Matin gris-blanc
Matin gris-blanc
Ce matin des alentours de Pâques est gris-blanc, une sorte de virginité qui ne se laisse maculer que des signes légers d’un fragile réveil. Comme si la nature, pliée dans son cocon, peinait à s’en extraire, préférant aux lueurs du printemps l’obscurité enveloppante de l’hiver finissant. Peu de monde sur les routes confidentielles que je choisis toujours. Les « grands axes » me fatiguent et m’ennuient avec leurs airs convenus, leurs caravanes de gens pressés, leurs guirlandes de métal luisant, leurs étirements de chenilles processionnaires. Combien leur sont préférables ces manières de « chemins vicinaux » qui ne sont que des sentiers couverts de bitume dont la croûte craquelée, par endroits, laisse passer une touffe d’herbe. La nature affleurant sous la domination culturelle et technique de l’homme. Existe-t-il plus habile prédateur, plus pervers magicien métamorphosant de sa baguette maléfique ce qui se donne dans la simplicité et la beauté ? Argumenteras-tu que les routes sont nécessaires ? Certes mais dans le respect de la modestie du paysage, la seule vérité dont on puisse doter cette parenthèse de terre, de ciel, de roche si généreuse en sa mutité. Oui, car il faut le silence afin que les choses adviennent à elles-mêmes dans la pureté du secret. Y aurait-il bruit alentour et rien ne se délivrerait que dans un voilement qui serait une façon de mentir.
Mon inclination à être est irrémédiablement poinçonnée au sceau du simple, du retiré, de la colline sauvage, de l’abri solitaire (lui aussi), ces belles gariottes ou cazelles qui sont l’âme des lieux.
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