Réveillon
Vendredi 31 décembre
Ca y est. Le Jour J. J'ai passé l'après-midi dans un état d'excitation pas possible, à essayer une tonne de vêtements, tout en écoutant du mieux que je pouvais ce que me disais Roxanne à l'autre bout du fil.
Je jette un coup d'oeil à ma jupe en cuir noire et ma chemise blanche à décolleté, puis vérifie l'heure sur mon téléphone. Matt m'a dit qu'il m'attendrait dans sa voiture au coin de la rue (juste pour être sûr) à 19 heures. Il est 18:58. Je n'ai plus le temps de me changer.
"Maman, j'y vais !! je crie en ouvrant la porte.
- Ok, amuse-toi bien, chérie. Et n'oublies pas d'être rentrée pour onze heures demain !!
- Oui oui !!"
"Salut, princesse. Je rigole (un peu nerveusement) quand je vois Matt ouvrir la portière passager de sa voiture.
- Salut, mister, je réponds, juste pour le taquiner.
- Prête ?"
Je hoche la tête et il démarre la voiture. J'en profite qu'il ait les yeux sur la route et que la radio est presque à fond pour l'observer en douce. Je vois qu'il a fait un effort lui aussi : ses cheveux sont coiffés et il porte un jean et une chemise qui à l'air fraîchement repassée.
Après quelques minutes en silence, il me jette un coup d'oeil.
"Joli déguisement, princesse. Tu sais, j'adore les filles qui portent une jupe ou une robe ou quelque chose un peu stylé juste pour le fun, même si c'est pas nécessaire.
- J'aime bien avoir une occasion de bien m'habiller comme ça. Après tout, c'est pas tous les jours !"
Il rit doucement et retourne son attention sur la route.
Dix minutes plus tard, nous sommes chez lui.
"Nous voilà, annonce-t-il en ouvrant la porte d'entrée. Bienvenue chez moi ! Deux trucs, commence-t-il, alors que je me mets à observer l'entrée (ce n'est pas la première fois que je vais chez Matt, mais je n'y suis pas allée depuis un petit bout de temps et beaucoup de choses ont changé). Premièrement, comme tu peux le voir, on vient juste de redécorer la maison, donc je m'excuse si ça sent encore la peinture. Je m'excuse aussi pour les oeuvres d'art bizarres, ça c'est mon père.
- Et la deuxième chose ?
- Ah oui ! Mes gentils parents sont partis ce soir en me laissant pas grand-chose dans le frigo, alors il va falloir être créatif. Apercevant mon air confus, il s'arrête et s'explique. En gros tu vas devoir m'aider, parce que je ne sais vraiment pas par où commencer.
Je ris. Ok, mais pourquoi on commande pas quelque chose comme une pizza ou des sushis ?
Il me lance son air de défi. Parce que où serait le fun là-dedans ?!"
Je le suis dans la cuisine, où il met de la musique, et nous commençons à préparer à manger, et Matt se met à chanter à tue-tête, en me faisant de grands signes pour que je chante avec lui.
(Juste pour vous dire, c'était très intéressant.)
"Ca te dit un karaoké ? demande-t-il alors que nous terminons de manger.
Sentant mon côté compétitif prendre le dessus, je lui lance un défi. Ok, mais on fait une compét'.
- Quoi ?! Nan mais je vais jamais gagner si c'est comme ça !!
Je rigole pour cacher le fait que je rougis. Tu sais, Matt, tu n'es vraiment pas très galant. Normalement c'est honneur aux invités, alors ça ne devrait pas te déranger de me laisser gagner !
Il râle gentiment. Ah ouais, c'est vrai. Cool. Eh bah honneur à toi, invitée, tu peux commencer."
Au final, nous abandonnons la compétition, même si Matt ne veut pas admettre qu'il est vaincu, et nous nous mettons à chanter et danser comme des malades, sautant sur les canapés de son salon et faisant tomber les coussins par terre.
Et au bout d'une heure de bataille d'oreillers nous sommes littéralement morts de fatigue et j'ai du mal à respirer.
"Emma, ça va ? me demande Matt, une lueur d'inquiétude dans sa voix.
Je hoche la tête. J'ai juste du mal à respirer, c'est tout.
- Tu veux de l'eau ?" Encore une fois, je hoche la tête. Matt part me chercher un verre et j'essaie de contrôler ma respiration. M'efforçant d'inspirer et d'expirer lentement et profondément, j'observe les peintures hivernales accrochées au mur.
