Réponse au défi "Le temps a disparu"

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Ouvrir les yeux, se réveiller, se lever. Les automatismes de la vie, pourtant quelque-chose est différent pour lui.

Il prend une douche rapide, fraîche et revigorante pour chasser ce sentiment de malaise, mais rien n’y fait. Devant le miroir, il regarde les traits tirés de son visage et se demande pourquoi il a l’air si fatigué. Peut-être que cette barbe naissante lui donne mauvaise mine ?

Il passe la main sur ses joues, ça pique légèrement, pas de quoi se raser...

Il voit son sourcil gauche s’arquer, interrogatif, comme si son propre corps cherchait à lui répondre, mais rien. Ce n’est qu’un sourcil, noir et fournit, mais muet.

Le voilà assis seul devant son café imbuvable et ses toasts trop cuits. Il mange sans appétit, et qui lui en voudrait ? Alors que le goût de sa tartine brûlée se mélange à celui de la confiture de fraise, il réalise soudain qu’il ne sait plus ce qu’il doit faire.

Il se lève, machinalement, et retourne dans sa chambre, la bouche pleine.

Rien ne lui semble tourner rond, le sentiment de malaise s’accentue et la nausée s’empare de lui. Son cerveau est un amas visqueux de mélasse collante, son corps ne fonctionne pas correctement, son âme est en apnée, enfermée dans son cerveau comateux.

Il se regarde dans le grand miroir de son armoire et s’aperçoit qu’il est complètement nu, et encore humide de sa douche. Le malaise se transforme en panique car il ne comprend plus rien. Son café, oui, son café, il a bien été occupé à le faire ? Et ses tartines, elles sont passées au grille-pain, non ?

Même s’il ne s’était pas habillé, il aurait séché en préparant son petit-déjeuner, non ?

Il ouvre sa penderie et en sort un tee-shirt blanc, un caleçon noir et une paire de jeans bleus. Son visage est gris, se dit-il en regardant son reflet dans la salle de bain. Pris d’un fou rire incontrôlable, il s’accroche au rebord du lavabo pour ne pas tomber. Il rit à gorge déployée, et son rire lui fait peur car il ne comprend pas pourquoi il réagit comme ça.

Blanc, noir, bleu, gris, les couleurs de ses vêtements, de son corps, les couleurs de sa chambre, des carreaux de salle de bain, se mélangent, fusionnent, se séparent, tournent comme un manège dans l’œil d’une caméra, des spasmes le prennent et il régurgite avec férocité son petit déjeuner dans le lavabo.

Après cette crise de démence, car c’est ainsi qu’il la considère, il se sent un peu mieux. Il nettoie le lavabo souillé de... petits pois ?

La folie cherche à se frayer un passage, il la repousse aussi violement que ses forces lui permettent. Raisonner, rester calme, il s’exhorte à ne pas paniquer, à réfléchir. Il regarde à nouveau le fond du lavabo, oui, des petits pois, des petits pois qu’il a prévu de manger, mais pas pour le petit-déj !

Il court dans le salon, ouvre la baie vitrée comme si le diable était à ses trousses, il cherche une échappatoire, de l’air, vite !

Pied nu, il sent le froid lui mordre la peau, il fait nuit. Vraiment nuit, nuit noire, il voit la lune briller derrière une ombre nuageuse. Il se dit que son esprit est comme cette lune, seule dans le noir, cherchant à ne pas se faire engloutir par l’ombre...

Il réalise qu’il ne sait plus où il en est et cette prise de conscience l’apaise en quelque sorte. Il ferme les yeux et décide de laisser le froid envahir son corps jusqu’à l’engourdissement.

Une lumière vive chauffe ses paupières, il ne parvient plus à garder les yeux clos. Tête baissée, il se décide à regarder ce qui lui arrive, et ouvre les yeux sur ses pieds nus, ses pieds tout secs.

Le soleil l’éblouit il fait grand jour, il fait même très chaud.

Rien n’a plus d’emprise sur lui.

Il retourne au frais, dans son salon, avale un grand verre d’eau et décide que tout ceci n’est qu’un mauvais rêve. Il retourne dans sa chambre, retire simplement son pantalon et s’allonge sur sa couette. Son lit est fait.

Il ne se souvient pas l’avoir fait...

Il ferme les yeux puis se ravise, il faut mettre un réveil, pour ne pas être en retard au travail.

Il se tourne et attrape son téléphone portable.

Et quand il le regarde, il comprend tout. Comme un éclair, tout trouve un sens. Il admet que rien de tout ça n’est logique, mais ce qu’il vit a désormais une irraisonnable raison, une logique illogique, c’est fou, c’est dingue, mais c’est comme ça.

Le temps est mort.

Sur son téléphone, il n’y a plus d’heure qui s’affiche, car oui, le temps est mort.

Il est un moment, il est un jour, un temps une saison... Il est à la fois le matin et le soir, l’hiver et l’été, l’aujourd’hui et le demain, le maintenant et le plus tard.

Demain

Hier

Plus tard

Aujourd’hui

Dans deux heures

Terminé.

Le temps est mort.

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