Soixante-Douze

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La première fois, mais je ne vais m’en rendre compte que bien plus tard, c’est en montant dans le train. En voulant monter. Il est en bas, elle est perchée sur le marchepied, et que ça se léchouille comme c’est pas permis, enfin pour me laisser passer ils vont se désagglutiner quand même juste quelques secondes. « Il ne nous reste plus que trois jours », lui dit-elle, « alors si tu peux rentrer ce soir… ». Je ne fais pas attention. Et d’abord pourquoi aurais-je une raison de me préoccuper de leurs relations ? J’essaie de ne pas leur balancer mon sac à dos en pleine figure en grimpant, et pourtant ce n’est pas l’envie qui m’en manque. D’abord je suis de mauvais poil. Se lever à cinq heures pour prendre un train à sept, c’est pas ce qui me rend particulièrement radieux. Déjà que d’habitude je ne suis pas de bonne humeur le matin…

Le couloir. Vous avez remarqué ? Il y a toujours des abrutis pour foutre leurs cochonneries en plein milieu, ou pour tenter de coincer dans le porte-bagage des valises plus grosses que le wagon. Je m’impatiente derrière une bimbo décolorée qui fait l’inventaire de son paquetage. « Eh, cool, mec. Pas la peine de s’énerver. Vu que dans trois jours… » Bon, je grogne pour la forme tandis qu’elle se colle contre le dossier de son siège, peut-être bien histoire que ma braguette frôle son postérieur. Elle a tout l’air d’une salope. Je répète ce mot avec délectation jusqu’à mon siège. Salope, salope, salope. Si ça ne me calme pas vraiment, ça fait plaisir à mon irascibilité, cette légère touche de grossièreté à une heure bien matinale.

Je m’installe. À gauche face à moi, un barbu maussade avec le Figaro entre ses grosses paluches poilues. J’aurais préféré une salope, pour tout dire. Même de sexe masculin. Avant que le reste du voisinage se pointe et que je me retrouve coincé contre la fenêtre, je fais dégueuler le grand sac pour en extraire le petit que je pose à ma droite, balance l’autre sans regarder au-dessus de ma tête, puis m’installe avec un soupir et tente de déployer la demi tablette. Qui comme de juste ne bouge pas. Il y a quelque chose qui est resté collé en dessous, je n’ose même pas imaginer ce que c’est. Pas grave, pas grave, grommelé-je presque.

Sortir le porte-documents, le crayon, la gomme, le paquet de feuilles de brouillon, et en avant pour… allons… trois heures trente de traversée. Plus quinze minutes à attendre encore que le train s’ébranle, parce que forcément, avec ma manie d’être toujours une heure en avance ou presque, je suis arrivé à la gare alors que le quai n’était même pas affiché, et zut de zut, encore une fois il m’a fallu poireauter comme un con. J'ai parcouru plusieurs fois le hall avant que la panneau daigne enfin m'informer dans quel tortillard j'allais devoir monter. Je me suis payé un café dégueu avant de rejoindre la voiture 16, bien entendu à l'autre extrémité du train. Mais je m’énerve dans le vide, là. Ça ne sert à rien, alors respire un coup et pense bien fort à ce que tu vas faire d’ici quelques instants.

Je secoue le poignet, regarde ma montre qui par tradition avance de cinq minutes, m'empare de la liasse de papiers à corriger et me mets à parcourir les paragraphes d'un œil qui apprécierait plus de lorgner sur un joli fessier que sur cette accumulation de bouses sans intérêt. Après un bâillement, décision est prise que l'exercice des corrections pourra attendre, et que d'abord il faut se préoccuper des dix-mille à quarante-mille caractères à pondre pour un mardi de Noël qui, si je ne m'abuse, tombe dans désormais moins de soixante-douze heures. Même dopé à certains substances illicites je n'arriverai que difficilement à frôler les cinq pages, mais qu'importe, j'ai clamé que je le ferais, donc je le ferai, dussé-je pour cela passer une nuit blanche, une seule, parce que faudrait pas pousser, et puis j'ai passé l'âge de ce genre de blagues.

