Chapitre 9 : Une nuit mouvementée.
Michael était confortablement installé dans son lit, lisant un roman, à peine éclairé par sa lampe de chevet. Il avait veillé tard et commençait à piquer du nez. Il retira ses lunettes de lecture et les déposa sur sa table de nuit. Il ouvrit alors les premiers boutons de son haut de pyjama et puis appuya sa tête contre son oreiller. Il éteignit la lampe, les yeux à peine entrouverts. Dans la pénombre, il se demandait s’il allait raconter aux autres l’incident de la porte avec Eglantine. Il s’endormit avant même de savoir ce qu’il allait faire.
Des cognements sourds contre sa porte le réveillèrent en sursaut. Il se releva le cœur battant à toute vitesse quand il reconnut la voix d’Eglantine. Il s’empressa de lui ouvrir sans même prêter attention à son accoutrement.
- Eglantine ?! Qu’est-ce qu’il…
Il eut à peine le temps de finir sa phrase, qu’elle lui sauta au cou complétement paniquée, lui demandant de l’aide d’une voix larmoyante. Michael fut dans un premier temps surpris par cet élan, particulièrement étonnant venant d’elle. Il se mit soudainement à rougir lorsqu’il sentit sa poitrine frotter contre son torse. Plus encore quand il lui vint à l’esprit qu’il tenait dans ses bras une des plus jolies filles de toute l’école. Sans compter qu’elle ne portait sur elle qu’une simple robe de nuit en soie. Alors que son cerveau semblait surchauffer, il l’écarta doucement en la tenant par ses épaules, si délicates qu’il avait peur de les briser.
- Pourquoi est-ce que tu pleures ? Qu’est-ce qu’il se passe ? demanda-t-il, inquiet.
- Des… des… répétait-elle en sanglot.
- Des ? Insista-t-il.
- Il y a… des guêpes... snif, renifla-t-elle.
- Comment ça des guêpes ?? S’étonna Michael.
- Je…je… ne sais pas, j’allais dormir et j’ai entendu des bourdonnements puis... j’ai vu, alors j’ai crié et je ne savais pas quoi faire ! Alors, j’ai pensé à ce que tu avais dit et… et… snif… je suis venue parce que…
- Ok, ok ! Calme-toi ! s’exclama Michael voyant qu’elle peinait à raconter son histoire. On va allez regarder ça d’accord ?
- Boui, répondit-elle, en rougissant, honteuse de pleurer.
Michael se dirigea d’un pas affirmé, et pourtant dubitatif, vers l’antre du démon. Lorsqu’il ouvrit la porte, il découvrit un vrai nid douillet. Le lit d’Eglantine était recouvert d’une couverture dont le rembourrage devait être en plumes. Par-dessus un plaid et de nombreux oreillers et au pied du lit, un coffre sur lequel il y avait des lapins en peluches et des couvertures supplémentaires Il y avait également une grande bibliothèque à côté de son lit, remplie de toutes sortes de livres et décorée de souvenirs de vacances. Une guirlande lumineuse pendait tout du long, créant une atmosphère presque magique. Tout était soigneusement rangé, sauf son bureau sur lequel résidait encore les devoirs à rendre pour le lendemain. Il resta bouche bée face à ce cocon, puis se dirigea vers la fenêtre, là où elle avait vu les guêpes et entendu des bourdonnements.
- C’est là ? Demanda-t-il, ne voyant rien.
- Oui, je suis sûre que... ah ! Tu entends ?! s’écria-t-elle.
- Effectivement... d’où est-ce que ça vient ?
En cherchant le long des châssis, il découvrit un trou sous l’appui de fenêtre où plusieurs guêpes semblaient s’être logées.
- Regarde, commença-t-il en lui pointant l’endroit du doigt. Je crois qu’elles se cachent dans leur nid pour hiverner.
- Quoi ?! s’exclama-t-elle, en s’abaissant pour voir. Non, non, non, je suis allergique aux piqûres de guêpes, ce n’est pas poss… AAaaah !
Eglantine se mit à hurler et se réfugia derrière Michael en lui agrippant fort le bras lorsqu’elle vit une des guêpes sortir du trou. Sa main tremblait comme une feuille et les larmes recommençaient à lui monter. Michael jeta un œil vers elle et contempla ses beaux yeux bleus brillants. Il eut un rictus en voyant son air apeuré.
- Pour… Pourquoi tu rigoles ? demanda-t-elle hésitante.
- Désolé, je me disais juste que les larmes t’allaient bien.
- Ah.. je.. rougit-elle
- Il va vraiment falloir que tu contactes le service d’entretien !
