Chapitre 4 : l'annonce

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Je m'étais echappée quelques instants en rentrant de l'école car l'atmosphère qui régnait à la maison était plus qu'étouffante. Un enfer. Cela faisait maintenant un minas que Kay avait débarqué dans la colonie et dans ma vie. Je repensais à cette terrible soirée organisée par le gouverneur Callaigh pour l'arrivée de son fils et ma colère se raviva un peu plus.

Pour l'occasion ma mère m'avait fait prendre un bain parfumé, habillé d'une de ses plus belles créations et mes petites soeurs s'étaient surpassées en coiffant mes cheveux qu'elles avaient tressés et relevés en chignon puis parsemé de petites fleurs des champs. Pour la première fois, je m'étais sentie belle, malgré ma chevelure noire que je détestais habituellement et s'était avec beaucoup de fierté que j'étais arrivée à la soirée au côté de mes parents. Puis ma bulle d'amour-propre avait éclaté en une demi-seconde. Kay avait chaleureusement salué mes parents puis m'avait offert son bras. A cet instant, je me suis surprise à penser qu'il avait sans doute récupéré du voyage et que moi aussi j'allais enfin pouvoir profiter de la gentillesse dont il abreuvait toutes les personnes qu'ils croisaient. Alors qu'il se penchait vers moi, son souffle effleurant mon oreille, je me surpris à retenir ma respiration peu habituée à ce genre de contact.

- C'est mieux niveau look, mais bon j'ai connu bien plus jolie, me sussura-t-il à l'oreille.

Je tapais du poing dans l'herbe, jurant intérieurement contre cette affreuse soirée. Car toute la soirée s'était déroulée ainsi, Kay avait été charmant avec tout le monde, discutant, acceptant félicitations pour son futur mariage et encouragements pour le travail qui l'attendait. Outrée par sa remarque et on ne peut plus gênée, j'avais gardé les yeux baissés toute la soirée, esperant que les convives du gouverneur et de son fils mettraient ça sur le compte de la timidité. Mais je bouillonnais de fureur, si l'honneur de toute ma famille ainsi que leur survie n'étaient pas rentrés en jeu, je l'aurais sans doute frappé.

Le vent dans mes cheveux et le frais de la rivière sur mes pieds finirent par me calmer. Depuis l'arrivée de Kay, tout était devenu compliqué.

A l'école en premier lieu, où les filles me toisaient à chaque rencontre. Avant de voir Kay elles étaient toutes ravies de savoir que j'allais épouser quelqu'un que je ne connaissais pas, espérant sans doute secrètement qu'ils serait affreux mais maintenant elles écumaient de jalousie à chacun de mes passages, faisant remarquer la chance que j'avais d'épouser le meilleur parti de la colonie (le plus beau surtout).

A la maison ensuite, les tensions étaient palpables. Ma mère, sur le point d'exploser à tout instant, tenter tant bien que mal de mener de front ses commandes et l'organisation du mariage. Heureusement, une grande partie était pris en charge par le gouverneur. C'est lui qui me l'avait annoncé pendant la "fameuse"soirée et alors que son fils était odieux avec moi, il s'était montré gentil et attentionnée, proposant que je choisisse chaque détail de la cérémonie. J'avais du affiché le regard paniqué d'une bête qu'on mène à l'abbatoir car il avait alors suggéré que ma mère soit présente lors de ces rendez-vous. Le gouverneur était trop occupé pour s'occuper de ça personnellement, il avait bien sûr déléguer ce soin à Paul son assistant. Cela m'avait tout de même rassuré au premier rendez-vous, car je ne savais pas trop me comporté vis à vis de lui. Il allait devenir mon futur beau-père mais mon père semblait toujours très amer à son égard, et ma mère trop soumise pour avoir le moindre avis. Elle s'était empressée de prendre la cérémonie en main avec Paul, et je n'étais évidemment d'aucune utilité à ces réunions, ils prenaient les décisions, cela m'arrangeait, j'espérais juste ne pas le regretter le jour J. Grand-Ma m'avait assuré qu'elle veillerait à ce que ma robe reste simple malgré les envies de ma mère.

Seul point positif, je n'avais quasiment pas vu Kay et les rares fois où nous nous étions croisés, nous n'avions fait que nous saluer de loin. J'avais donc pu échapper à ses remarques acerbes, c'était ma seule et maigre satisfaction. Il était, d'après papa, surchargé de travail. Notre maison avançait à grand pas m'avait-t-il appris et Kay semblait en effet être un très bon menuisier. Il passait tous les jours à la forge pour travailler quelques heures auprès de mon père qui ne tarissait pas d'éloges à son sujet.

- Kay sera un excellent forgeron, annonça-t-il un soir au dîner.

- Tu es content de son travail ? demanda aussitôt ma mère

- Oui, tout à fait, un bon menuisier, un bon forgeron, c'est vraiment un bon garçon.

Je levais les yeux au ciel deprimée que Monsieur Parfait fasse l'unanimité même dans ma famille.

Avec le comportement de Kay, j'avais espéré au moins qu'il trouverait la brillante idée que je n'avais pas eue pour annuler notre mariage, vu la joie qu'il semblait éprouver lui aussi pour notre union.