Tout ça pour un appel à textes. Thème : « … la fin du monde arrive dans trois jours » Genre : libre. Ça m’arrange. Un peu. Quand même. Taille : entre dix-mille et quarante-mille caractères. Déjà dit, mais mieux vaut le répéter. Limite d’envoi… Ouais, c’est ça le hic. J’ai été mis au courant de l’appel à texte il n’y a pas très longtemps, et me suis décidé encore plus récemment. Je vous jure, quelle idée stupide a bien pu me traverser ? Une idée qui en me poussant à relever le défi avait décidé de me faire passer pour un beau couillon, en tout cas.

Le Figaro bruisse un peu et le barbu en lève le nez. Il regarde ce que je fais, ou plutôt ce que je m'apprête à faire, avec la tête d'un mec harponné par la curiosité. Que la curiosité le harponne par l'arrière, ça lui fera du bien. Et s'il me zieute comme ça trop longtemps, son canard, j'espère qu'il le digérera bien, parce que je vais le lui enfoncer profond dans le gosier. Je ne suis pas d’humeur à me laisser scruter sans réagir. Mais avant que j’en vienne à de coupables extrémités, il se frotte les yeux et regarde dehors. La bimbo du couloir est en train de se geler les miches pour nourrir son futur cancer. Elle a approximativement quarante-cinq secondes pour carboniser sa clope à peine allumée, mais avant que la plus suave voix de France l'enjoigne de faire attention à la fermeture automatique des portes attention au départ, elle est déjà remontée, abandonnant avec résignation une tige à peine entamée – ce qui n'est sans doute pas dans ses habitudes.

Je tente de ranger tout mon matériel avant que l'inévitable importun vienne protester contre l'indigne occupation de son siège par un olibrius même pas rasé qui n'a de cesse de foutre du papier partout. Et puis je me plonge dans les premiers paragraphes, enfin plutôt je les survole, avant de me mettre à grogner sur les notes. J'ai horreur de prendre des notes, et encore plus de devoir les relire. D'habitude je m'en passe, mais comme l'idée pour la nouvelle est venue en pleine nuit et que je ne voulais pas l'avoir oubliée au petit matin, ben j'ai griffonné deux ou trois trucs avant de me rendormir. Indéchiffrable. Sûr, ça ravirait un graphologue.

Gnagnagna diable, gnagnagna Apocalypse, gnagnagna trois jours. Pas terrible. Peut faire pire, mais quand même. Bon, qu'est-ce qui pourrait me donner du courage et de la détermination ? La huitième de Bruckner ? Ça tombe bien, puisqu’elle est parfois dite « de l’Apocalypse ». Enfin, parfois, c’est plutôt une fois, parce qu’à part dans une nouvelle de Ballard[1], je ne l’ai jamais vue affublée de ce délicat qualificatif. Ah ? On s’en branle, de ce genre de remarque ? Exact, on s’en branle, on s’en contrefiche, et je dirais même mieux, mais une sévère autocensure m’en empêche.

Bon, les notes ne serviront à rien, j’ai pas forcément envie de me taper du Bruckner à une heure normalement dévolue au petit déjeuner, et pour résumer sauvagement je n’ai plus rien de valable qui me permettrait de remplir le minimum de dix-mille caractères. Super. Enfin un pari stupide qui va se transformer vite fait en fiasco. Je vais pouvoir faire acte de contrition, me repentir, et promettre que la prochaine fois que je vois passer un appel à texte, je regarderai d’abord le délai qui me reste avant de me lancer comme un benêt. S’il vous plaît… un bonnet d’âne pour le benêt damné. Ah ! que je suis drôle !

Des feuilles virginales sont de rigueur. Il faut tout reprendre à la racine. L’histoire. D’accord, il faut une histoire. Il paraît que c’est nécessaire. Enfin quoi, une nouvelle, s’il n’y a pas d’histoire, ce n’est plus… une nouvelle. Ben oui. Est-ce que j’aurais une histoire de rechange ? Dans trois jours, c’est la fin du monde, parce que… Parce que. Point. Armageddon, un truc comme ça ? Usé jusqu’à la corde, même que la corde est tellement usée qu’il n’en reste plus que des brins pourris. Laisse tomber, ça vaut pas le coup.