"Tiens, dit Matt à son retour. T'es sure que ça va ?
Je bois un peu d'eau et réponds. Oui oui, t'inquiètes pas.
- Je savais pas que tu faisais de l'asthme.
Je rigole, ce qui est une très mauvaise idée. Eh bah maintenant tu le sais !
- Ouais enfin tu sais, je ne suis pas si surpris que ça. Je lève les sourcils, et il s'explique, un sourire aux lèvres. Les filles ont toujours le souffle court quand elles passent une soirée avec moi.
- Matt !! Je rigole, essayant de cacher ma gêne.
- Ok ok, dit-il, toujours en train de rigoler. On fait quoi maintenant ?"
Minuit n'est toujours pas passé. Il est vingt et une heure quarante cinq. On finit par mettre Mario Kart sur son écran de télévision. Il doit faire au moins deux mètres de longueur. Celle de quatre vingt centimètres à la maison semble ridicule à côté. Cela n'empêche pas que je suis toujours forte. Mais malgré mes meilleurs efforts, Matt remporte partie après partie. Et à chaque fois, se rappelant d'être galant, il rajoute : "je t'ai laissé gagner, princesse." Après quoi je le frappe dans le bras, il rigole encore plus, et nous recommençons pendant au moins quarante-cinq minutes. (En vérité, je n'ai plus aucune idée de l'heure).
"Attends ! s'exclame Matt alors que nous terminons le Mario Kart. Je viens juste de me rappeler de quelque chose.
- Quoi ? Je le regarde, et le regrette aussitôt : il a une lueur taquine et un je-ne-sais-quoi d'irrisitible dans les yeux. Ma respiration s'accélère, et ça n'a rien avoir avec le fait que je ne peux pas jouer une partie de Mario Kart sans me donner complètement à fond, ce qui n'est pas génial pour mes poumons, mais bon.
- Eh ben... Un sourire commence à se former sur ses lèvres. Je ne suis pas sûre si je devrais être inquiète. Donc, je vérifie.
- Dois-je m'inquièter ?
- T'inquiéter ? Pourquoi faire ? répond-il en me prenant les mains et en me tirant à l'autre bout du salon.
- Je sais pas. Peut-être parce que j'ai l'impression que tu vas faire quelque chose de fou ?
Il rigole, et s'arrête. Nous sommes entre le salon et la salle à manger, et je deviens de plus en plus inquiète. Hmm, dit-il. Je sais pas si j'appellerais ça quelque chose de fou. Il me regarde, cette lueur rieuse toujours dans les yeux. Etrangement, ça commence un peu à me tapper sur les nerfs. Tu connais la tradition, j'imagine, continue Matt.
La tradition ?! Quelle tradition ? Soudain je me souviens. Non, pas cette tradition-là, sûrement pas. Non, non non non !
Sauf que si, bien sûr que si. Je jette un coup d'oeil au plafond, et, comme je l'attendais, vois un bouquet de gui, avec ses boules blanches et ses feuilles vertes.
Je retourne mon attention sur Matt, qui est devenu tout d'un coup hyper sérieux (genre, plus sérieux que quand il attendait dans le couloir à côté de la porte du principal en espérant qu'il n'allait pas se faire renvoyer - je le sais, j'étais là aussi. Mais cette histoire-là est pour un autre moment.) Il passe les bras autour de ma taille et me rapproche de lui, inclinant légèrement la tête à gauche, les paupières basses. Je ferme mes yeux, et sens le parfum de son shampoing se rapprocher, ses lèvres effleurer les miennes. Et sans vraiment savoir ce que je fais, ma main est dans ses cheveux et je suis en train de l'embrasser. Il me soulève sur la pointe de mes pieds, et cette fois-ci, quand il m'embrasse, tout est beaucoup plus certain. Et je me rends compte que ça fait longtemps que quelqu'un m'a tenue dans les bras, comme ça, aussi fort, comme mon père le faisait quand j'étais petite et qu'il était encore là, et que ça fait tellement du bien. Je sens les larmes monter, mais je n'ai pas envie de gâcher ce moment. Car Matt, lui, est là, maintenant. Je garde les yeux fermés jusqu'à ce que j'ai plus l'envie de pleurer, et ce n'est qu'à ce moment-là que Matt desserre ses bras. Mais il ne me lâche pas complètement.
"Ca va ?
Je hoche la tête, pas encore sûre que je puisse parler sans m'étouffer.
- Tu sais, c'est pas la première fois que j'ai fait ça. Mais ça, ça n'a rien à voir avec les autres fois. Du tout.
