A chaque fois que mon regard croise son trophée, le même pincement au cœur vient me transpercer.

Insolent, il trône dans le bureau de mon époux et, lorsque la porte est entrouverte, je ne peux m'empêcher de le chercher. Sa passion a été le cauchemar de notre couple et le souvenir de ses exploits m’envahit à chaque fois d’une vague de tristesse.

Heureusement, ma raison finit toujours par reprendre le dessus. Après tout, il ne m'a pas imposé cet objet au salon.

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Nous nous sommes rencontrés dans notre club d’escrime ou je devrais plutôt dire le sien. Il était initiateur « toutes armes » et je venais découvrir un nouveau sport. Ce fut une rencontre banale, le lien se nouant au fil des entraînements. Puis vinrent les premières compétitions, le soutien, les acclamations. Alors que le sport avait toujours été un loisir pour moi, un moyen d’évacuer le stress, j’entrais doucement dans la vie d’un professionnel. Un monde encore inconnu pour moi.

Comme les autres débutants, j’ai commencé par le fleuret. Cette arme d’écolage est le meilleur moyen de développer sa dextérité tout en découvrant les codes de cet art.

Honneur et tradition en sont les valeurs.

Le temps d’un assaut, mon esprit se vidait. Les gestes sont précis, l’attention soutenue. Trois minutes suffisent pour placer les cinq touches. La pointe de l'arme doit toucher le gilet de l'adversaire, uniquement la zone autorisée. Une pression de cinq cents grammes suffit pour valider la touche. Un impact à peine perceptible.

Seuls les débutants couvrent leurs partenaires de marques bleutées. Les professionnels ne laissent aucune trace.

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J’aime le sport, pas les compétitions.

J’aime les sportifs, pas les champions.

Les compétitions n’en finissaient pas. Plus les résultats de mon mari s'amélioraient et plus il devait concourir loin. Le temps de présence en salle s’allonge en fonction des résultats. Les tireurs quittent souvent la compétition dès leur élimination. L’assaut final se tire avec peu de spectateurs, même lorsque le cercle d’escrime aligne un candidat pour un podium. C’est un peu triste.

Lorsque notre petit garçon est né, j'ai cessé de l'accompagner.

Mon homme était de plus en plus souvent absent, à la poursuite de son rêve de médaille. Reléguée à la seconde place, notre famille bénéficiait de moins en moins de sa présence. Les soirées consacrées aux entraînements ont fini par payer. Il a été sélectionné pour les championnats européens et s'est envolé vers l'Italie. Seul.

À son retour, il affichait la mine réjouie, il venait de monter sur son premier podium international. J’étais contente pour lui tout en craignant que ce succès n'attise encore un peu plus sa passion.

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Je ne me souviens plus du temps écoulé avant l’appel téléphonique de cette femme.

• Je suis dans le club de votre mari. J’imagine que vous me connaissez.
• Non, qui êtes-vous ?
• Vous savez qu’il vous trompe depuis un moment.
• …
• et que nous sommes partis ensemble en Italie ?

Comment réagir face à une telle annonce ?

Comment esquiver, ne pas être touchée ?

Trouver l’ouverture et marquer le point.

• Nous sommes un couple libre, vous savez. Nous n’en parlons pas entre nous tant que cela n’a pas d’importance.

Où avais-je déniché ce mensonge, je l’ignore encore. Mais j’avais fait mouche. Elle a raccroché.

Préférant interroger directement mon époux, je l’ai rejoint dans le jardin.

Ne pas ruminer, être honnête l'un envers l'autre.

• Ta maîtresse vient d’appeler.
• Je n’ai pas de maîtresse.
• Elle m’a dit qu'elle était avec toi en Italie.
• C’est faux.

Il n’est jamais revenu sur ses affirmations. La maîtresse n’a plus donné de signe de vie. Le trophée est monté dans son bureau.

J’ai fini par laisser tomber. Notre fils avait à peine trois ans. Nous pouvions surmonter cela, préserver notre famille. En évitant le dialogue pour ne pas confirmer mes doutes, je pouvais vivre avec cette trahison.

Devrais-je lui avouer un jour que je ne l'ai jamais cru ?

Qu'à partir du moment où il m’a trompée, il m’a aussi libérée ?

Que plus rien ne me protégeait d’un sourire croisé au détour d'une rue ?

Ce n’est pas le couple dont je rêvais, mais une solution pratique pour rester ensemble.

Revenir sur le sujet m’ôterait-il un poids ?

Suis-je encore capable de toucher sans blesser ?

Suffit-il d'équilibrer les points pour ne pas être vaincue ?

Et comme à chaque fois, j’ai refermé la porte de son antre et je me suis éloignée en essayant d’oublier.