- Je… les contacterai demain mais… en attendant, qu’est-ce que je vais faire ?
- Ce que tu vas faire ? s’étonna-t-il.
- Je ne peux pas dormir ici… Non ?
- Oh… Oui, j’imagine, répondit-il gêné. Hum, est-ce que tu as une copine que tu peux réveiller ?
C’était une question bête, et il se rendit compte de sa bêtise au moment même où il lui demanda. Il savait qu’elle était toujours seule, et l’acharnement de Marry à son égard avait fait fuir les seules personnes sur qui elle pouvait compter auparavant. Eglantine lui répondu tant bien que mal, honteusement.
- Non… Je n’ai pas vraiment d’amies, dit-elle en baissant les yeux.
- Je vois… Alors…
Michael passa sa main dans ses cheveux bruns tout ébouriffés, puis dans sa nuque. Il était mal à l’aise et hésitait à lui proposer de dormir dans sa chambre. Après tout, ils n’étaient pas proches du tout et puis il s’agissait d’une fille, mais elle ne pouvait pas rester dans cette situation, même si elles n’étaient pas dangereuses, psychologiquement, c’était dur de s’imaginer dormir dans la même pièce que des guêpes.
- Si tu veux… Tu peux dormir dans ma chambre ?
- Ça… Ne te dérange pas ? répondit-elle timidement.
- Non, je ne vais pas te laisser comme ça. Si tu n’arrives pas à bien dormir, tu vas être très fatiguée demain. Et il est déjà tard…
- D’accord, merci mais alors hum… je peux prendre mon oreiller ?
- Oui vas-y, prends tout ce dont tu as besoin, lui sourit-il doucement.
Eglantine prit en deux trois mouvements son oreiller et son plaid, en prenant soin de fixer le nid du regard. Elle courut éteindre la lampe et rejoignit Michael dans le couloir. Celui-ci l’invita nerveusement à entrer dans sa propre chambre qui était bien plus sobre. Elle entra timidement et tournait sur elle-même en fixant chaque recoin de la pièce, comme si elle découvrait quelque chose d’exceptionnel. Son regard se posa alors sur le lit double. Michael déglutit.
- Tu veux dormir de quel côté ? demanda-t-il.
- Hum… Je ne sais pas… Du côté du mur, je crois… hésita-t-elle.
- Alors, je t’en prie, dit-il en lui faisant un signe d’aller se coucher.
Eglantine escalada maladroitement le grand lit. Elle installa son oreiller en frappant quelques fois dessus, et s’enroula dans son plaid avant de se recouvrir de la couverture de Michael. En la voyant s’emmitoufler, il se disait qu’elle était mignonne. Il se rapprocha du lit et tandis qu’il se glissait sous la couette, Eglantine le fixait. Leurs regards se croisèrent laissant un instant silencieux et étrange entre les deux Richess. Michael détourna en premier le regard.
- Est-ce que tu es bien installée ?
- Oui… c’est très confortable, répondit-elle.
Ils se regardaient à nouveau, sans vraiment trop quoi dire. Michael était plus que nerveux de partager son lit avec Eglantine Akitorishi. Il l’avait toujours trouvée magnifique. Tandis qu’elle fermait les yeux, il admirait ses longs cils, la courbe parfaite de son nez, puis, ses lèvres roses perlées. Un frisson le parcourut. Il se tourna dans l’autre sens pour éviter de la regarder. Il écoutait sa respiration et le froissement des draps lorsqu’elle bougeait. Il avait l’impression qu’elle était de plus en plus en proche de lui, mais il n’en était rien. Des scénarios auxquels il n’aurait jamais imaginé avant se multipliaient dans son esprit. Il était impossible pour lui de dormir dans cette situation.
- Mi..chael ? l’appela Eglantine d’un chuchotement.
- Ou..oui ? sursauta-t-il.
- Oh je suis désolé, je t’ai fait peur
- Ce n’est rien, que se passe-t-il ? demanda-t-il en se tournant vers elle.
- Je n’arrive pas à dormir…
- Moi non plus, c’est un sentiment étrange de dormir avec toi.
- Oh… rougit-elle.
- Ah… je veux dire que… ça ne me déplait pas… c’est juste que… bafouilla-t-il en rougissant à son tour.
Eglantine cachait à moitié son visage rouge dans la couverture et tenait fort contre sa poitrine le plaid dans lequel elle s’était enroulée. Elle détourna le regard puis le regarda à nouveau, tandis qu’il tentait de s’expliquer.