Il dit ça pour me faire rire, j'en suis certaine, et ça marche. Ou du moins, je souris. Mais en même temps j'essaie à vive allure de déchiffrer ses paroles.
- Qu'est-ce qu'il y a ? Le grand méchant loup a mangé ta langue ?" plaisante-il. Et c'est là que ça devient de trop. Car ça, c'est la dernière phrase que je m'attendais à ce qu'il dise. C'est aussi la dernière phrase que m'a dite mon père, huit ans auparavant.
Je me retourne ; je ne veux pas qu'il me voie en train de pleurer, pas comme ça, pas maintenant. Mais bien sûr, Matt a d'autres idées. Il me fait faire demi-tour. Je résiste, mais il est trop fort, et je sens mon énergie s'évaporer. Pendant une seconde, j'essaie de me souvenir si le mascara que je porte est waterproof. Aucune idée. Matt pose une main douce sur ma nuque, et j'enfouis la tête dans son cou, laissant mes larmes tomber, sachant qu'il est là, et qu'il ne me lâchera pas.
J'essaie de me calmer, de respirer. Car c'est ce qu'il me répète de faire, tout en me frottant gentiment le dos.
"Respire Emma. C'est tout ce que je te demande de faire. Respire. C'est la seule chose d'important."
Une fois que je me suis calmée, la gêne me monte et j'ai peur d'avoir tout gâché. Tout d'un coup, je veux qu'on retourne à se frapper avec des oreillers, ou à chanter comme des malades. J'essaie de m'écarter ; il ne me lâche toujours pas. Je commence à m'énerver. Purée, peut-il pas juste me laisser deux secondes ?! Je sais que c'est la fatigue, et les émotions. Rien de plus.
"Désolée, je dis contre son épaule. Je n'arrive pas le regarder. Pas tout de suite.
- Désolée pour quoi ? demande-il, remettant une mèche de cheveux derrière mon oreille.
- Désolée pour avoir tout gâché, je réponds en forçant un petit rire, qui sonne faux.
Il lève ma tête pour que je n'ai pas d'autre choix que de regarder dans ses yeux.
"Emma. Tu n'as rien gâché. Au contraire. Mais viens, sinon on va louper les feux d'artifice."
Il m'emmène dehors, sur la terrasse, et nous nous installons sur un banc. Je lève la tête et vois les étoiles, scintillantes dans le ciel noir, et essaie de reconnaître quelques constellations. Je viens juste de trouver Orion quand je me rends compte du froid, et du fait que j'ai laissé ma veste dans le hall d'entrée. A peine deux secondes après s'être assis, Matt se relève et retourne à l'intérieur. Il ressort deux minutes plus tard, deux tasses de chocolat chaud fumant à la main et une couverture autour des épaules.
Il me tend une tasse et je souris en apercevant de la crème fouettée sur le haut. Il me met la couverture autour des épaules en disant qu'il n'a pas froid. C'est ça ouais. Je me rapproche de lui pour que nous pouvons partager la couverture. Je retourne mon attention sur le ciel, laissant toutes mes pensées se focaliser sur les étoiles et les quelques nuages au-dessus de nous.
C'est Matt qui brise le silence en premier. Il se racle la gorge, et j'ai peur qu'il veut me parler de notre épisode il y a cinq minutes. Ou plutôt du fait que je me suis mise à pleurer comme la petite fille de neuf ans que j'étais quand j'ai perdu mon père.
Mais non. Matt a autre chose qui le titille.
"Tu connais des constellations ?
- Un peu. Je lui montre Orion, et il me jette un regard impressionné. Quoi, c'est pas si compliqué que ça !
Il secoue la tête. Ses cheveux sont maintenant bien décoiffés, et une mèche lui tombe dans les yeux. Je résiste à la tentation de la remettre en place.
- C'est juste. Je ne t'ai jamais pris pour quelqu'un de très scientifique, Emma.
- Et ?
- Rien.
Nous restons en silence un moment. Puis je décide de lui expliquer deux trois petites choses.
- Déjà, je ne suis pas complètement anti tout ce qu'est science. Il y des choses qui m'intéressent énormément...
- Comme ? Son ton rieur est de retour, ce qui me soulage. C'est plus facile de lui parler quand il est à deux doigts de sortir une blague pourrie, ou une anecdote marrante que je n'ai pas encore entendue.
- Comme le cerveau, par exemple. Et comment notre cerveau traite les informations et les émotions comme la peur ou la confiance. Bref, ne change pas le sujet !!