Est-ce que je ne pourrais pas me servir de mon idée, quand même ? Mâchonner le crayon, regarder fixement la feuille, le train s’ébranle, moi pas encore. Pourtant il faudrait. Allons, ce n’était pas une si mauvaise idée. Nulle mais pas atroce. On peut en faire quelque chose. Sauf qu’il y a un détail. C’est parfois important, les détails. Et celui-là, il est du genre coriace : quand je ne suis pas réveillé depuis assez longtemps, et que j’ai encore le cerveau aussi vif que celui d’une pintade – par manque de sommeil, mauvais sommeil, et tout ce genre de choses, enfin je me comprends –, je n’arrive pas à écrire. Or après une nuit aussi courte que celle que je viens de passer, même atteindre le niveau intellectuel d’une volaille serait un exploit. Et donc, malgré mes envies de noircir les brouillons avec une frénésie outrancière, si je me force, je vais écrire bien plus mal que n’importe quel journaliste de presse « pipole ».

Et alors ? Alors, zut, pour utiliser un charmant euphémisme qui rend mal compte de mon état d’esprit. Je tapote le crayon sur ma cuisse légère, quelle joie aucun connard ne s’est encore assis à côté, mais ce n’est pas le tout, je patauge, et je n’ai pas intérêt à patauger longtemps. Sinon, honte éternelle, besoin de se recouvrir de cendre et de se revêtir d’un sac à patates. Prenant une profonde inspiration en fermant les yeux, je commence à aligner des bouts de phrases qui ressemblent plus à des hoquets qu’à de la littérature mais peu importe. Au bout de cinq minutes, je fais semblant d’être ravi en voyant que j’ai atteint ma sixième ligne.

« Vous écrivez ? » Le barbu au Figaro a derechef levé le nez et, faute de savoir s’interroger en silence, a eu envie de me faire chier un peu. Comment ne pas grogner un rogue « Je crois » qui le réduira au silence ? Pas de pot, la réponse lui plaît. « C’est un roman ? » Non, débile, le catalogue de la Redoute. « Une nouvelle. Fantastique. Sur la fin du monde. Le thème c’est la fin du monde arrive dans trois jours… » Et la fin de ta sale gueule d’ahuri c’est pour dans cinq minutes si tu continue à me cramponner. Mon regard doit être éloquent mais il ne se démonte pas.

« Mais la fin du monde, c’est vraiment dans trois jours. » Il y a des gens, je vous jure… « C’est pour dans trois jours depuis l’éternité », réponds-je comme ça, pour ne rien dire. Il secoue la tête. « Non, cette fois c’est la bonne. » Sérieux ? Il a l’air. Ma chance est d’être tombé sur un cinglé. Un vrai cinglé, pas tout simplement un Parisien. J’ai une brève hésitation avant de lancer un « Ah bon ? », pensant soudain que s’il avait envie d’en dire plus, ça pourrait toujours me servir. « Tout le monde est au courant. Vous n’avez rien remarqué ? » Et quoi donc ? Trêve en Palestine pour se reposer entre deux fusillades, encore pas mal de morts en Syrie et en Irak qui n'arriveront pas en retard au Paradis, la seule étrangeté, c’est le mutisme des politiques au sujet de la fin du monde dans trois jours. On pense à fourrer les dindes, comme à chaque Noël (sauf moi, parce que j’y pense tout le temps, quoique en général les dindes me préoccupent moins que les petites poulettes), mais j’ai comme vaguement entendu parler d’une baisse de fréquentation des magasins depuis quarante-huit heures. Ou alors il s’agissait de tout autre chose, je ne fais jamais attention au bavardage journalistique.

« Non, rien », dis-je enfin, posant feuille et crayon.

On ne peut pas imaginer mine plus réjouie que celle qu’il m’offre à ce moment. Extase infinie et ravissement ineffable emplissent soudain ses yeux.

« Alors il serait temps que vous soyez au courant. La fin du monde, c’est dans trois jours. »

Bon, pile-poil pour me laisser le temps de les avoir, mes dix-mille signes. Et même d’envoyer le truc par courriel aux responsables de l’appel à texte, sachant qu’il me faudra malgré tout trois heures avant d’avoir la connexion.

