CHAPITRE 2 Partie 1

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          Quand l'inspecteur Ryden Howard arriva sur les lieux du crime, il eut l'impression de se trouver dans une émission de télé-réalité. Et pour cause, l'endroit était rempli de journaliste essayant d'avoir le maximum de photo du corps et de glaner quelques informations. L'inspecteur sortit de la voiture en pestant contre ses foutus médias qui n'avaient de cesse de se mêler de choses qui ne les concernaient pas, tels des rapaces.

       Une odeur d'eau salée et de poisson lui assaillit soudainement les narines, le coupant de ses pensées. Ryden grimaça. Il n'aimait pas le poisson et encore moins l'odeur. Une nausée, qu'il essaya tant bien que mal de refouler, le prit violemment. La gueule de bois et l'abominable odeur qui régnait ne faisait pas un bon mélange, si bien que l'inspecteur Howard dût se faire violence pour ne pas rendre le faible contenu de son estomac. Il n'avait pas besoin de ça, pas devant tous ses collègues qui ne manqueraient pas de se moquer de lui. L'homme se dirigea vers les barrières jaunes que les agents du Yard avaient installé.

        Comme il s'y attendait, son jeune collègue était déjà sur les lieux. Sûrement n'avait-il pas dormi. Ryden ne connaissait pas trop Damien Croft. Ça faisait pourtant deux ans qu'ils travaillaient ensembles et ils étaient ce qu'on pouvait considérer comme ami, mais le jeune homme restait discret sur sa vie personnelle. En fait, il n'en parlait jamais. La seule chose que savait l'inspecteur c'est qu'il était le fils du commandant. Ryden le rejoignit et le salua. Salut qui lui fut rendu, tandis que les étranges yeux bleus/ doré du plus jeune le passaient aux cribles. Howard connaissait assez son collègue pour savoir qu'il avait très bien deviné à quoi il avait passé sa soirée et ne chercha même pas à se cacher. A quoi bon ? Damien connaissait déjà ses problèmes d'addiction. Le jeune homme aurait bien aimé lui en parler, mais ce n'était ni le lieu, ni le moment.

       La première chose qui frappa Ryden quand il vit le cadavre, fut la sauvagerie du meurtrier. Ce type devait être un vrai barbare. Eventrée, le sang de la pauvre femme maculait le sol en une flaque vermeille, s'étendant sur plusieurs mètres. L'inspecteur grimaça, écœuré. C'était une véritable boucherie. La victime avait une profonde entaille au niveau de la gorge, ses entrailles ressortaient de son ventre ouvert en deux. Ryden se tourna vers son collègue. Celui-ci toisait la victime, comme si elle allait lui apporter les réponses à ses questions. Il ne semblait pas en être dégoûté, ni même affecté. Mais les réactions de Damien différaient toujours de celles auxquelles on s'attendait venant d'une personne normale.

    "Des témoins ? Demanda le plus vieux d'une voix rauque.

Damien secoua la tête.

    –Non, répondit-il. Personne ne trainait dans les rues. Nous avons essayé de retracer son trajet, sans succès.

    –On sait de qui il s'agit ?

   –Angela Nichols. C'est une prostituée connue des forces de police. Elle a déjà été arrêtée pour vol et outrage à agent. Elle n'a pas de famille, pas d'amis. Personne à part quelques clients dont on ne connait pas l'identité.

   –La victime est une prostituée, mais elle n'a jamais été inquiétée pour racolage ? Questionna l'aîné, sceptique.

Le plus jeune soupira.

    –Pas d'après ce que j'ai pu voir. La plupart du temps, les policiers qui bossent dans ce secteur, ont tendance à fermer les yeux.

Ryden jura. Il se passa une main sur le visage en soupirant. La frustration, mêlée à la migraine qui le torturait le rendait rapidement irritable. Il ne fallait pas qu'il tombe sur des policiers qui auraient déjà croisé Angela Nichols, sans rien faire pour l'arrêter.

    –On sait où elle vivait ? S'enquit-il soudainement. Si c'est le cas, nous pourrions nous rendre dans son appartement. Ça nous aiderait à retracer son trajet. Avec un peu de chance, on pourra même tomber sur des témoins et trouver des indices qu'on aurait manqué.

