Prologue

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        Elle courait à perdre haleine dans les rues de Whitechapel. Elle se savait suivie par une ombre se fondant à la perfection dans le décor en cette nuit sans lune. Haletante, elle n'avait pas besoin de voir la silhouette pour savoir que celle-ci se rapprochait. Les bruissements dans son dos étaient sans équivoque. Effrayée, perdue, elle sentait la mort arriver, tel un doigt glacé sur sa nuque. Courir ne servait plus à rien, elle n'en réchapperait pas. Son instinct de survie prit le dessus et elle accéléra la cadence, dans un ultime sursaut d'espoir. Elle se devait d'essayer. Les ruelles étroites n'ayant aucun secret pour elle, lui donnait un avantage. Il fallait qu'elle garde la volonté d'avancer, de chercher des yeux un miracle, une porte accueillante, une issue. Malheureusement, ces rues désertes ne respiraient pas l'hospitalité. Elle les avait arpentée suffisamment de fois pour le savoir. La voie était close. Pourquoi elle ? Qu'avait-elle fait de mal ?

        C'était pourtant une soirée banale comme les autres. La prostituée avait quitté son domicile peu après vingt heures et avait gagné Green Street. Ce n'était pas forcément le meilleur quartier, mais c'était ici que la femme se faisait le plus d'argent. Les hommes la connaissaient depuis des années et venaient souvent la voir. Après avoir quitté son dernier client, elle avait emprunté le même chemin, en sens inverse. Rien qui ne sorte de l'ordinaire ou qui ne change ses habitudes. Seulement, au bout d'un moment, elle s'était sentie observée. Elle s'était retournée à plusieurs reprises, assez de fois pour voir les ampoules des lampadaires, qui éclairaient la petite ruelle, vaciller de manière inquiétante. Sa respiration s'était alors accélérée, elle avait senti la peur monter en elle. Elle s'était retournée une dernière fois, et avait vu une ombre tapie dans un coin sombre. Au même moment, les lumières s'étaient éteintes, la laissant seule, démunie, avec la silhouette terrifiante. Alors la femme s'était mise à avancer plus vite, des sueurs froides lui coulant le long de son front et sa nuque.

        La prostituée se retourna et vit, grâce à la faible lueur qui lui parvenait des rues adjacentes, le monstre qui se rapprochait. Elle sentit soudain le contact d'une paroi rugueuse contre ses mains et poussa un gémissement de désespoir. Pourquoi ? Pourquoi elle ? Pourquoi était-elle condamnée à mourir dans une ruelle sordide ? Elle recula et se retrouva dos au mur. C'était comme si la ruelle était de mèche avec le monstre qui la poursuivait, là dans le seul but de l'empêcher de fuir. C'était la fin. L'ombre s'approcha et porta une main gantée dans la poche de sa longue cape noire. Quand il l'en sortit, elle vit qu'il tenait un objet étincelant. Un couteau

    « Pitié, cria-t-elle, je vous en supplie. Je n'ai pourtant rien fait de mal... s'il vous plaît, ne me faites pas de mal... »

       Mais le bras noir se levait inexorablement alors que la femme tombait à genoux en larmes. Elle essaya à nouveau de dissuader le tueur en le suppliant de lui laisser la vie sauve, ce qui arracha un sourire à son agresseur. Tellement prévisible. Ils réagissaient tous comme ça. Mais il n'avait aucune pitié. Il savourait déjà la vue du sang qui coulerait le long de son poignard, pour aller se poser, délicatement, sur ses gants tel des pétales de rose rouge. Il regarderait ensuite le liquide rouge couler en une grande flaque autour du cadavre, emportant avec lui les derniers instants de vie de sa victime.

      L'ombre saisit sa pauvre victime par la gorge et la força à se relever. Elle observa le visage ruisselant de larmes tandis que le sien demeurerait caché. Son sourire s'intensifia, tant la satisfaction se faisait forte.

      « Pitié... murmura la femme. »

      Trop tard. Elle avait été choisie. Il lui trancha la gorge, pas assez pour que sa tête tombe, mais suffisamment pour qu'une plaie béante et dégoulinante de sang apparaisse. La femme ouvrit la bouche pour crier, mais l'hémoglobine l'avait déjà envahi. Elle toussa et commença à s'étouffer. La prostituée sentait la vie la quitter peu à peu, ce qui ne l'empêcha pas de sentir la morsure glacée du couteau se planter dans son abdomen. Un gémissement étranglé lui échappa, avant que le dernier éclat de vie ne se retire définitivement de son regard. Mais l'assassin n'avait pas fini. Son œuvre n'était pas achevée.

Au contraire, elle ne faisait que commencer.

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