Chapitre 2 : Deux minas

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J'émergeais péniblement de mon sommeil. Les premiers rayons du soleil filtraient par la lucarne de la petite mezzanine où je dormais. Pas le grand luxe mais c'était un espace juste pour moi. Papa l'avait aménagé quelques années plus tôt au dessus de la pièce de vie. J'y avais installé mon lit et un petite malle dans laquelle je rangeais mes quelques affaires. Il fallait que je me déplace à quatre pattes mais cela ne me gênait pas plus que ça et l'échelle était tellement raide que personne ne s'y aventurait ce qui m'arrangeait bien. J'entendais ma mère en bas qui s'affairait à préparer le petit déjeuner. J'enfilais rapidement mes vêtements : une vieux pantalon de coton et une tunique de lin. Grâce à ma mère, couturière, nous avions la chance de porter des vêtements aux matière douces et confortables. A chaque saison, elle nous confectionnait de nouvelles tenues à mes sœurs et moi grâce aux chutes de tissus et de vêtements d'Avant qu'elle conservait. Certains clients lui payaient même une partie de leurs commandes en coupons, qu'elle conservait précieusement pour réaliser une pièce importante par exemple. Elle était douée et très demandée dans notre communauté et se plaignait souvent de mon absence de don pour la couture, ce qui l'aurait bien aidée. Mais cela n'avait plus d'importance. Bientôt cette maison ne serais plus la mienne. Je descendit rapidement l'échelle avant que ma mère ne s'impatiente de trop.

- Bonjour Maman.

- Bonjour Kassandra, répondit-elle sans stopper sa préparation. Mange rapidement, la journée va être très chargée, m'annonça-t-elle. Après l'école, tu dois essayer ta robe pour que je puisse faire les retouches. J'ai beaucoup de commandes, il y a beaucoup d'unions à venir et je ne parle même pas de tous les trousseaux et robes d'adeptes que je dois terminer, s’inquiéta-t-elle.

Ma robe ! Fabuleux.... Cette journée ne pouvait pas plus mal commencer. Grand-Ma entra à son tour dans la pièce et m'embrassa dans les cheveux.

- Bonjour ma chérie, courage, me chuchota-t-elle.

- Ah ! Grand Ma, sursauta ma mère, fabuleux vous êtes prête, cette journée va être épuisante.

- Bonjour Émeline, répondit calmement ma grand-mère. Ne vous inquiétez pas, tout sera prêt dans les temps comme toujours. J'ai déjà fini les broderies des robes des petites Calvez et de la fille Le Bihan.

- Oh, mon dieu ! Merci Léda, vous me sauvez comme toujours.

Ma mère vouait une reconnaissance sans fin à Grand-Ma pour le travail de broderie qu'elle ajoutait à chacune de ses confections et qui lui valait d'être tellement reconnue.

- Tu m'entends Kassandra ? me gronda ma mère. C'est important ! Il ne reste que deux minas avant ton union.

- Oui maman, soufflais-je, je sais. Seulement deux minas.

- En plus, Kay débarque au port aujourd'hui même, pour s'occuper de votre maison. Tu serais d'ailleurs priée de mettre une tenue... plus adaptée, m'annonça-t-elle en me scrutant de la tête au pied.

Je m'étouffais à moitié dans mon bol.

- Pardon ? Aujourd'hui ? Il arrive aujourd'hui ?

- Évidemment ! Tu pensais que votre maison allait se construire toute seule ? Deux minas c'est déjà très peu, remarqua-t-elle plus pour elle-même. Mais son père m'a assuré que Kay était très doué et qu'il maîtrisait aussi bien le bois que le métal. Tu as de la chance tu sais ! s'exclama-t-elle. Il a appris auprès des meilleurs forgerons de la colonie du Nord. Ton père est ravi, il va pouvoir lui donner un bon coup de main à la forge avant de lui transmettre. Si en plus il maîtrise le bois aussi bien qu'un bûcheron, tu ne manqueras jamais de rien ma fille ! se félicita-t-elle.