Je m'emporte un peu (ce qui est tout à fait normal pour moi) et nous rions tous les deux. Un nuage bouge doucement au-dessus de nos têtes, découvrant petit par petit une pleine lune.
- Ok. Ensuite, les constellations c'est pas hyper scientifique. Les gens s'en servent pour la naviagtion Matt. C'est comme si que tu disais qu'utiliser un GPS c'est scientifique, alors que non, suffit juste de suivre les instructions.
- Mouais. Je vois qu'il n'est pas tout à fait d'accord. Mais tu sais, il y a des gens qui ne sont pas très forts pour suivre des instructions.
Je balaye son commentaire avec ma main.
- Et puis, il y a plein d'histoires mythologiques super intéressantes à propos des constellations. Là, il s'esclaffe et secoue gentiment la tête. Mais vu que je suis assez têtue, je continue. Prenons Orion par exemple. Pour les Grecs, c'était un chasseur géant orgueilleux né d'une semence. Offert en tant que cadeau je crois à quelqu'un qui voulait des enfants mais ne pouvait pas en avoir, ou un truc comme ça. Et si je me souviens bien, à un bout d'un moment on lui a crevé les yeux...
- Et il est mort ? Matt m'interrompt.
- Mais non !!! C'est de la mythologie Matt !!! Il a retrouvé la vue avec l'aide d'Héphaïstos - tu sais qui c'est au moins ?
- Oui oui. T'inquiète, je ne suis pas un 'ignoramus', comme dit la prof de langue anglaise. Puis, en faisant une bonne imitation de Mme Thomson, il ajoute : 'Ne me dites pas que vous êtes tous des ignoramuses!' Ou attends, y'en a une meilleure ! 'A ce rythme vous allez tous être des ignorami !' Il se tourne vers moi. C'est quoi déjà le pluriel ? 'Ignoramuses' ou 'ignorami' ?
Je m'esclaffe à son imitation de notre professeure d'anglais un peu eccentrique (mais qui fait rire tout le monde, y compris le principal). J'en sais rien moi !! C'est d'où que tu sors ça pour commencer ?!
- Oh, c'était y'a deux semaines, un truc comme ça. Elle s'est mise à nous insulter comme ça pendant toute l'heure. Au final on n'a pas fait beaucoup d'anglais. Tant mieux, car ce qu'on faisait c'était ennuyant à mourir. D'ailleurs je sais même plus ce qu'on faisait.
- Tu m'étonnes ! Tu veux savoir comment il est mort Orion ?
Il me lance son sourire de petit gamin. Oui, alors il est mort comment ?
- Si mes souvenirs sont bons, il est mort piqué par le Scorpion et...je ne me souviens plus de la suite. Mais bref, tu vois, les constellations c'est pas très scientifique. Et puis j'aime pas que les gens me catégorisent comme ça : 'toi t'es littéraire' ou 'toi t'es scientifique'.
- Ou 'toi t'es bon à rien', rajoute Matt. Il reçoit un coup de coude dans les côtes pour sa remarque. Aïe ! Emma ça va pas d'assomer ses hôtes !!
Je rigole. De un, j'ai fait ça gentiment, donc je ne t'ai pas assomée. Et puis de deux, tu l'as mérité !
On en était où ?
- Je sais pas mais chut, les feux d'artifices vont commencer et j'ai pas envie de louper ça !"
Nous levons la tête vers le ciel, et je me perds dans les explosions de couleurs et le son, qui m'attirent comme un aimant, ou de l'hypnose.
A un moment, je commence à avoir froid (malgré la couverture - il doit faire trois ou quatre degrés dehors) et me blottis contre Matt. Son sourire de gamin s'intensifie. Je serais une grosse menteuse si je disais que je ne souriais pas comme une petite fille non plus.
"Emma ? Son ton est sérieux.
Je rigole nerveusement. Oui ?
- Bonne année ! crie-t-il en sautant sur le banc.
- Bonne année !!! Je me lève aussi, et nous sautons comme des malades un moment sur le banc. J'espère un instant qu'il est solide, mais très rapidement je m'en fiche complètement. Si on tombe, on tombe. Au pire, ça sera marrant. La couverture tombe de mes épaules. Tant pis !
Sauf que, deux minutes plus tard, je frissonne.
- T'as froid ? Nous sommes toujours debout sur le banc et on peut entendre des cris de d'autres fêtards qui acceuillent le nouvel an.
- Un peu.
