Chapitre 11 : Sentiments.

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Les cours reprirent après un temps de midi mouvementé. Chacun rejoignait sa classe. Alicia, Katherina, Chuck et moi-même faisions des signes à Elliot et Michael qui entraient dans leur classe depuis notre rang. Eglantine était en retard et se dépêcha d’entrer sous le regard avisé de son professeur.

Elle fut la première à s’asseoir. Une chance pour elle, ses longs cheveux cachaient son doux visage meurtri par les larmes. Les autres comprirent qu’elle savait pourquoi ils s’en moquaient ouvertement. Elle s’en mordait les lèvres pour se retenir de pleurer.

Michael quant à lui, perdu dans ce qu’il devrait faire, essayait de supporter les remarques tant bien que mal. Il ne pouvait pas imaginer un pire scénario, et pourtant… La professeure l’appela et lui demanda de distribuer les copies. Il se leva pour prendre le tas de feuille et se retourna pour donner la première à Eglantine. Il eut le cœur brisé en apercevant son visage : ses yeux étaient bouffis, mangés par la tristesse. Il n’y avait aucun doute sur le fait qu’elle ait pleuré.


  • Madame… Est-ce que je peux vous demander un service ? fit-il en continuant de fixer Eglantine.
  • Oui, qu’est-ce que je peux faire pour toi ?
  • J’aurais quelque chose à dire à la classe, ça ne prendra pas cinq minutes.
  • Eh bien…
  • S’il vous plait, supplia-t-il du regard, en se tournant vers son professeur.
  • D’accord, accepta-t-elle, mais fais vite.

Toute la classe était attentive, le regardant monter sur la petite estrade. Il posa le tas de feuilles sur le bureau devant lui et leva la tête haute avant de dire quoi que ce soit. Eglantine lui jeta un regard apeuré.


  • J’ai quelque chose à vous dire, les amis. Enfin, si je peux encore vous appeler comme ça, commença-t-il sérieusement. Je sais que vous allez sûrement ne pas vouloir me croire et que certains d’entre vous vont peut-être même, être très déçus, mais tout ce que vous avez pu entendre aujourd’hui sur Eglantine et moi est faux. Je comprends que l’idée soit attirante, mais vous êtes très blessant. Vous me faites beaucoup de peine et je suis sûr que c’est aussi le cas d’Eglantine. Alors je vous demanderais de ne plus en faire un esclandre, merci.

Il se tut quelques secondes et regarda attentivement chaque élève. Certains n’osaient même pas le regarder dans les yeux, honteux, coupable. D’autres se montraient plus méprisants, le défiant du regard. La pire à ses yeux restait Marry Stein qui souriait à pleines dents. Il comprit qu’elle n’y était pas pour rien. Une colère montait en lui. Il se contrôla tant bien que mal. Il ne fallait surtout pas qu’il tombe dans son piège.


  • Je ne sais pas ce qu’il se passe exactement, mais je trouve ça très courageux de ta part Michael. S’il y a un quelconque malentendu, c’est la meilleure solution que de le dissiper, le félicita sa professeure. Puis-je tout de même savoir ce qu’il s’est passé ? Je vous ai trouvés bien agités aujourd’hui.
  • Oui, en fait, il y a une rumeur qui tourne, hésita-t-il dans un premier temps.
  • De quelle nature ?
  • Ils s’imaginent qu’avec Eglantine, nous avons eu… des rapports sexuels cette nuit.
  • Que dis-tu ?
  • Tout simplement parce que nous avons dormi dans la même chambre.
  • Vous…avez dormi ensemble ? s’étonna-t-elle.
  • Oh pitié, ne me dites pas que vous doutez aussi maintenant. Eglantine m’a appelé cette nuit parce qu’elle a vu des guêpes dans sa chambre. Je suis allé voir, nous avons découvert un nid et nous avons jugé bon qu’elle dorme dans ma chambre.
  • Alors pourquoi vous vous enlaciez dans le couloir ! s’exclama un élève.
  • Elle était paniquée quand elle est venue me trouver donc…
  • Et pourquoi, c’est toi qu’elle est venue voir ?! demanda une autre.
  • Parce que je l’ai aidée après le souper, car sa porte était coincée et que je lui ai dit qu’elle pouvait m’appeler si elle avait un problème. Est-ce que je vais devoir tout vous raconter pour que vous me croyiez ou est-ce que c’est suffisant ? C’est très fatigant, soupira-t-il.