Je soufflais et m'étendis dans l'herbe, espérant ainsi disparaître un peu plus. Peut-être arriverais-je à me fondre dans la nature puis à me volatiliser définitivement ?

-Kassie, entendis-je crier

Apparemment non. Ma disparition fut bien trop courte à mon goût.

- Kassie tu m'entends ?

- Je suis là, Ava, répondis-je à ma petite soeur.

J'avais reconnu sa voix au premier appel. Ava et Clara avait beau être jumelle, on ne pouvait imaginer deux petites filles plus différentes, l'une était la réplique de mon père et la seconde le portrait craché de ma mère.

- Maman te cherches, m'annonça-t-elle.

- Dis lui que j'arrive, juste une minute silteplait.

Ma soeur repartit en trottinant, contente d'avoir joué le rôle de messager et fière d'avoir remplit sa mission. J'aurais aimé resté à cet âge, insouciant et léger où les problèmes des "grandes personnes" sont le cadet de nos soucis.

Je rentrais sans trop me presser car je savais très bien ce dont ma mère souhaitait me parler. Elle avait abordé le sujet ce matin, m'indiquant clairement que je n'échapperais pas à une discussion le soir même dès le retour de mon père. Mon métier. Je grimaçais. Je savais que je n'avais pas cinquante solutions : n'ayant choisit aucun métier autre que celui de mes parents à 14 années, je me retrouvais dans l'obligation d'exercer l'un de leur métier. Or mon père avait toujours refusé de me prendre comme apprenti car il avait un accord avec le gouverneur. Lorsque les anciens nous avez choisi comme couple , le père de Kay avait alors demander à mon père de prendre Kay comme apprenti forgeron. Et même si leur relation s'était ensuite détériorée lorsque Cadell Callaigh était devenu gouverneur, jamais mon père ne serait revenu sur sa promesse. Il était alors impensable que je devienne forgeron à mon tour.

Je me devais donc logiquement prendre le relais de ma mère, sauf que voilà : je n'avais pas le talent de ma mère pour la couture. Je n'ai même aucun talent tout court.

Lorsque je poussais la porte, je trouvais mes parents attablaient avec le gouverneur. Passé l'effet de surprise, je saluais tout le monde.

- Kassandra, je suis ravie de te revoir, m'annonça le gouverneur chaleureusement.

Mes parents semblaient tendus, surtout ma mère.

- Il y a un soucis, demandais-je, espérant secrètement l'annulation du mariage.

- Non aucun au contraire, annonça joyeusement mon futur beau-père. Comme tu le sais, Kay va prendre la suite de ton père à la forge et j'ai cru comprendre que tu n'avais pas hérité du talent de couturière de ta mère. Il partit d'un rire franc auquel ma mère répondit par un faible sourire.

- Alors nous en sommes venu à une conclusion simple, tu vas tout simplement travailler à l'Arc'h acheva-t-il.

Je le fixais avec stupeur. Le gouverneur enchaîna sans remarquer quoi que ce soit.

- Tu vas devenir une de mes assistantes à l'Arc'h. En effet la loi des anciens est clair, comme tu n'as pas choisit de métier, tu dois exercer le métier d'un de tes parents où de tes beaux- parents comme tu le sais.

Bien sûr que je le savais.

- Mais vous êtes gouverneur !

- En effet, sourit le gouverneur. Puis il ajouta plus doucement, mais ma femme était assistante.

-Oh, soufflais-je.

La mère de Kay, bien sûr, je n'avais pas pensé à cette option. J'avais parfois entendu parler d'elle, elle semblait très appréciée mais je ne connaissais pas son métier. D'un coup la panique m'envahit. L'Arc'h. J'allais travailler à l'Arc'h.

- Mais je ne sais même pas ce que je devrais faire ! Je n'ai pas été formé pour ça. Je ne suis pas sûre de savoir, de pouvoir, de ..., énoncais-je rapidement

Ma mère me jeta un regard noir qui m'indiquait clairement que ce n'étais pas une proposition mais un fait. Mon avis n'était pas requis.

- Ne t'inquiètes pas, me rassura le gouverneur. Tu reçevras toute la formation nécessaire à ton futur métier, il y aura toujours quelqu'un à tes côté, jusqu'à ton affectation définitive vers un des secteurs de l'Arc'h. Nikolas, Emeline, je ne voudrais pas abuser de votre hospitalité plus longtemps, il est déjà tard. Nous réglerons les détails plus tard.

Mon père raccompagna le gouverneur. Il ferma la porte puis se tourna directement vers ma mère sans un regard vers moi. Son regard était determiné.

- Et voilà, dit-il.

Ma mère hocha la tête puis se tourna vers moi.

- Au lit Kassie, une grosse journée nous attend demain.

Son ton me fit clairement comprendre qu'aucunes questions ne seraient tolérées, tout du moins pour l'instant. Je grimpais l'échelle de mon antre et me glissais rapidement sous ma couverture.

Mais les révélations et les questions se bousculaient dans ma tête, m'empêchant de m'endormir et je ne sombrais dans le sommeil que tard dans la nuit, un lieu hantant mes rêves. L'Arc'h.

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