- Ce que je veux dire, c’est que je n’aurais jamais cru qu’on pourrait partager le même lit un jour, continua-t-il. Je… c’est pire… Excuse-moi
- Ahahah, pouffa-t-elle de rire.
- Pour…quoi est-ce que tu rigoles ? s’étonna-t-il.
- Tu es vraiment gentil Michael, répondit-elle en souriant tendrement.
- Qu’est-ce que tu veux dire ?
- Hum, je crois que tu es quelqu’un de très attentif et que tu fais toujours attention à ne pas blesser les gens autour de toi, s’expliqua-t-elle.
- Je vois, merci.
- Je te remercie vraiment pour ce que tu as fait pour moi.
- Tu n’as pas à me remercier, tu sais…
- Si parce que… ce n’est pas la première fois que tu me donnes un coup de main, répondit-elle, en le fixant droit dans les yeux.
- Je… je ne me souviens pas … ?
- Durant notre première secondaire, le tournoi d’échec… Tu m’as laissé gagner, n’est-ce pas ? Tu as entendu ce que mes parents m’ont dit…
Il ne répondit pas. Il se souvenait parfaitement de ce jour. Le club d’échec dans lequel ils étaient tout deux avait organisé un tournoi. Ils n’avaient jamais perdu contre leurs adversaires, parce qu’ils n’avaient pas encore joué l’un contre l’autre. Ce qui fut le cas durant la compétition. Leur partie était tellement longue que le jury avait décidé de faire une pause pour que tout le monde puisse prendre l’air, alors que Michael commençait à prendre l’avantage. Il revenait des toilettes quand il aperçut Eglantine en train de discuter avec ses parents, quoi que discuter était un grand mot :
- Si tu perds contre ce… je te jure que ça va mal se passer pour toi ma fille ! S’écria son père.
- Je… je vais faire de mon mieux… répondit-elle, tête baissée.
- De ton mieux ? Non. Si tu perds, c’est à notre nom que tu apportes la honte, dit sa mère sèchement.
Michael n’avait pas d’autre choix que de passer devant eux pour rejoindre la salle. Il fit mine de n’avoir rien entendu, face aux parents qui était devenus soudainement muets. La partie recommençant, il n’arrivait pas à ne pas prendre en compte, ce qu’il avait entendu. C’est vrai, il l’avait laissée gagner. Ce n’était rien, c’était la 3ᵉ Richess et lui le 6ᵉ, c’était l’ordre des choses.
- Tu te…
- Tu es quelqu’un de bon… le coupa-t-elle, tout en lui lançant un sourire. Je… te… considère beaucoup pour ça.
- Tu me… répéta-t-il surpris. Je… merci… moi aussi je t’ai toujours trouvée… enfin penser que tu étais…
- Étais ? s’impatienta-t-elle.
Michael s’arrêta de parler le cœur battant et dévisagea chaque parcelle de son visage. Il y avait dans ses yeux une brillance, comme un espoir, après avoir entendu les mots qu’elle lui avait dits. Mais aussi de la tristesse. Elle répondait par le même regard, plein d’interdits. Elle lui montrait une expression peinée, désireuse, comme si elle n’attendait qu’une chose. Elle s’attardait sur ses lèvres et il faisait de même. Michael fit un mouvement vers elle, il glissa sa main près de la sienne sans pour autant la saisir. Il se pencha jusqu’à ce que leurs fronts se touchent. Elle rapprocha son nez du sien, les lèvres tremblantes. Michael s’efforça de rester calme, il déglutit et prit sa main à travers le plaid. Ils n’étaient plus qu’à quelques millimètres, leurs souffles chauds se rencontraient déjà. Il serra sa main un peu plus fort et lui jeta un dernier regard avant de s’éloigner d’elle, le cœur lourd en voyant sa mine triste.
- Je te considère beaucoup… Moi aussi, dit-il d’un ton très sérieux.
- Alors p…
- Il est vraiment tard, il faut qu’on dorme, la coupa-t-il.
- Je… commença-t-elle frustré. D’accord… Bonne nuit, continua-t-elle, en baissant les yeux.
- Bonne nuit, dit-il, en se tournant de son côté.
Elle fit de même et glissa sa main contre sa poitrine battant à mille à l’heure. Son cœur lui semblait douloureux. Tellement douloureux, que chaque battement lui donnait un peu plus envie de pleurer. Elle se retint de toutes ses forces pour qu’il ne l’entende pas. Pour qu’il ne comprenne pas à quel point elle avait eu envie de ce baiser.
Depuis le temps, qu’elle en avait envie.
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