Même les plus vaillants détournaient les yeux maintenant. Michael était soulagé de voir que son message semblait les avoir atteints. Eglantine gardait la tête baissée, peinée.


  • Je pense que tu en assez dit Michael, tu peux aller te rasseoir.
  • J’ai une dernière question ! demanda un sbire de Mary. Tu es en train de dire que tu as passé la nuit avec elle et qu’il ne s’est vraiment rien passé entre vous ?
  • Combien de fois vais-je devoir le dire ? répondit-il d’un ton menaçant.
  • Je n’y crois pas une seconde, il y a forcément quelque chose entre vous.
  • Non. Il n’y a rien entre nous et il n’y aura jamais rien, répondit-il sèchement. Ni aujourd’hui, ni demain, n’est-ce pas ? fit-il en cherchant l’approbation d’Eglantine.

Son cœur fit un bond lorsque cette dernière releva la tête. Tout son front était plissé de douleur. Elle se mordait à nouveau les lèvres, déjà rougies de morsures. Elle essaya de cacher la montée de ses larmes, mais elle ne put les retenir. Il était déjà trop tard, c’était les flots sur ses joues et un sanglot lui échappa. Couverte de honte, elle se releva brusquement, faisant basculer son bureau et ses livres qui se retrouvèrent à terre. Elle s’enfuit de la classe en cachant son visage. La prof cria après, mais elle était partie trop vite. Elle envoya quelques minutes plus tard un élève la chercher.

Michael resta figé sans rien dire, les yeux écarquillés. Qu’est-ce qu’il venait de se passer ? Pourquoi avait-elle réagi ainsi ? « Ni aujourd’hui, ni demain » : Il porta sa main à sa bouche, réfléchissant et ses doigts tremblant légèrement. Un claquement le sortit de ses pensées.

Marry applaudissait en souriant du fond de la classe. Elliot lui jeta un regard noir.


  • Bravo ! Je suis absolument convaincue, c’est certain qu’il n’y a rien entre vous ! s’exclama-t-elle en prenant le ton le plus ironique possible.
  • Marry, tu empires la situation...
  • Voyons, je vous crois sur parole, mais je me demande bien ce qu’aurait pu dire vos parents, répondit-elle, d’un sourire narquois.
  • Ça suffit ! Il est plus que temps que nous reprenions le cours. Michael, si tu veux en parler après la classe, il n’y a pas de soucis, mais je ne peux pas me permettre...
  • Je comprends, la coupa-t-il.

Il se rassit au premier rang sans rien dire, déposa son coude sur le banc et glissa une main dans ses cheveux. Il se remémorait le visage d’Eglantine, rejouant la scène sans cesse. Il comprit alors qu’il serait impossible de convaincre les autres qu’il n’y avait rien entre eux, s’il commençait à en douter lui-même.


***


Eglantine s'enfuit le plus loin possible, courant sans s’arrêter et jusqu’à ce qu’elle soit si haletante, que sa respiration l’y obligea. Elle toussa comme si elle avait une grippe d’une semaine et les larmes coulaient encore. Elle se sentait désespérée. Elle tourna au coin du couloir et s’appuya contre un mur pour tenter de récupérer ses esprits. Lorsqu’elle releva la tête, elle fut prise de peur en voyant qu’il y avait quelqu’un sur l’appui de fenêtre devant elle : Alicia. Cette dernière avait été virée de la classe dès le début du cours. Elle s’approcha d’Eglantine qui s’empressa de se relever.


  • Qu’est-ce qui ne va pas ?
  • Je…
  • Oh, c’est à cause de Michael. Écoute…
  • Je ne veux plus en entendre parler ! cria-t-elle avant qu’elle n’ait pu finir sa phrase.

Elle repartit en courant, fuyant à nouveau tout contact humain. Alicia la regarda simplement partir, déconcertée.


***


Une nouvelle rumeur se répandait de classe en classe. Eglantine et Michael n’avaient pas seulement couché ensemble. Non. Elle semblait avoir des sentiments pour lui et ce n’était pas réciproque. Un amour à sens unique, entre Richess, ça paraissait ironique. Cette fois-ci, certains avaient de la peine pour eux, mais la plupart en riait. Les admirateurs d’Eglantine prenaient sa défense, mais ça ne faisait qu’envenimer la situation.