    –J'y ai déjà pensé et j'ai demandé au bureau de m'envoyer l'adresse. Je viens de la recevoir. Mais avant ça, je dois te montrer quelque chose. Le meurtrier nous a laissé un joli cadeau.

Le plus vieux lui lança un regard dubitatif :

    –Hormis le cadavre et ses entrailles ?

L'ombre d'un sourire naquit sur les lèvres du cadet :

–En effet. Permets-moi donc de me corriger. Il nous a laissé un deuxième joli cadeau.

–Je t'écoute, fit l'aîné en se préparant au pire.

    –Le mieux serait que je te montre. Suis moi.

     Le jeune homme tourna les talons et fit quelques pas. Ryden le suivit, ne comprenant pas vraiment où son collègue voulait en venir. L'inspecteur n'aimait pas trop Durward Street. Il connaissait parfaitement le passé de cette rue, malgré sa remise à neuf, l'idée d'aller dans un endroit où avait été commis les pires horreurs lui faisait froid dans le dos. Ça ne semblait pas déranger Damien qui continua à avancer comme si de rien n'était, jusqu'à ce qu'il s'arrête pour se tourner face à un mur. Juste avant la barrière qui menait à l'autre partie de la rue. Il fit face à son collègue en lui montrant le mur du doigt :

   –Regardes, le somma-t-il. Les scientifiques ont pris un échantillon pour l'analyser, mais je reste persuadé qu'il s'agit du sang de la victime.

      Howard s'approcha. Au début, il ne vit pas grand chose. Le jour, à peine levé, n'offrait que très peu de luminosité. Damien illumina le mur avec le flash de son téléphone et son ami se figea. Du sang frais maculait le mur formant des lettres en un message glaçant. Cette fois, elle ne m'arrêtera pas. Une seule phrase, pas grand chose, mais assez pour faire frissoner l'homme. Ces mots lui laissèrent un goût amer, de peur, dans la bouche, sans qu'il n'arrive à savoir pourquoi. Ryden se tourna vers Damien.

    –Dis moi que c'est une blague, fit-il.

Le jeune homme eut un léger sourire et haussa les épaules :

   –J'aimerais bien, mais ce n'est pas le cas. Le meurtrier est un petit rigolo qui s'amuse à nous narguer."

    –Et bien on va lui montrer de quoi est capable le duo de choc et lui faire passer l'envie de le faire, lança-t-il, pour calmer le malaise qui l'avait envahi.

       Un ricannement lui répondit. Damien semblait trouver tout cela amusant. Ryden ne comprenait pas l'engouement de son collègue pour les meurtriers, mais il savait que c'étaient ses affaires là que le benjamin préférait. Il aimait mettre à profit son cerveau compliqué pour placer les pires monstres de Londres derrière les barreaux. Le plus âgéreporta son attention sur le mur et étudia la phrase. Cette fois, elle ne m'arrêtera pas.

    "Je sais à quoi tu penses, lança Damien.

Bien que peu étonné, Ryden feignit de l'être.

    –Ah oui ?

   –Il faut qu'on trouve l'identité de cette fameuse "Elle". C'est de toute évidence quelqu'un qui a marqué le tueur. Il a déjà sévi par le passé et quelqu'un l'a arrêté. D'après le message, c'est une femme. Mais il dit qu'elle ne l'arrêtera pas cette fois-ci. Donc, soit elle est morte, soit elle est dans l'incapacité d'agir. Dans tout les cas, il faut qu'on trouve son identité. Avec un peu de chance, elle nous conduira au tueur.

L'aîné acquiesça. Il partageait l'avis de son collègue, mais ils n'avaient aucun indice concernant l'identité de la mystérieuse femme. Ils ne savaient pas non plus à quelle période le tueur avait commis ses crimes.

    –Commençons par aller voir l'appartement de la victime. On pourrait peut-être trouver quelque chose."

                                                                                  * * *

        Angela Nichols vivait dans un immeuble de Newark Street. Les murs tellement fins, ne cachaient rien des occupations des voisins. On entendait clairement les enfants qui jouaient ou les couples se criant dessus. Damien se tendit, il n'aimait pas ce genre d'ambiance, elle lui rappelait trop de mauvais souvenirs datant de sa plus tendre enfance. Contrairement à ceux qui avaient tendance à oublier certains détails de leur enfance lui, se souvenait de tout. Il faisait chaud dans le hall. Beaucoup trop chaud. On était le trente et un août, mais il était rare que la température soit aussi élévée à huit heures du matin. Le jeune homme ne supportant pas la châleur, dû se faire violence pour ne pas retirer sa veste.