Ma mère continuait de s'étendre sur les atouts de son futur beau-fils mais mon esprit était totalement embrumé. Il arrivait aujourd'hui. J'aurais tant espérer que ce mariage n'ait jamais lieu. Devenir veuve avant l'union n'était pas si rare. La vie dans les communautés n'étaient pas facile et il était fréquent de mourir des suites de maladies ou de multiples accidents. Je serais alors devenue adepte. J'aurais encore préféré être comme Leila, ma voisine de classe. Non affectée à la naissance, elle avait été choisie pour être adepte et servir les Anciens. Au lendemain de ses seize années, elle partirait vivre dans la Kerbras, là où logeaient les Anciens et leurs adeptes. Depuis deux années, elle avait été envoyé suivre sa formation auprès des autres adeptes. Et même si cela signifiait quitter sa famille pour toujours, cela me semblait plus facile que de s'unir et de vivre avec un inconnu. Cet espoir s'effondrait, j'avais la sensation d'être prise au piège.

- Kassandra ! s'énerva ma mère. Perd cette habitude de rêvasser lorsque je te parle.

- J'aurais préféré devenir adepte, chuchotais-je avec une immense déception.

- Pardon ? Ma mère devint livide. Ne redis jamais ce genre de choses ! Tu m'entends Kassandra ? me hurla-t-elle.

Je n'avais jamais vu ma mère comme ça. Elle semblait tellement en colère et cela lui ressemblait si peu. C'était une femme directive et autoritaire mais elle détestait les conflits et ne s'énervait jamais quelle que soit la situation.

- Calmez-vous Émeline, tempéra Grand Ma. Kassandra ne sera pas adepte et s'unira à Kay dans deux minas, lui rappela-t-elle.

Ma mère sembla réfléchir une seconde et se calma aussitôt. Elle reprit la conversation comme si de rien n'était. Encore sonnée, je n'osais plus intervenir. Grand Ma me serra la main sous la table pour me réconforter.

- Kay a profité du bateau qui fait le tour des colonies pour récupérer les jeunes non- affectés pour venir te rejoindre. Cela fait un très long voyage depuis la colonie du Nord. Le bateau fait une ultime halte ici pour embarquer les derniers non-affectés et il part pour le sud vers un nouveau campement. Ava, la voisine, m'a dit l'autre jour au marché que son fils était intenable, il a hâte de quitter le nid et de partir à l'aventure, il rêve déjà des expéditions qu'il fera après son arrivée au camp.Il s'imagine déjà trouver un nouveau lieu pour une colonie. Je suis bien heureuse de n'avoir eu que des filles, quelle angoisse pour une mère de savoir son enfant à l'extérieur des colonies, en maraude permanente, avec tout ces dangers, s'inquiéta-t-elle.

Je me replongeais dans mon bol et mes pensées, pour échapper au monologue de ma mère. En effet j'avais entendu que Maël, le fils d'Ava, qui avait été dans la même école que moi devait embarquer prochainement. C'était un garçon qui ne brillait pas pour son intelligence, et je doutais qu'il puisse découvrir à lui seul un nouveau lieu pour une colonie mais il était gentil et loyal, j'espérais qu'il ne lui arriverait rien à l'extérieur. J'avais hâte de partir en classe maintenant, pour m'occuper l'esprit avant les présentations de ce soir. Je ne me sentais pas prête du tout.

La porte de l'entrée s'ouvrit brusquement sur mon père.

- Nikolas ! s'exclama ma mère. Il y a un soucis à la forge ?

Mon père était déjà levé et au travail depuis une bonne heure. Il était rare de le voir à la maison avant l'heure du déjeuner.

- Le bateau est au port, annonça-t-il de but en blanc. Kassandra, viens avec moi.

Finalement, cette journée pouvait commencer encore plus mal.

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