentielle.

Dans l’obscurité, une ombre se dessinait lentement, le néon des lampadaires éclairait le visage. C'était un jeune homme d’une quinzaine d’années tout au plus. Il devait sûrement avoir son âge. Inès le regarda avec intérêt, il était mystérieux et avait un petit air intelligent. Les yeux vert émeraude de l'adolescent brillaient dans le noir et loin d'y rencontrer un quelconque jugement, elle n'y perçut que de la compassion. Ce qui lui sembla bien impossible ; tout en lui exhalait la richesse, la réussite et une certaine forme d'orgueil. Il était bien habillé, soigné et se dressait droit devant elle. C'était peu dire qu'il déteignait trop en ce lieu de crasse, de rouille, de décrépitude ; Inès se demanda naïvement s'il ne s'était pas perdu.

Elle tremblait. Des gouttes de sueur perlaient sur son front, et savoir qu'en cet instant précis elle devrait déjà être morte la faisait frémir. Les minutes défilaient, toujours plus longues les unes que les autres. Après un long moment d’observation réciproque, Inès sortit de sa torpeur et prit la parole:

— Qui es-tu ?

En réponse à ce mot hostile, le jeune homme avança vers elle et l’accula au précipice. Il la regardait fixement et son regard aussi placide qu'intense remplaçait finalement toutes les phrases qu’ils auraient pu s'échanger.

Inès ne savait que faire, elle était troublée à la fois par les événements et par ce jeune homme qui restait dans l'obscurité. Sur ce toit, théâtre d’une tragédie évitée mais aussi d’une réflexion inaboutie, leurs regards s'affrontaient, bataille de pupilles déchaînées, dans une lutte apparemment féroce, et ni l'un ni l'autre ne semblait vouloir renoncer, car baisser les yeux reviendrait à se dédire. Mais aussi étrange que cela puisse vous paraître, ils se comprenaient mutuellement, car plus qu'un combat, c'était un échange vif entre deux âmes percluses.

Le vent soufflait maintenant beaucoup plus fort, la nuit était complète. Les badauds de la rue étaient partis, les laissant seuls maîtres de cet univers-là.

Elle s'était plus tôt décidée à accomplir ce qu’elle était venue faire : sauter et mourir afin de ne plus penser aux difficultés de la vie. Et même si le regard de l'inconnu pouvait la déstabiliser ; Inès resterait l'unique maîtresse de son corps et de sa vie.

Alors, avec son regard creux, ses pupilles sans étincelles et les larmes aux yeux telles des gouttes d’eau perlant sur une feuille, elle se colla volontairement au parapet. Puis, elle se tourna vers le jeune homme et lui redit d’une voix terne, comme attristée par un destin qu'elle ne contrôlait pas et qu’elle ne pouvait éviter :

— Qui es-tu ?

De longues secondes défilèrent, puis le garçon bougea doucement ses lèvres et lui répondit d’un ton paisible :

— Je suis ton dernier espoir.

Et Inès, subjuguée, se décida à lutter, à survivre, à vivre.

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