« Vraiment ? », demandé-je avec l’affabilité d’un gardien de camp de concentration.

« Oui. Et vous savez comment ça va se passer ?

– … Ben…

– Comme dans vos notes. Reprenez vos notes. Lisez-les moi.

– Comment savez-vous ce qu’il y a dans mes notes ?

– Ça n’a pas d’importance. »

Je les cherche pendant quelques instants mais il m’interrompt d’un petit geste.

« Ne vous fatiguez pas, ce n’est pas la peine. Dans trois jours, pour l’anniversaire du Christ, le Diable cessera de faire le mal, et mieux, il ne fera plus que le Bien. Rien que le Bien. Voilà qui provoquera la fin du monde.

– Pas la peine de me répéter ce que j’ai déjà écrit.

– Mais vous n’avez pas développé.

– Je ne développe pas dans de mauvaises conditions. » S’il prend ça pour lui, je saurai que j’aurais dû fermer ma gueule, pour une fois.

Il s’étire et fait craquer ses phalanges. « Développer, je peux le faire pour vous. Juste un petit peu. Le bien absolu imposé d’un coup à l’humanité, ce sera un cataclysme pire qu’une guerre nucléaire. Plus de maladies, d’accidents. Paf, tout le corps médical au chômage, l’industrie pharmaceutique dans les choux. Plus de guerres, de conflits latents, bam, les militaires ne servent plus à rien et peuvent aller pointer à l’agence pour l’emploi, eux aussi. Dommage collatéral, l’industrie de l’armement s’effondrera sans délai. C’est triste mais nécessaire. Plus de magouilles, d’escroqueries, de détournements, de mensonges, de duperies, plus de politiciens véreux, plus de politiciens du tout même, c’est évident. La lubricité sera un mauvais souvenir : le monde du porno en deuil, fermeture des sex-shops, les prostituées ne sauront pas comment entamer leur reconversion. Très ennuyeux… D’autre part, plus de racistes. Plus de conflits ethniques, religieux. On pourra organiser une grande farandole pour l’amitié indéfectible des peuples. Et un mot sera définitivement passé de mode : racaille. On va pouvoir fermer commissariats et gendarmeries. L’avenir sera radieux, je vous l’assure, sans l’aide du communisme, et l’avenir va vous tomber dessus d’un seul coup sans prévenir, bien que beaucoup d’entre vous sachent déjà que la fin du monde est pour dans à peu près soixante-douze heures. Je continue ?

– C’est drôle, vous parlez un peu comme moi.

– Je vais extirper du monde l’existence des sept péchés capitaux, pour commencer, et tous les autres péchés ensuite. Puis tout ce qui en découle. Alors c’en sera fini de vous. Car vous allez crever d’ennui. Lit-té-ra-le-ment. Mais bon débarras, en définitive.

– Vous allez ?

– Naturellement, Moi. »

Je ricane. Jaune, mais je ricane.

« Le Diable lirait le Figaro ? C’est crédible, ça ?

– Il faut bien s’occuper en attendant.

– J’aime beaucoup votre humour. En tout cas, merci des tuyaux. Je la tiens, ma nouvelle.

– Pourquoi croyez-vous que je devais être là ? »

Silence. Sans raison précise, je recommence à avoir envie de lui faire bouffer son journal. Même s’il est marteau, je n’aurai pas de pitié.

« Comme tout le monde dans ce wagon. Vous vous précipitez en province pour rejoindre la famille avant l’assaut final sur la bûche.

– Pas du tout, jeune ami. Je suis là parce que vous aviez besoin de moi. Et pour vous mettre au parfum.

– Il est sérieux, votre psychiatre ? Je veux dire, on peut compter sur lui ?

– C’est vous qui auriez besoin de consulter. Mais dans trois jours, ça aussi ce sera inutile. Toute cette belle santé fondant sur le monde, vous n’imaginez pas les dégâts que ça va causer. »

Il se tait. Demi sourire. Il se caresse la barbe d’une main distraite et reprend Le Figaro. Je m’empare du crayon et me mets à dévaler les pages sans reprendre mon souffle. Le jour se lève. Voici Nevers. Pas terrible. Je me demande si j’aimerais y vivre et conclus que non. Juste parce que la gare ne me plaît pas.