La dernière heure de cours allait débuter, Alicia avait obtenu le droit de rentrer en classe à condition d’adopter un comportement plus calme. Katherina était contente de l’avoir retrouvée, bien qu’elle n’en dit rien. Chuck se moquait d’elle, en lui faisant des regards pour qu’elle réagisse. Pour une fois, elle gardait étonnamment bien son calme. Je la taquinais aussi et elle me regarda comme trahie.


  • Toi aussi, tu t’y mets Dossan ??
  • Excuse-moi, c’était trop tentant, pouffais-je.
  • Arrêtez, sinon elle va encore, commença Katherina.
  • Se faire virer du cours ? C’est certain ! répondit Chuck.

Suite à cette remarque, tout le monde rigola. Alicia nous lança des petites boulettes de papier en guise de vengeance. C’était devenu un jeu de la taquiner et elle savait nous rendre la pareille. Le cours commença, et je m’étonnais du sérieux qui la gagnait, comme si quelque chose la tracassait…


***


Durant le souper, ni Michael, ni Eglantine ne se montrèrent.

J’eus ma mère au téléphone et lui expliqua alors comment se déroulait mon quotidien à l’école et surtout avec les Richess. Sa voix était douce, elle semblait rassurée. Puis, mon père prit le téléphone et me rappela pour la énième fois que je devais tout faire pour continuer à les fréquenter.

Après cet appel, la honte m’envahit. J’avais l’impression de jouer un double jeu en essayant de devenir leur ami sous les ordres de mon père. Le week-end passé, il y avait une ambiance froide à la maison. Je ne savais pas ce qui se passait entre mes parents quand je n’y étais pas. C’était une angoisse permanente, peur que mon père s’énerve et qu’il la frappe à nouveau. C’est pourquoi, je devais absolument continuer à me rapprocher d’eux. Je me disais qu’Alicia serait utile. Loin de moi l’idée de me servir d’elle, mais si on comptait quatre Richess dans notre groupe, c’était grâce à elle.

Je ne savais pas non plus comment évoluerait la relation entre Michael et Eglantine, mais je pensais que j’avais un intérêt à ce que ça se passe bien.


Ce dernier était assis à son bureau, finissant ses devoirs du jour. Les travaux et les préparations pour l’école ne lui posaient jamais de soucis, mais ce soir-là, il avait eu plus de difficultés à les terminer. C’était évident qu’il soit déconcentré après une journée pareille. Il n’avait jamais été au centre des discussions, ni même de rumeurs. Michael faisait toujours profil bas, on ne le connaissait que comme un des types les plus intelligents de l’école et ça lui convenait totalement. Le visage d’Eglantine lui revenait sans cesse en tête. Il agrippa le sien entre ses deux mains et frotta ses cheveux dans tous les sens. Il n’avait plus le contrôle et ça le rendait instable.

Il décida d’aller prendre l’air pour se changer les idées. Il était déjà tard, donc il prit soin d’être le plus silencieux possible. Il passa devant la chambre d’Eglantine, stressé.


Enfin dehors, la cour et son parc étaient encore éclairés par les lampadaires. En se dirigeant vers un banc, il découvrit une silhouette au loin, assise sur la margelle de la fontaine. Il se demandait qui pouvait bien, à part lui-même, sortir à cette heure tardive. Il s’avança, curieux, et reconnu sa chevelure argentée.

Eglantine avait la tête baissée, concentrée sur sa main qu’elle passait dans l’eau. Le son des gouttes qui tombaient de ses doigts faisait écho dans la nuit calme. Elle était perdue dans ses pensées.

Malgré tout, Michael l’appela d’une voix timide, ce qui la fit sursauter. Lorsqu’elle le vit, elle se releva d’un coup sec et recula de quelques pas.


  • Qu’est-ce que tu fais ici si tard ? lui demanda-t-il.
  • Je… Hum… Je n’arrivais pas… à dormir, répondit-elle la gorge nouée.

Michael hocha la tête, signalant que c’était aussi la raison de sa promenade. Il ne savait pas quoi faire, ni quoi lui dire, et elle n’était pas prête à se lancer non plus. Ils ressentaient tous les deux un grand malaise.


  • Je… à propos de cet après-midi, commença Michael.
  • Non ! Le coupa-t-elle. Ne dis rien, continua-t-elle, les yeux suppliants.
  • Je suis désolé. Je ne peux pas ne rien dire, insista-t-il. J’aimerais savoir pourquoi tu es partie tantôt ? Pourquoi tu as pleuré ? Je pensais avoir réglé la situation, lui demanda-t-il, d’une voix douce.