       Les deux hommes montèrent un escalier en colimaçon. Les marches en bois craquaient à chacun de leur pas, donnant un côté macabre à l'atmosphère. Au premier étage, ils débouchèrent sur un couloir à la fois long et étroit. Damien se tourna vers la première porte sur la gauche. Cette dernière n'avait pas été verrouillée. Les deux hommes entendirent du bruit à l'intérieur de l'appartement. Ils se regardèrent une demi seconde et, alors que le plus jeune poussait doucement la porte pour ne pas alerter l'intrus, Ryden sortit son arme de service et la braqua devant lui. S'il s'agissait du meurtrier, ils devaient redoubler de prudence. Le jeune homme sortit, à son tour, son pistolet. Il laissa l'aîné passer devant lui.

      L'appartement était plongé dans l'obscurité. Hormis le bruit qu'ils avaient entendu, rien n'indiquait qu'il y avait quelqu'un d'autre dans l'appartement. Damien aurait pu croire qu'il avait rêvé, si son collègue n'avait pas entendu le bruit lui aussi. Damien mit quelques minutes à s'habituer à l'obscurité. Il avançait à tâton, essayant du mieux qu'il pouvait de rester silencieux. Il ne fallait pas que l'intrus se rende compte de leur présence. Il pourrait devenir violent et trouver un moyen de leur échapper, puisqu'il avait sans doute eut le temps d'apprendre à connaître le lieux de vie de la victime. Peut-être même qu'il la connaissait déjà ? Après tout, il était dans son appartement, donc c'était fort problable. Avec un peu de chance, ils tenaient leur coupable.

        Ryden n'en pensait pas moins. Il avait encore du mal à se déplacer dans l'obscurité ambiante. Sans compter qu'il n'aimait pas l'atmosphère de l'appartement. Il y faisait froid, malgré l'été, une fraîcheur qui le fit frissonner. A moins que ce soit la noirceur qui laissait place à des ombres menaçantes. La partie rationnelle de son cerveau, lui disait qu'il s'agissait juste de meubles ou d'objets, pourtant, il ne pouvait s'empêcher de ressentir cette appréhension. Il avait l'impression qu'une de ces ombres allait soudainement lui sauter dessus. Son impression s'accentua lorsque l'une d'elle bougea. Ryden se figea avant de braquer son arme sur l'ombre. Celle-ci glissa sur le côté, comme si elle voulait s'enfuir. L'inspecteur aurait voulu dire quelque chose, mais les mots restèrent bloqués dans sa gorge. L'ombre n'était même pas une silhouette humaine. Juste une masse dont il ne pouvait pas distinguer la forme. Son cœur battait la chamade, assourdissant. Si bien qu'il n'arrivait pas à entendre quoi que ce soit d'autre.

        Elle s'arrêta soudainement. Ryden continuait de la menacer avec son arme. De la sueur coulait le long de sa nuque, malgré le froid ambiant. Une odeur horrible remonta jusqu'à lui. Pire que ce qu'il avait sentit jusque là. Une odeur de pourriture. De cadavre en décomposition.

      L'aîné aurait du bouger, il le savait. Il aurait du agir comme l'inspecteur qu'il était. Apostropher l'ombre, lui ordonner de se montrer, pour l'interroger et ainsi, mettre un visage sur cette présence. Mais il ne pouvait pas bouger. Il était tétanisé. Ce n'était pas simplement de la peur qu'il ressentait. Ça allait bien au delà. Une frayeur totale, qui le maintenait paralysait, l'empêchant de réfléchir rationnellement. Est-ce que Damien ressentait ça lui aussi? Cette terreur. Quelque chose dans cet appartement n'était pas normal. Comme pour appuyer ses dires, l'ombre bondit vers lui. Son instinct prit le dessus et il tira.