« Les soixante-douze anges gardiens sont très embêtés, parce qu’ils ne peuvent pas nous contrer. Mes soixante-douze princes infernaux qui vont se mettre à faire leur boulot à leur place, c’est sûr, c’est une honte. »

Il s’est remis à me causer en profitant d’un instant de distraction. Et, justement, j’étais en train de réfléchir à cette concurrence déloyale.

« Et Dieu dans tout ça ?

– Dieu se la boucle. C’est ce qu’il a de mieux à faire. Il laisse les employés traiter le problème. Même pas, pour être honnête. Il s’en désintéresse. Ils sont complètement impuissants, alors ils n’osent même pas bouger le petit doigt. Vous savez pourquoi ?

– S’il fallait agir, ils risqueraient de ne pas avoir d’autre choix que de passer dans l’autre camp. »

Je ne suis pas fin, mais la réponse qu’il attendait était à la portée du premier cloporte venu.

« Exact. Soixante-douze équipiers de plus, je ne cracherais pas dessus, mais ce ne serait pas du jeu.

– Et vous êtes joueur.

– Forcément. Dans ma position, j’ai intérêt à l’être. »

C’est bizarre, mais il commence à me lasser. Peut-être un avant-goût de l’existence qui m’attend dans trois jours. Ou qui ne m’attend pas. Je crois quand même que c’est un frappé. Sympa, mais frappé.

Voici Moulins. C’est pas que je m’ennuie, mais la fréquentation de mon barbu me met en retard. Et puis, jolie surprise, le voilà qui roule son Figaro et se lève.

« Vous allez l’écrire ?

– Quoi ?

– Cette histoire. »

Son premier geste d’impatience.

« Je vais essayer.

– Vous avez moins de trois jours. Pour terminer et pour assister à la fin. Depuis aujourd’hui, à chaque heure qui passe, un de mes Princes prend ses nouvelles fonctions. Je n’aimerais pas que vous envoyiez votre texte trop tard. Vous me promettez de faire votre possible ? »

Quel beau ton sérieux comme on n’en fait guère. Je hoche la tête. Faut jamais froisser les tarés, ils peuvent devenir dangereux.

« J’y arriverai. »

Il se détend et rit quelques instants.

« Moi aussi, moi aussi. Mais trois jours, hein ? Pas un de plus. Si vous pouvez faire moins et profiter de vos dernières heures de malheur… »

Il part. Je tends l’oreille. Une annonce dans la gare parle de quelque chose qui doit se produire dans trois jours, une grève ou des travaux, comme d’habitude. Une femme demande à son gosse de se tenir tranquille. Et maintenant, hein, pas dans trois jours ! Plus je fais attention aux discussions dans le wagon, plus j’entends parler de trois. Et de jours. De trois jours. Et de rien ensuite.

Le plus dur à avaler, c’est que personne n’a peur. Je pose papiers et crayon. Personne ? Ils savent sans savoir. Ils ne se rendent pas compte. Moi oui, parce que j’ai été averti. Rien que pour me pousser à écrire une nouvelle ? C’est quand même bizarre…

Je n’ai aucune crainte, ce qui m’étonne pendant quelques minutes, avant que je décide que je n’ai pas à en avoir. J’ai été élu, d’une certaine manière, non ?

Je reprends mes outils de scribouillard minable. Minable mais déterminé. Satan m’a donné un ordre. Ô Maître, je me plie à cette volonté, afin que votre gloire exulte. Malgré le manque de temps je vais même dépasser de loin les dix-mille caractères, pour vous prouver ma reconnaissance. Et, disons, si je frôlais les quatorze-mille quatre-cent, ça vous plairait ?



_________

[1] J.-G. Ballard, Vermillion Sands. Ne me demandez pas où c’est dans le recueil, en tout cas l’histoire parle de sculptures sonores. Et puis après tout, il n’y a pas de mal à lire tout le bouquin pour retrouver ma référence…

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