Elle ne voulait pas en parler. Elle ne savait pas comment lui expliquer, comment s’exprimer. Toutes ses peurs, cette timidité récurrente, s’empirait dans cette situation, mais il était si gentil, si doux, qu’elle ne pouvait pas ne pas lui répondre. Elle déglutit.


  • Excuse-moi d’être partie comme cela… répondit-elle, d’une voix tremblante.
  • Non, ce n’est pas grave, mais… Est-ce que j’ai bien fait ? lui demanda-t-il.
  • Eh bien… je ne sais pas…
  • Peut-être aurais-tu voulu que je ne dise rien, que je laisse l’affaire couler ?
  • L’affaire ? répéta-t-elle, d’une voix un peu plus sérieuse. Est-ce qu’il ne s’agit vraiment que d’une affaire pour toi ?
  • Qu’est-ce que tu veux dire ?
  • La nuit passée, commença-t-elle en rougissant. Nous… nous sommes presque embrassés…

Michael fit un mouvement de main vers son visage, comme pour cacher sa gêne. Il ne s’attendait pas du tout à ce qu’elle évoque ce moment. C’était pourtant inévitable d’en parler, il pensait le faire, mais il ne savait pas comment amener le sujet. Il aurait même préféré ne pas devoir le faire. Il n’avait pas honte, il ne voulait pas s’en cacher non plus, mais c’était interdit. Ça n’aurait jamais dû arriver.


  • C’est vrai, répondit-il, désarmé.
  • Je… Pour moi… je ne sais pas comment le dire… Michael… mais pour moi ça compte, dit-elle, les yeux brillants.
  • Je suis désolé… répondit-il, en baissant les yeux.
  • Désolé… ?
  • Je n’aurais pas dû… Excuse-moi
  • N.. non, j’ai apprécié ce moment ! Je veux dire… ce n’était pas rien. Tu comprends ?

Ils se regardèrent dans les yeux. Bien sûr qu’il comprenait. Il savait que plus rien ne serait pareil maintenant qu’il s’était impliqué avec elle. En lui apportant son aide, en l’invitant à dormir dans sa chambre et en essayant de l’embrasser. Quelque chose avait commencé. Il s’en rendait compte et pour lui, il s’agissait d’une erreur.


  • Je crois oui…
  • Tu sais ça fait longtemps que je me dis… en t’observant, enfin… en te voyant… comme tu es… que je pense qu’on se ressemble et… dit-elle nerveusement, en triturant ses cheveux. Je sais que je ne devrais pas dire ça, mais… je… j’aimerais être plus proche parce que je… je… balbutia-t-elle.

Elle était rouge écarlate, les lèvres et les mains tremblantes. Elle tenait entre ses doigts une mèche de cheveux avec laquelle elle jouait nerveusement tout en réfléchissant à ce qu’elle avait envie de lui dire. Il fallait trouver les bons mots, et parce qu’ils se connaissaient si peu, c’était d’autant plus compliqué. Encore plus, parce qu’ils étaient tous les deux des Richess.


  • Eglantine, attends, dit-il, sérieusement.
  • Ou…oui ?
  • Je ne pense pas qu’on puisse être proches. La nuit passée, j’ai voulu t’aider et j’ai été trop loin. Je m’excuse pour ce que j’ai essayé de faire. C’était irréfléchi…
  • Mais…
  • Je suis vraiment désolé… Ce n’est pas possible, continua-t-il, d’une voix triste.
  • Qu…qu’est- ce que tu veux dire ? répondit-elle, d’une voix angoissée.
  • Toi et moi…
  • Ah… non… ce n’est pas du tout ce que j’insinuais… non.
  • Eglantine…
  • Tu te trompes, je voulais dire… ahah, rit-elle nerveusement. Ce n’est rien de tout ça… tu te trompes, continua-t-elle, gênée. Je suis vraiment désolée de t’avoir mis mal à l’aise…je m’en vais…
  • Attends…

Elle avait les larmes aux yeux. Elle était embarrassée, comme elle ne l’avait jamais été. Elle se cacha derrière un faux sourire et des paroles qu’elle ne pensait pas. Elle partit avant même qu’il ne puisse ajouter quoi que ce soit d’autre. Il la regarda s’éloigner, le cœur lourd.

Qu’aurait-elle dit, s’il l’avait laissée faire ? Il avait peur de savoir.

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