      Au même moment, la lumière ce fit dans l'appartement. Une main s'abattit sur son épaule. Encore en proie à la terreur, Ryden se tourna violemment, prit son agresseur par le cou et le plaqua contre un mur. Il serra de toutes ses forces, malgré la tentative désespérée de sa victime pour se défendre. Il lui fallut quelques secondes avant de récupérer une vue normale. Il se figea quand il constata que celui qu'il était en train d'étrangler était son jeune collègue. Ryden le lâcha et recula précipitement.

      Damien massa son cou endolori, sans quitter son ami des yeux. Il ne comprenait pas ce qui avait pu se passer. D'abord le coup de feu dans le vide et maintenant ça. Ryden n'était pas dans son état normal, ça ne faisait aucun doute. Le jeune homme aurait pu mettre ça sur le compte de l'alcoolisme de son co-équipier, mais il savait que ce n'était pas le cas. Il s'approcha prudement de son ami qui respirait bien trop fort pour quelqu'un qui était censé aller bien.

    "Ryden, qu'est-ce qu'il s'est passé ? demanda-t-il d'une voix éraillé.

        L'homme se redressa et posa enfin les yeux sur lui. Il voyait bien la méfiance de Damien dans ses gestes. L'interpellé soupira. Déjà que le cadet n'aimait pas les contacts physiques, alors là, ça n'allait rien arranger. Il avait l'impression d'avoir foutu en l'air des années de travail à apprivoiser la seule personne en qui il avait confiance.

    –Je... je ne sais pas, finit-il par répondre.

Le jeune homme leva les yeux au ciel.

    –Tu viens de m'étrangler, rétorqua-t-il. Alors j'attends une autre réponse.

Ryden jura, avant de le fusiller du regard.

    –Je sais ! cracha-t-il avec hargne. Et tu peux me croire, je suis désolé. Mais je ne comprend pas ce qu'il s'est passé. Il y avait cette ombre, elle a bondit. Ensuite, la lumière s'est allumée et tu m'as surpris.

    –Une ombre? Il y avait une ombre tu dis ? Pourtant, j'ai fait le tour de l'appartement et il n'y avait personne.

    –Ouais. Figure-toi qu'elle a disparu au moment où j'ai tiré, ou alors c'est quand tu as allumé la lumière, je ne sais pas trop.

Damien resta perplexe devant l'explication de son collègue. Il voulait le croire, mais ça lui semblait un peu tiré par les cheveux. Il devait en parler à son père. Pas pour porter préjudice à Ryden, mais parce que lui, saurait de quoi il retourne.

    –Tu es sûr que tu n'as pas abusé de la boisson ? questionna-t-il néanmoins.

    –Va te faire foutre Damien!      

Le jeune homme sentit sa patience s'effilocher. Sa gorge lui faisait encore mal, ainsi que son dos, vu la brutalité avec laquelle Ryden l'avait plaqué contre le mur. Néanmoins, il s'exorta au calme et leva les mains en signe de paix.

    –Je posais juste la question, vieux. Ce qu'il vient de se passer n'est pas à prendre à la légère. Bref, on en parlera plus tard. Pendant que tu étais aux prises avec une ombre imaginaire, j'ai pu faire le tour du propriétaire. Il n'y a rien, ni personne ici. Ce qui m'étonne étant donné que la porte n'était pas verrouillée et qu'on a entendu du bruit à l'intérieur. Mais il faut se rendre à l'évidence, nous sommes les deux seuls intrus en ce lieu.

Ryden se passa une main dans les cheveux. C'était impossible. Ils avaient bien entendu du bruit.

    –Tu as bien regardé partout? demanda-t-il tout de même.

Cette fois, ce fut lui qui se fit fusiller du regard.

    –Evidement pour qui me prends-tu, répondit sèchement le plus jeune. Je n'ai rien laissé échapper à ma vigilence.

L'ombre d'un sourire naquit sur le visage de l'aîné. Rien ne pouvait échapper à Damien quand ils étaient sur une enquête. Surtout si l'affaire lui semblait intéressante. Il ne savait même pas pourquoi il avait posé la question. Il était sûr que son jeune collègue avec tout passé au crible.

    –Désolé, fit-il simplement. S'il n'y a plus rien à voir, nous devrions partir. Cet endroit me donne des frissons."

Et, sans attendre de réponse, il sortit.

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