- Attends, je vais remédier ça." Il se rapproche. En deux secondes, il est tout près. En trois, ces bras passent autour de ma taille. Et quelques secondes plus tard, il m'embrasse, pour la deuxième fois de la soirée. Une douce chaleur me parcourt, et je ne sens plus le froid. Pour être complètement honnête, je ne sens plus grand chose. Tous mes sens se concentrent sur lui. Ses mains remontent mon dos et se posent sur ma nuque. L'espace d'un instant, je prie pour que ses voisins ne peuvent pas nous voir. Je sais qu'il fait nuit, mais quand même.
Nous retournous à l'intérieur et on s'installe chacun à un bout du canapé. Je ne sais pas si c'est mieux.
"Alors, c'est quoi tes bonnes résolutions pour le nouvel an ? Ses yeux sont de nouveau rieurs; son sourire, irrisistible (ou presque).
Je lui jette un coup d'oeil. J'en ai pas.
- Comment ça, t'en a pas ?! Tout le monde en a !
- Ah ouais ? C'est quoi les tiennes ? je le défis. Parfois avec Matt (ou plutôt, toujours sauf quand je suis en état d'extrême détresse), c'est plus facile de plaisanter que d'être sérieux. Donc je le taquine, je l'embête. Aussi, il est mignon quand on le taquine et qu'il ne sait pas quoi répondre.
Comme je le pensais, il ignore ma question. Pourquoi t'en a pas ?
Je soupire. Parce que je sais que je vais pas arriver à les tenir. Pour moi les résolutions, c'est un peu comme une promesse qu'on fait à soi-même pour être meilleur. Et ça fait longtemps que je ne fais plus de promesses que je sais que je ne vais pas pouvoir tenir. Donc c'est pour ça que j'en ai pas.
Il réfléchit un moment. Mais tu veux pas au moins essayer ? Essayer d'être une meilleure version de toi-même ? Parce que pas essayer, c'est un peu lâche. Et je ne te prenais pas pour une poule mouillée Emma.
- Oui mais...argh ! Je sens que je commence à m'énerver. Mais...Mais j'aime bien qui je suis, tu vois ? Et personne n'est parfait. Et je sais que je vais être plus déçue de n'avoir pas réussi à tenir au moins une résolution que de ne pas en avoir. Je change le sujet. Mais tu m'as toujours pas dit les tiennes ?
- Ok. Il y a une lueur espiègle dans ses yeux. Pour commencer, cette année je veux... Il rampe jusqu'à moi et dépose un baiser sur mes lèvres. Beaucoup plus de ça.
- Matt, sérieusement !
- Mais je suis sérieux. Après tout, faut pas se nier le plaisir de faire les choses qu'on aime, n'est-ce pas ? Sa phrase me rappelle quelque chose. C'est de 'Nos Etoiles Contraires'. Ensuite, je veux que mon père accepte que mon avenir est le mien, et que j'en fais ce que veux. Ah oui ! Aussi je veux qu'on remporte la ligue de hockey. Quoi d'autre encore ?"
Il énumère quelques autres bonnes résolutions, mais je ne l'écoute plus. La fatigue l'emporte et mes yeux se ferment.
Je me réveille le lendemain matin (ou plutôt, quelques heures plus tard), un peu désorientée. Puis je me souviens tout d'un coup où je suis : chez Matt, dans une chambre d'amis, à en juger par le manque de touches personnelles. Je porte encore les vêtements de hier soir mais mes talons sont posés par terre, contre l'armoire. Je m'aperçois aussi que mon sac est posé sur le bureau. Matt a dû le monter. Ce qui m'amène à me souvenir de la soirée passée.
Souriante, je vais dans la salle de bains me doucher.
A mon retour, je vois un Post-It jaune sur la table de chevet que je n'avais pas vu auparavant. J'essaie de me rappeler un instant s'il était là quand je me suis levée.
Descends quand t'es prête. Je pense que tu sais trouver la cuisine toute seule, alors je vais pas te laisser des directions.
Je souris et descends petit-déjeuner.
Comme prévu, Matt est dans la cuisine, habillé beaucoup plus simplement que la veille : vieux jean tellement délavé qu'il doit être hyper confortable, sweat à capuche de la tournée d'un groupe qu'il aime bien. Il se retourne en m'entendant arriver.
"Bien dormi, princesse ?
- Oui merci. Et toi ?
Il sourit. Comme un bébé ! Et puis, changeant complètement de sujet : crêpes ou gauffres ?
Je fais semblant d'être horrifiée. Quelle question ! Gauffres, bien sûr !!"
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